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11 novembre 2010 4 11 /11 /novembre /2010 00:05

Lorsque nous avons pris connaissance du discours de Blaise Compaoré à l’assemblée générale de l’ONU en septembre 2009, nous avons été particulièrement frappés par le manque de clarté si ce n’est de courage dans la position énoncée à propos de la question palestinienne par l’actuel président du Burkina Faso. Nous avions en souvenir ce que Sankara, lui, avait déclaré. Des militantes de SURVIE nous ont fait parvenir le récit de la marche sur Gaza décembre 2009, janvier 2010, auxquelles elles ont participé (voir à l’adresse http://www.thomassankara.net/...). A cette occasion il nous a semble utile de vous livrer, à titre de comparaison, l’extrait du discours de Compaoré à l’ONU consacré au Moyen Orient en septembre 2009 et quelques citations extraites de différents discours de Thomas Sankara. Un exemple supplémentaire de l’actualité de la pensée de Thomas Sankara. B. J.

Discours de Blaise Compaoré à l’occasion du débat général de la 64ème session ordinaire de l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies (New-York, 25 septembre 2009)

Extrait sur le Moyen Orient :

« Au Moyen-Orient, nous nous félicitons du bon déroulement des élections au Liban et encourageons ce pays à améliorer ses relations avec la Syrie et Israël. La stabilité retrouvée du Liban et les perspectives de normalisation avec les Etats voisins constituent une opportunité pour envisager avec sérénité un règlement global de la question palestinienne. »


 Extraits de discours de Thomas Sankara sur le Moyen Orient

Discours prononcé au Sommet des Non alignés de New Delhi en mars 1983. Source : http://thomassankara.net/...

« De même pensons-nous, notre mouvement ne peut accepter le rôle d’observateur muet et passif qu’on cherche à lui imposer, comme au reste du monde dans ce conflit du Proche Orient, vieux maintenant de près 40 ans, où les manoeuvres combinées de l’impérialisme et du sionisme, ont réussi non seulement à expulser de sa patrie le peuple palestinien mais aussi à la suite d’agressions barbares successives à réaliser et maintenir l’occupation militaire et l’annexion de vastes territoires de plusieurs pays arabes membres de notre mouvement.

Récemment encore, il y a moins d’un an, le gouvernement d’Israël publiquement encouragé par les celui des Etats-Unis, et malgré la condamnation unanime des peuples du monde entier, a envahi avec son armée l’état du Liban, soumis la capitale Beyrouth à la destruction impitoyable de ses énormes moyens militaires, terrestres, maritimes et aériens, malgré l’héroïque résistance de la ville et des palestiniens sous la direction de l’OLP (Organisation de Libération de la Palestine).

Malgré le cessez-le feu obtenu par la communauté internationale, le gouvernement israélien a permis les massacres inqualifiables de Sabra et Chatila dont les responsables méritent d’être poursuivis pour crime contre l’humanité et s’obstinent encore à refuser de retirer du Liban les troupes d’agression. »

Discours de Thomas Sankara devant l’Assemblée générale des Nations Unies le 4 octobre 1984. Source : http://thomassankara.net/...

« Enfin, je veux m’indigner en pensant aux Palestiniens qu’une humanité inhumaine a choisi de substituer à un autre peuple, hier encore martyrisé. Je pense à ce vaillant peuple palestinien, c’est-à-dire à ces familles atomisées errant de par le monde en quête d’un asile. Courageux, déterminés, stoïques et infatigables, les Palestiniens rappellent à chaque conscience humaine la nécessité et l’obligation morale de respecter les droits d’un peuple : avec leurs frères juifs, ils sont antisionistes. »

.../...

« Mais la recherche de la paix va de pair avec l’application ferme du droit des pays à l’indépendance, des peuples à la liberté et des nations à l’existence autonome. Sur ce point, le palmarès le plus pitoyable, le plus lamentable, oui, le plus lamentable, est détenu au Moyen Orient en termes d’arrogance, d’insolence et d’incroyable entêtement par un petit pays, Israël, qui, depuis, plus de vingt ans, avec l’inqualifiable complicité de son puissant protecteur les Etats-Unis, continue à défier la communauté internationale.

Au mépris d’une histoire qui hier encore, désignait chaque Juif à l’horreur des fours crématoires, Israël en arrive à infliger à d’autres ce qui fut son propre calvaire. En tout état de cause, Israël dont nous aimons le peuple pour son courage et ses sacrifices d’hier, doit savoir que les conditions de sa propre quiétude ne résident pas dans sa puissance militaire financée de l’extérieur. Israël doit commencer à apprendre à devenir une nation comme les autres, parmi les autres.

Pour l’heure, nous tenons à affirmer du haut de cette tribune, notre solidarité militante et agissante à l’endroit des combattants, femmes et hommes, de ce peuple merveilleux de la Palestine parce que nous savons qu’il n’y a pas de souffrance sans fin. »

.../...

« Enfin ma délégation n’aurait pas accompli tous ses devoirs si elle n’exigeait pas la suspension d’Israël et le dégagement pur et simple de l’Afrique du Sud de notre organisation. Lorsque, à la faveur du temps, ces pays auront opéré la mutation qui les introduira dans la Communauté internationale, chacun de nous nous, et mon pays en tête, devra les accueillir avec bonté, guider leur premier pas. »

Discours de Thomas Sankara lors de la visite de François Mitterrand à Ouagadougou le 17 novembre 1986 source : http://www.thomassankara.net/...

"Nous suivons et apprécions aussi chaque jour, les actes comme ils sont posés. La France est engagée avec les autres peuples du monde dans la lutte pour la paix et c’est pourquoi, à l’heure où nous nous rencontrons aujourd’hui, il convient de rappeler que d’autres, ailleurs, ignorent, et pour combien de temps, cette paix.

Il s’agit d’abord des Palestiniens. Les Palestiniens, des hommes et des femmes qui errent de part en part, bohémiens du sionisme. Ces hommes et ces femmes qui sont contraints de chercher refuge, ces hommes et ces femmes pour qui la nuit est une succession de cauchemars et le jour, une avalanche d’obus."

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11 novembre 2010 4 11 /11 /novembre /2010 00:04

 

« La vraie émancipation de la femme c’est celle qui responsabilise la femme, qui l’associe aux activités productrices, aux différents combats auxquels est confronté le peuple. La vraie émancipation de la femme, c’est celle qui force la considération et le respect de l’homme ».

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11 novembre 2010 4 11 /11 /novembre /2010 00:04

8 mars 1987

 

Il n’est pas courant qu’un homme ait à s’adresser à tant et tant de femmes à la fois. Il n’est pas courant non plus qu’un homme ait à suggérer à tant et tant de femmes à la fois, les nouvelles batailles à engager.

La première timidité de l’homme lui vient dès le moment où il a conscience qu’il regarde une femme. Aussi, camarades militantes, vous comprendrez que malgré la joie et le plaisir que j’ai à m’adresser à vous, je reste quand même un homme qui regarde en chacune de vous, la mère, la soeur ou l’épouse. Je voudrais également que nos soeurs ici présentes, venues du Kadiogo, et qui ne comprennent pas la langue française étrangère dans laquelle je vais prononcer mon discours soient indulgentes à notre égard comme elles l’ont toujours été, elles qui, comme nos mères, ont accepté de nous porter pendant neuf mois sans rechigner. ( Intervention en langue nationale mooré pour assurer les femmes qu’une traduction suivra, d leur intention.)

Camarades, la nuit de 4 août a accouché de l’oeuvre la plus salutaire pour le peuple burkinabè. Elle a donné à notre peuple un nom et à notre pays un horizon.

Irradiés de la sève vivifiante de la liberté, les hommes burkinabè, humiliés et proscrits d’hier, ont reçu le sceau de ce qu’il y a de plus cher au monde : la dignité et l’honneur. Dès lors, le bonheur est devenu accessible et chaque jour nous marchons vers lui, embaumés par les luttes, prémices qui témoignent des grands pas que nous avons déjà réalisés. Mais le bonheur égoïste n’est qu’illusion et nous avons une grande absente : la femme. Elle a été exclue de cette procession heureuse.

Si des hommes sont déjà à l’orée du grand jardin de la révolution, les femmes elles, sont encore confinées dans leur obscurité dépersonnalisante, devisant bruyamment ou sourdement sur les expériences qui ont embrassé le Burkina Faso et qui ne sont chez elles pour l’instant que clameurs.

Les promesses de la révolution sont déjà réalités chez les hommes. Chez les femmes par contre, elles ne sont encore que rumeurs. Et pourtant c’est d’elles que dépendent la vérité et l’avenir de notre révolution : questions vitales, questions essentielles puisque rien de complet, rien de décisif, rien de durable ne pourra se faire dans notre pays tant que cette importante partie de nous-mêmes sera maintenue dans cet assujettissement imposé durant des siècles par les différents systèmes d’exploitation. Les hommes et les femmes du Burkina Faso doivent dorénavant modifier en profondeur l’image qu’ils se font d’eux-mêmes à l’intérieur d’une société qui, non seulement, détermine de nouveaux rapports sociaux mais provoque une mutation culturelle en bouleversant les relations de pouvoir entre hommes et femmes, et en condamnant l’un et l’autre à repenser la nature de chacun. C’est une tâche redoutable mais nécessaire, puisqu’il s’agit de permettre à notre révolution de donner toute sa mesure, de libérer toutes ses possibilités et de révéler son authentique signification dans ces rapports immédiats, naturels, nécessaires, de l’homme et de la femme, qui sont les rapports les plus naturels de l’être humain à l’être humain.

Voici donc jusqu’à quel point le comportement naturel de l’homme est devenu humain et jusqu’à quel point sa nature humaine est devenue sa nature.

Cet être humain, vaste et complexe conglomérat de douleurs et de joies, de solitude dans l’abandon, et cependant berceau créateur de l’immense humanité, cet être de souffrance, de frustration et d’humiliation, et pourtant, source intarissable de félicité pour chacun de nous ; lieu incomparable de toute affection, aiguillon des courages même les plus inattendus ; cet être dit faible mais incroyable force inspiratrice des voies qui mènent à l’honneur ; cet être, vérité chamelle et certitude spirituelle, cet être-là, femmes, c’est vous ! Vous, berceuses et compagnes de notre vie, camarades de notre lutte, et qui de ce fait, en toute justice, devez vous imposer comme partenaires égales dans la convivialité des festins des victoires de la révolution.

C’est sous cet éclairage que tous, hommes et femmes, nous nous devons de définir et d’affirmer le rôle et la place de la femme dans la société.

Il s’agit donc de restituer à l’homme sa vraie image en faisant triompher le règne de la liberté par-delà les différenciations naturelles, grâce à la liquidation de tous les systèmes d’hypocrisie qui consolident l’exploitation cynique de la femme.

En d’autres termes, poser la question de la femme dans la société burkinabè d’aujourd’hui, c’est vouloir abolir le système d’esclavage dans lequel elle a été maintenue pendant des millénaires. C’est d’abord vouloir comprendre ce système dans son fonctionnement, en saisir la vraie nature et toutes ses subtilités pour réussir à dégager une action susceptible de conduire à un affranchissement total de la femme.

Autrement dit, pour gagner un combat qui est commun à la femme et à l’homme, il importe de connaître tous les contours de la question féminine tant à l’échelle nationale qu’universelle et de comprendre comment, aujourd’hui, le combat de la femme, burkinabè rejoint le combat universel de toutes les femmes, et au-delà, le combat pour la réhabilitation totale de notre continent.

La condition de la femme est par conséquent le noeud de toute la question humaine, ici, là-bas, partout. Elle a donc un caractère universel.

La lutte de classes et la question de la femme.

Nous devons assurément au matérialisme dialectique d’avoir projeté sur les problèmes de la condition féminine la lumière la plus forte, celle qui nous permet de cerner le problème de l’exploitation de la femme à l’intérieur d’un système généralisé d’exploitation. Celle aussi qui définit la société humaine non plus comme un fait naturel immuable mais comme une antiphysis.

L’humanité ne subit pas passivement la puissance de la nature. Elle la prend à son compte. Cette prise en compte n’est pas une opération intérieure et subjective. Elle s’effectue objectivement dans la pratique, si la femme cesse d’être considérée comme un simple organisme sexué, pour prendre conscience au-delà des données biologiques, de sa valeur dans l’action.

En outre, la conscience que la femme prend d’elle-même n’est pas définie par sa seule sexualité. Elle reflète une situation qui dépend de la structure économique de la société, structure qui traduit le degré de l’évolution technique et des rapports entre classes auquel est parvenue l’humanité.

L’importance du matérialisme dialectique est d’avoir dépassé les limites essentielles de la biologie, d’avoir échappé aux thèses simplistes de l’asservissement à l’espèce, pour introduire tous les faits dans le contexte économique et social. Aussi loin que remonte l’histoire humaine, l’emprise de l’homme sur la nature ne s’est jamais réalisée directement, le corps nu. La main avec son pouce préhensif déjà se prolonge vers l’instrument qui multiplie son pouvoir. Ce ne sont donc pas les seules données physiques, la musculature, la parturition par exemple, qui ont consacré l’inégalité de statut entre l’homme et la femme. Ce n’est pas non plus l’évolution technique en tant que telle qui l’a confirmée. Dans certains cas, et dans certaines parties du globe, la femme a pu annuler la différence physique qui la sépare de l’homme.

C’est le passage d’une forme de société à une autre qui justifie l’institutionnalisation de cette inégalité. Une inégalité sécrétée par l’esprit et par notre intelligence pour réaliser la domination et l’exploitation concrétisées, représentées et vécues désormais par les fonctions et les rôles auxquels nous avons soumis la femme.

La maternité, l’obligation sociale d’être conforme aux canons de ce que les hommes désirent comme élégance, empêchent la femme qui le désirerait de se forger une musculature dite d’homme.

Pendant des millénaires, du paléolithique à l’âge du bronze, les relations entre les sexes furent considérées par les paléontologues les plus qualifiés de complémentarité positive. Ces rapports demeurèrent pendant huit millénaires sous l’angle de la collaboration et de l’interférence, et non sous celui de l’exclusion propre au patriarcat absolu à peu près généralisé à l’époque historique !

Engels a fait l’état de l’évolution des techniques mais aussi de l’asservissement historique de la femme qui naquit avec l’apparition de la propriété privée, à la faveur du passage d’un mode de production à un autre, d’une organisation sociale à une autre.

Avec le travail intensif exigé pour défricher la forêt, faire fructifier les champs, tirer au maximum parti de la nature, intervient la parcellisation des tâches. L’égoïsme, la paresse, la facilité, bref le plus grand profit pour le plus petit effort émergent des profondeurs de l’homme et s’érigent en principes. La tendresse protectrice de la femme à l’égard de la famille et du clan devient le piège qui la livre à la domination du mâle. L’innocence et la générosité sont victimes de la dissimulation et des calculs crapuleux. L’amour est bafoué. La dignité est éclaboussée. Tous les vrais sentiments se transforment en objets de marchandage. Dès lors, le sens de l’hospitalité et du partage des femmes succombe à la ruse des fourbes.

Quoique consciente de cette fourberie qui régit la répartition inégale des tâches, elle, la femme, suit l’homme pour soigner et élever tout ce qu’elle aime. Lui, l’homme, surexploite tant de don de soi. Plus tard, le germe de l’exploitation coupable installe des règles atroces, dépassant les concessions conscientes de la femme historiquement trahie.

L’humanité connaît l’esclavage avec la propriété privée. L’homme maître de ses esclaves et de la terre devient aussi propriétaire de la femme. C’est là la grande défaite historique du sexe féminin. Elle s’explique par le bouleversement survenu dans la division du travail, du fait de nouveaux modes de production et d’une révolution dans les moyens de production.

Alors le droit paternel se substitue au droit maternel ; la transmission du domaine se fait de père en fils et non plus de la femme à son clan. C’est l’apparition de la famille patriarcale fondée sur la propriété personnelle et unique du père, devenu chef de famille. Dans cette famille, la femme est opprimée. Régnant en souverain, l’homme assouvit ses caprices sexuels, s’accouple avec les esclaves ou hétaïres. Les femmes deviennent son butin et ses conquêtes de marché. Il tire profit de leur force de travail et jouit de la diversité du plaisir qu’elles lui procurent.

De son côté dès que les maîtres rendent la réciproque possible, la femme se venge par l’infidélité. Ainsi le mariage se complète naturellement par l’adultère. C’est la seule défense de la femme contre l’esclavage domestique où elle est tenue. L’oppression sociale est ici l’expression de l’oppression économique.

Dans un tel cycle de violence, l’inégalité ne prendra fin qu’avec l’avènement d’une société nouvelle, c’est-à-dire lorsque hommes et femmes jouiront de droits sociaux égaux, issus de bouleversements intervenus dans les moyens de production ainsi que dans tous les rapports sociaux. Aussi le sort de la femme ne s’améliorera-t-il qu’avec la liquidation du système qui l’exploite.

De fait, à travers les âges et partout où triomphait le patriarcat, il y a eu un parallélisme étroit entre l’exploitation des classes et la domination des femmes ; Certes, avec des périodes d’éclaircies où des femmes, prêtresses ou guerrières ont crevé la voûte oppressive. Mais l’essentiel, tant au niveau de la pratique quotidienne que dans la répression intellectuelle et morale, a survécu et s’est consolidé. Détrônée par la propriété privée, expulsée d’elle-même, ravalée au rang de nourrice et de servante, rendue inessentielle par les philosophies Aristote, Pythagore et autres et les religions les plus installées, dévalorisée par les mythes, la femme partageait le sort de l’esclave qui dans la société esclavagiste n’était qu’une bête de somme à face humaine.

Rien d’étonnant alors que, dans sa phase conquérante, le capitalisme, pour lequel les êtres humains n’étaient que des chiffres, ait été le système économique qui a exploité la femme avec le plus de cynisme et le plus de raffinement. C’était le cas, rapporte-t-on, chez ce fabricant de l’époque, qui n’employait que des femmes à ses métiers à tisser mécaniques. Il donnait la préférence aux femmes mariées et parmi elles, à celles qui avaient à la maison de la famille à entretenir, parce qu’elles montraient beaucoup plus d’attention et de docilité que les célibataires. Elles travaillaient jusqu’à l’épuisement de leurs forces pour procurer aux leurs les moyen subsistance indispensables.

C’est ainsi que les qualités propres de la femme sont faussées à son détriment, et tous les éléments moraux et délicats de sa nature deviennent des moyens de l’asservir. Sa tendresse, l’amour de la famille, la méticulosité qu’elle apporte à son oeuvre sont utilisés contre elle, tout en se parant contre les défauts qu’elle peut avoir.

Ainsi, à travers les âges et à travers les types de sociétés, la femme a connu un triste sort : celui de l’inégalité toujours confirmée par rapport à l’homme. Que les manifestations de cette inégalité aient pris des tours et contours divers, cette inégalité n’en est pas moins restée la même.

Dans la société esclavagiste, l’homme esclave était considéré comme un animal, un moyen de production de biens et de services. La femme, quel que fût son rang, était écrasée à l’intérieur de sa propre classe, et hors de cette classe même pour celles qui appartenaient aux classes exploiteuses.

Dans la société féodale, se basant sur la prétendue faiblesse physique ou psychologique des femmes, les hommes les ont confinées dans une dépendance absolue de l’homme. Souvent considérée comme objet de souillure ou principal agent d’indiscrétion, la femme, à de rares exceptions près, était écartée des lieux de culte.

Dans la société capitaliste, la femme, déjà moralement et socialement persécutée, est également économiquement dominée. Entretenue par l’homme lorsqu’elle ne travaille pas, elle l’est encore lorsqu’elle se tue à travailler. On ne saurait jeter assez de lumière vive sur la misère des femmes, démontrer avec assez de force qu’elle est solidaire de celle des prolétaires.

De la spécificité du fait féminin.

Solidaire de l’homme exploité, la femme l’est.

Toutefois, cette solidarité dans l’exploitation sociale dont hommes et femmes sont victimes et qui lie le sort de l’un et de l’autre à l’Histoire, ne doit pas faire perdre de vue le fait spécifique de la condition féminine. La condition de la femme déborde les entités économiques en singularisant l’oppression dont elle est victime. Cette singularité nous interdit d’établir des équations en nous abîmant dans les réductions faciles et infantiles. Sans doute, dans l’exploitation, la femme et l’ouvrier sont-ils tenus au silence. Mais dans le système mis en place, la femme de l’ouvrier doit un autre silence à son ouvrier de mari. En d’autres termes, à l’exploitation de classe qui leur est commune, s’ajoutent pour les femmes, des relations singulières avec l’homme, relations d’opposition et d’agression qui prennent prétexte des différences physiques pour s’imposer.

Il faut admettre que l’asymétrie entre les sexes est ce qui caractérise la société humaine, et que cette asymétrie définit des rapports souverains qui ne nous autorisent pas à voir d’emblée dans la femme, même au sein de la production économique, une simple travailleuse. Rapports privilégiés, rapports périlleux qui font que la question de la condition de la femme se pose toujours comme un problème.

L’homme prend donc prétexte la complexité de ces rapports pour semer la confusion au sein des femmes et tirer profit de toutes les astuces de l’exploitation de classe pour maintenir sa domination sur les femmes. De cette même façon, ailleurs, des hommes ont dominé d’autres hommes parce qu’ils ont réussi à imposer l’idée selon laquelle au nom de l’origine de la famille et de la naissance, du « droit divin », certains hommes étaient supérieurs à d’autres. D’où le règne féodal. De cette même manière, ailleurs, d’autres hommes ont réussi à asservir des peuples entiers, parce que l’origine et l’explication de la couleur de leur peau ont été une justification qu’ils ont voulue « scientifique » pour dominer ceux qui avaient le malheur d’être d’une autre couleur. C’est le règne colonial. C’est l’apartheid.

Nous ne pouvons pas ne pas être attentifs à cette situation des femmes, car c’est elle qui pousse les meilleures d’entre elles à parler de guerre des sexes alors qu’il s’agit d’une guerre de clans et de classes à mener ensemble dans la complémentarité tout simplement. Mais il faut admettre que c’est bien l’attitude des hommes qui rend possible une telle oblitération des significations et autorise par là toutes les audaces sémantiques du féminisme dont certaines n’ont pas été inutiles dans le combat qu’hommes et femmes mènent contre l’oppression. Un combat que nous pouvons gagner, que nous allons gagner si nous retrouvons notre complémentarité, si nous nous savons nécessaires et complémentaires, si nous savons enfin que nous sommes condamnés à la complémentarité.

Pour l’heure, force est de reconnaître que le comportement masculin, fait de vanités, d’irresponsabilités, d’arrogances et de violences de toutes sortes à l’endroit de la femme, ne peut guère déboucher sur une action coordonnée contre l’oppression de celle-ci. Et que dire de ces attitudes qui vont jusqu’à la bêtise et qui ne sont en réalité qu’exutoires des mâles opprimés espérants, par leurs brutalités contre leur femme, récupérer pour leur seul compte une humanité que le système d’exploitation leur dénie.

La bêtise masculine s’appelle sexisme ou machisme, toute forme d’indigence intellectuelle et morale, voire d’impuissance physique plus ou moins déclarée qui oblige souvent les femmes politiquement conscientes à considérer comme un devoir la nécessité de lutter sur deux fronts.

Pour lutter et vaincre, les femmes doivent s’identifier aux couches et classes sociales opprimées : les ouvriers, les paysans...

Un homme, si opprimé soit-il, trouve un être à opprimer : sa femme. C’est là assurément affirmer une terrible réalité. Lorsque nous parlons de l’ignoble système de l’apartheid, c’est vers les Noirs exploités et opprimés que se tournent et notre pensée et notre émotion. Mais nous oublions hélas la femme noire qui subit son homme, cet homme qui, muni de son passbook (laisser-passer), s’autorise des détours coupables avant d’aller retrouver celle qui l’a attendu dignement, dans la souffrance et dans le dénuement.

Pensons aussi à la femme blanche d’Afrique du Sud, aristocrate, matériellement comblée sûrement, mais malheureusement machine de plaisir de ces hommes blancs lubriques qui n’ont plus pour oublier leurs forfaits contre les Noirs que leur enivrement désordonné et pervers de rapports sexuels bestiaux.

En outre, les exemples ne manquent pas d’hommes pourtant progressistes, vivant allègrement d’adultère, mais qui seraient prêts à assassiner leur femme rien que pour un soupçon d’infidélité. Ils sont nombreux chez nous, ces hommes qui vont chercher des soi-disant consolations dans les bras de prostituées et de courtisanes de toutes sortes ! Sans oublier les maris irresponsables dont les salaires ne servent qu’à entretenir des maîtresses et enrichir des débits de boisson. Et que dire de ces petits hommes eux aussi progressistes qui se retrouvent souvent dans une ambiance lascive pour parler des femmes dont ils ont abusé. Ils croient ainsi se mesurer à leurs semblables hommes, voire les humilier quand ils ravissent des femmes mariées.

En fait, il ne s’agit là que de lamentables mineurs dont nous nous serions même abstenus de parler si leur comportement de délinquants ne mettait en cause et la vertu et la morale de femmes de grande valeur qui auraient été hautement utiles à notre révolution.

Et puis tous ces militants plus ou moins révolutionnaires, beaucoup moins révolutionnaires que plus, qui n’acceptent pas que leurs épouses militent ou ne l’acceptent que pour le militantisme de jour et seulement de jour ; qui battent leurs femmes parce qu’elles se sont absentées pour des réunions ou des manifestations de nuit. Ah ! ces soupçonneux, ces jaloux ! Quelle pauvreté d’esprit et quel engagement conditionnel, limité ! Car n’y aurait-il que la nuit qu’une femme déçue et décidée puisse tromper son mari ? Et quel est cet engagement qui veut que le militantisme s’arrête avec la tombée de la nuit, pour ne reprendre ses droits et ses exigences que seulement au lever du jour !

Et que penser enfin de tous ces propos dans la bouche des militants plus révolutionnaires, les uns que les autres sur les femmes ? Des propos comme « bassement matérialistes, profiteuses, comédiennes, menteuses cancanières, intrigantes, jalouses etc, etc... » Tout cela est peut-être vrai des femmes mais sûrement aussi vrai pour les hommes ! Notre société pourrait-elle pervertir moins que cela lorsque avec méthode, elle accable les femmes, les écarte de tout ce qui est censé être sérieux, déterminant, c’est-à-dire au-dessus des relations subalternes et mesquines !

Lorsque l’on est condamné comme les femmes le sont à attendre son maître de mari pour lui donner à manger, et recevoir de lui l’autorisation de parler et de vivre, on n’a plus, pour s’occuper et se créer une illusion d’utilité ou d’importance, que les regards, les reportages, les papotages, les jeux de ferraille, les regards obliques et envieux suivis de médisance sur la coquetterie des autres et leur vie privée. Les mêmes attitudes se retrouvent chez les mâles placés dans les mêmes conditions.

Des femmes, nous disons également, hélas qu’elles sont oublieuses. On les qualifie même de têtes de linottes. N’oublions jamais cependant qu’accaparée, voire tourmentée par l’époux léger, le mari infidèle et irresponsable, l’enfant et ses problèmes, accablée enfin par l’intendance de toute la famille, la femme, dans ces conditions, ne peut avoir que des yeux hagards qui reflètent l’absence, et la distraction de l’esprit. L’oubli, pour elle, devient un antidote à la peine, une atténuation des rigueurs de l’existence, une protection vitale.

Mais des hommes oublieux, il y en a aussi, et beaucoup ; les uns dans l’alcool et les stupéfiants, les autres dans diverses formes de perversité auxquelles ils s’adonnent dans la course de la vie. Cependant, personne ne dit jamais que ces hommes-là sont oublieux. Quelle vanité, quelles banalités !

Banalités dont ils se gargarisent pour marquer ces infirmités de l’univers masculin. Car l’univers masculin dans une société d’exploitation a besoin de femmes prostituées ; Celles que l’on souille et que l’on sacrifie après usage sur l’autel de la prospérité d’un système de mensonges et de rapines, ne sont que des boucs émissaires.

La prostitution n’est que la quintessence d’une société où l’exploitation est érigée en règle. Elle symbolise le mépris que l’homme a de la femme. De cette femme qui n’est autre que la figure douloureuse de la mère, de la soeur ou de l’épouse d’autres hommes, donc de chacun de nous. C’est en définitive, le mépris inconscient que nous avons de nous-mêmes. Il n’y a de prostituées que là où existent des « prostitueurs » et des proxénètes.

Mais qui donc va chez la prostituée ?

Il y a d’abord des maris qui vouent leurs épouses à la chasteté pour décharger sur la prostituée leur turpitude et leurs désirs de stupres. Cela leur permet d’accorder un respect apparent à leurs épouses tout en révélant leur vraie nature dans le giron de la fille dite de joie. Ainsi sur le plan moral, on fait de la prostitution le symétrique du mariage. On semble s’en accommoder, dans les rites et coutumes, les religions et les morales. C’est ce que les pères de l’Église exprimaient en disant qu « il faut des égouts pour garantir la salubrité des palais ».

Il y a ensuite les jouisseurs impénitents et intempérants qui ont peur d’assumer la responsabilité d’un foyer avec ses turbulences et qui fuient les charges morales et matérielles d’une paternité. Ils exploitent alors l’adresse discrète d’une maison close comme le filon précieux d’une liaison sans conséquences.

Il y a aussi la cohorte de tous ceux qui, publiquement du moins et dans les lieux bien pensants, vouent la femme aux gémonies. Soit par un dépit qu’ils n’ont pas eu le courage de transcender, perdant confiance ainsi en toute femme déclarée alors instrumentum diabolicum, soit également par hypocrisie pour avoir trop souvent et péremptoirement proclamé contre le sexe féminin un mépris qu’ils s’efforcent d’assumer aux yeux de la société dont ils ont extorqué l’admiration par la fausse vertu. Tous nuitamment échouent dans les lupanars de manière répétée jusqu’à ce que parfois leur tartufferie soit découverte.

Il y a encore cette faiblesse de l’homme que l’on retrouve dans sa recherche de situations polyandriques. Loin de nous, toute idée de jugement de valeur sur la polyandrie, cette forme de rapport entre l’homme et la femme que certaines civilisations ont privilégiée. Mais dans les cas que nous dénonçons, retenons ces parcs de gigolos cupides et fainéants qu’entretiennent grassement de riches dames.

Dans ce même système, au plan économique la prostitution peut confondre prostituée et femme mariée « matérialiste ». Entre celle qui vend son corps par la prostitution et celle qui se vend dans le mariage, la seule différence consiste dans le prix et la durée du contrat.

Ainsi en tolérant l’existence de la prostitution, nous ravalons toutes nos femmes au même rang : prostituées ou mariées. La seule différence est que la femme légitime tout en étant opprimée en tant qu’épouse bénéficie au moins du sceau de l’honorabilité que confère le mariage. Quant à la prostituée, il ne reste plus que l’appréciation marchande de son corps, appréciation fluctuant au gré des valeurs des bourses phallocratiques.

N’est-elle qu’un article qui se valorise ou se dévalorise en fonction du degré de flétrissement de ses charmes ? N’est-elle pas régie par la loi de l’offre et de la demande ? La prostitution est un raccourci tragique et douloureux de toutes les formes de l’esclavage féminin. Nous devons par conséquent voir dans chaque prostituée le regard accusateur braqué sur la société tout entière. Chaque proxénète, chaque partenaire de prostituée remue un couteau dans cette plaie purulente et béante qui enlaidit le monde des hommes et le conduit à sa perte. Aussi, en combattant la prostitution, en tendant une main secourable à la prostituée, nous sauvons nos mères, nos soeurs et nos femmes de cette lèpre sociale. Nous nous sauvons nous-mêmes. Nous sauvons le monde.

La condition de la femme au Burkina.

Si dans l’entendement de la société, le garçon qui naît est un « don de Dieu », la naissance d’une fille est accueillie, sinon comme une fatalité, au mieux comme un présent qui servira à produire des aliments et à reproduire le genre humain.

Au petit homme l’on apprendra à vouloir et à obtenir, à dire et être servi, à désirer et prendre, à décider sans appel. A la future femme, la société, comme un seul homme et c’est bien le lieu de le dire assène, inculque des normes sans issue. Des corsets psychiques appelés vertus créent en elle un esprit d’aliénation personnelle, développent dans cette enfant la préoccupation de protection et la prédisposition aux alliances tutélaires et aux tractations matrimoniales. Quelle fraude mentale monstrueuse !

Ainsi, enfant sans enfance, la petite fille, dès l’âge de 3 ans, devra répondre à sa raison d’être : servir, être utile. Pendant que son frère de 4, 5 ou 6 ans jouera jusqu’à l’épuisement ou l’ennui, elle entrera, sans ménagement, dans le processus de production. Elle aura, déjà, un métier : assistante-ménagère. Occupation sans rémunération bien sûr car ne dit-on pas généralement d’une femme à la maison qu’elle « ne fait rien ? ». N’inscrit-on pas sur les documents d’identité des femmes non rémunérées la mention « ménagère » pour dire que celles-ci n’ont pas d’emploi ? Qu’elles « ne travaillent pas ? ».

Les rites et les obligations de soumission aidant, nos soeurs grandissent, de plus en plus dépendantes, de plus en plus dominées, de plus en plus exploitées avec de moins en moins de loisirs et de temps libre.

Alors que le jeune homme trouvera sur son chemin les occasions de s’épanouir et de s’assumer, la camisole de force sociale enserrera davantage la jeune fille, à chaque étape de sa vie. Pour être née fille, elle paiera un lourd tribut, sa vie durant, jusqu’à ce que le poids du labeur et les effets de l’oubli de soi physiquement et mentalement la conduisent au jour du Grand repos. Facteur de production aux côtés de sa mère dès ce moment, plus sa patronne que sa maman elle ne sera jamais assise à ne rien faire, jamais laissée, oubliée à ses jeux et à ses jouets comme lui, son frère.

De quelque côté que l’on se tourne, du Plateau central au Nord-Est où les sociétés à pouvoir fortement centralisé prédominent, à l’Ouest où vivent des communautés villageoises au pouvoir non centralisé ou au Sud-Ouest, terroir des collectivités dites segmentaires, l’organisation sociale traditionnelle présente au moins un point commun : la subordination des femmes. Dans ce domaine, nos 8 000 villages, nos 600 000 concessions et notre million et plus de ménages, observent des comportements identiques ou similaires. Ici et là, l’impératif de la cohésion sociale définie par les hommes est la soumission des femmes et la subordination des cadets.

Notre société, encore par trop primitivement agraire, patriarcale et polygamique, faite de la femme un objet d’exploitation pour sa force de travail et de consommation, pour sa fonction de reproduction biologique.

Comment la femme vit-elle cette curieuse double identité : celle d’être le noeud vital qui soude tous les membres de la famille, qui garantit par sa présence et son attention l’unité fondamentale et celle d’être marginalisée, ignorée ? Une condition hybride s’il en est, dont l’ostracisme imposé n’a d’égal que le stoïcisme de la femme. Pour vivre en harmonie avec la société des hommes, pour se conformer au diktat des hommes, la femme s’enferrera dans une ataraxie avilissante, négativiste, par le don de soi.

Femme-source de vie mais femme-objet. Mère mais servile domestique. Femme-nourricière mais femme-alibi. Taillable aux champs et corvéable au ménage, cependant figurante sans visage et sans voix. Femme-charnière, femme-confluent mais femme en chaînes, femme-ombre à l’ombre masculine.

Pilier du bien-être familial, elle est accoucheuse, laveuse, balayeuse, cuisinière, messagère, matrone, cultivatrice, guérisseuse, maraîchère, pileuse, vendeuse, ouvrière. Elle est une force de travail à l’outil désuet, cumulant des centaines de milliers d’heures pour des rendements désespérants.

Déjà aux quatre fronts du combat contre la maladie, la faim, le dénuement, la dégénérescence, nos soeurs subissent chaque jour la pression des changements sur lesquels elles n’ont point de prise. Lorsque chacun de nos 800 000 émigrants mâles s’en va, une femme assume un surcroît de travail. Ainsi, les deux millions de Burkinabé résidant hors du territoire national ont contribué à aggraver le déséquilibre de la sex-ratio qui, aujourd’hui, fait que les femmes constituent 51,7 pour cent de la population totale. De la population résidante potentiellement active, elles sont 52,1 pour cent.

Trop occupée pour accorder l’attention voulue à ses enfants, trop épuisée pour penser à elle-même, la femme continuera de trimer : roue de fortune, roue de friction, roue motrice, roue de secours, grande roue.

Rouées et brimées, les femmes, nos soeurs et nos épouses, paient pour avoir donné la vie. Socialement reléguées au troisième rang, après l’homme et l’enfant, elles paient pour entretenir la vie. Ici aussi, un Tiers Monde est arbitrairement arrêté pour dominer, pour exploiter.

Dominée et transférée d’une tutelle protectrice exploiteuse à une tutelle dominatrice et davantage exploiteuse, première à la tâche et dernière au repos, première au puits et au bois, au feu du foyer mais dernière à étancher ses soifs, autorisée à manger que seulement quand il en reste ; et après l’homme, clé de voûte de la famille, tenant sur ses épaules, dans ses mains et par son ventre cette famille et la société, la femme est payée en retour d’idéologie nataliste oppressive, de tabous et d’interdits alimentaires, de surcroît de travail, de malnutrition, de grossesses dangereuses, de dépersonnalisation et d’innombrables autres maux qui font de la mortalité maternelle une des tares les plus intolérables, les plus indicibles, les plus honteuses de notre société.

Sur ce substrat aliénant, l’intrusion des rapaces venus de loin a contribué à fermenter la solitude des femmes et à empirer la précarité de leur condition.

L’euphorie de l’indépendance a oublié la femme dans le lit des espoirs châtrés. Ségréguée dans les délibérations, absente des décisions, vulnérable donc victime de choix, elle a continué de subir la famille et la société. Le capital et la bureaucratie ont été de la partie pour maintenir la femme subjuguée. L’impérialisme a fait le reste.

Scolarisées deux fois moins que les hommes, analphabètes à 99 pour cent, peu formées aux métiers, discriminées dans l’emploi, limitées aux fonctions subalternes, harcelées et congédiées les premières, les femmes, sous les poids de cent traditions et de mille excuses ont continué de relever les défis successifs. Elles devaient rester actives, coûte que coûte, pour les enfants, pour la famille et pour la société. Au travers de mille nuits sans aurores.

Le capitalisme avait besoin de coton, de karité, de sésame pour ses industries et c’est la femme, ce sont nos mères qui en plus de ce qu’elles faisaient déjà se sont retrouvées chargées d’en réaliser la cueillette. Dans les villes, là où était censée être la civilisation émancipatrice de la femme, celle-ci s’est retrouvée obligée de décorer les salons de bourgeois, de vendre son corps pour vivre ou de servir d’appât commercial dans les productions publicitaires.

Les femmes de la petite-bourgeoisie des villes vivent sans doute mieux que les femmes de nos campagnes sur le plan matériel. Mais sont-elles plus libres, plus émancipées, plus respectées, plus responsabilisées ? Il y a plus qu’une question à poser, il y a une affirmation à avancer. De nombreux problèmes demeurent, qu’il s’agisse de l’emploi ou de l’accès à l’éducation, qu’il s’agisse du statut de la femme dans les textes législatifs ou dans la vie concrète de tous les jours, la femme burkinabè demeure encore celle qui vient après l’homme et non en même temps.

Les régimes politiques néo-coloniaux qui se sont succédés au Burkina n’ont eu de la question de l’émancipation de la femme que son approche bourgeoise qui n’est que l’illusion de liberté et de dignité. Seules les quelques femmes de la petite-bourgeoisie des villes étaient concernées par la politique à la mode de la « condition féminine » ou plutôt du féminisme primaire qui revendique pour la femme le droit d’être masculine. Ainsi la création du ministère de la Condition féminine, dirigée par une femme fut-elle chantée comme une victoire.

Mais avait-on vraiment conscience de cette condition féminine ? Avait-on conscience que la condition féminine c’est la condition de 52 pour cent de la population burkinabè ? Savait-on que cette condition était déterminée par les structures sociales, politiques, économiques et par les conceptions rétrogrades dominantes et que par conséquent la transformation de cette condition ne saurait incomber à un seul ministère, fût-il dirigé par une femme ?

Cela est si vrai que les femmes du Burkina ont pu constater après plusieurs années d’existence de ce ministère que rien n’avait changé dans leur condition. Et il ne pouvait en être autrement dans la mesure où l’approche de la question de l’émancipation des femmes qui a conduit à la création d’un tel ministère-alibi, refusait de voir et de mettre en évidence afin d’en tenir compte les véritables causes de la domination et de l’exploitation de la femme. Aussi ne doit-on pas s’étonner que malgré l’existence de ce ministère, la prostitution se soit développée, que l’accès des femmes à l’éducation et à l’emploi ne se soit pas amélioré, que les droits civiques et politiques des femmes soient restés ignorés, que les conditions d’existence des femmes en ville comme en campagne ne se soient nullement améliorées.

Femme-bijou, femme-alibi politique au gouvernement, femme-sirène clientéliste aux élections, femme-robot à la cuisine, femme frustrée par la résignation et les inhibitions imposées malgré son ouverture d’esprit ! Quelle que soit sa place dans le spectre de la douleur, quelle que soit sa façon urbaine ou rurale de souffrir, elle souffre toujours.

Mais une seule nuit a porté la femme au coeur de l’essor familial et au centre de la solidarité nationale.

Porteuse de liberté, l’aurore consécutive du 4 août 1983 lui a fait écho pour qu’ensemble, égaux, solidaires et complémentaires, nous marchions côte à côte, en un seul peuple.

La révolution d’août a trouvé la femme burkinabè dans sa condition d’être assujettie et exploité par une société néo-coloniale fortement influencée par l’idéologie des forces rétrogrades. Elle se devait de rompre avec la politique réactionnaire, prônée et suivie jusque-là en matière d’émancipation de la femme, en définissant de façon claire un politique nouveau, juste et révolutionnaire.

Notre révolution et l’émancipation de la femme

  

Le 2 octobre 1983, le Conseil national de la révolution a clairement énoncé dans son Discours d’orientation politique l’axe principal du combat de libération de la femme. Il s’y est engagé à travailler à la mobilisation, à l’organisation et à l’union de toutes les forces vives de la nation, et de la femme en particulier. Le Discours d’orientation politique précisait à propos de la femme : « Elle sera associée d tous les combats que nous aurons à entreprendre contre les diverses entraves de la société néo-coloniale et pour l’édification d’une société nouvelle. Elle sera associée à tous les niveaux de conception, de décision et d’exécution dans l’organisation de la vie de la nation tout entière ».

Le but de cette grandiose entreprise, c’est de construire une société libre et prospère où la femme sera l’égale de l’homme dans tous les domaines. Il ne peut y avoir de façon plus claire de concevoir et d’énoncer la question de la femme et la lutte émancipatrice qui nous attend.

« La vraie émancipation de la femme c’est celle qui responsabilise la femme, qui l’associe aux activités productrices, aux différents combats auxquels est confronté le peuple. La vraie émancipation de la femme, c’est celle qui force la considération et le respect de l’homme ».

Cela indique clairement, camarades militantes, que le combat pour la libération de la femme est avant tout votre combat pour le renforcement de la Révolution démocratique et populaire. Cette révolution qui vous donne désormais la parole et le pouvoir de dire et d’agir pour l’édification d’une société de justice et d’égalité, où la femme et l’homme ont les mêmes droits et les mêmes devoirs. La Révolution démocratique et populaire a créé les conditions d’un tel combat libérateur. Il vous appartient désormais d’agir en toute responsabilité pour, d’une part, briser toutes les chaînes et entraves qui asservissent la femme dans les sociétés arriérées comme la nôtre, et pour, d’autre part, assumer la part de responsabilité qui est la vôtre dans la politique d’édification de la société nouvelle au profit de l’Afrique et au profit de toute l’humanité.

Aux premières heures de la Révolution démocratique et populaire, nous le disions déjà : « l’émancipation tout comme la liberté ne s’octroie pas, elle se conquiert. Et il incombe aux femmes elles-mêmes d’avancer leurs revendications et de se mobiliser pour les faire aboutir ». Ainsi notre révolution a non seulement précisé l’objectif à atteindre dans la question de la lutte d’émancipation de la femme, mais elle a également indiqué ta voie à suivre, les moyens à mettre en oeuvre et les principaux acteurs de ce combat. Voilà bientôt quatre ans que nous oeuvrons ensemble, hommes et femmes, pour remporter des victoires et avancer vers l’objectif final.

Il nous faut avoir conscience des batailles livrées, des succès remportés, des échecs subis et des difficultés rencontrées pour davantage préparer et diriger les futurs combats. Quelle oeuvre a été réalisée par la Révolution démocratique et populaire dans l’émancipation de la femme ?

Quels atouts et quels handicaps ?

L’un des principaux acquis de notre révolution dans la lutte pour l’émancipation de la femme a été sans conteste la création de l’Union des femmes du Burkina, (UFB). La création de cette organisation constitue un acquit majeur parce qu’elle a permis de donner aux femmes de notre pays un cadre et des moyens sûrs pour victorieusement mener le combat. La création de l’UFB est une grande victoire parce qu’elle permet le ralliement de l’ensemble des femmes militantes autour d’objectifs précis, justes, pour le combat libérateur sous la direction du Conseil national de la révolution. L’UFB est l’organisation des femmes militantes et responsables, déterminées à travailler pour transformer [la réalité], à se battre pour gagner, à tomber et retomber, mais à se relever chaque fois pour avancer sans reculer.

C’est là une conscience nouvelle qui a germé chez les femmes du Burkina, et nous devons tous en être fiers. Camarades militantes, l’Union des femmes du Burkina est votre organisation de combat. Il vous appartient de l’affûter davantage pour que ses coups soient plus tranchants et vous permettent de remporter toujours et toujours des victoires. Les différentes initiatives que le Gouvernement a pu entreprendre depuis un peu plus de trois ans pour l’émancipation de la femme sont certainement insuffisantes, mais elles ont permis de faire un bout du chemin au point que notre pays peut se présenter aujourd’hui à l’avant-garde du combat libérateur de la femme. Nos femmes participent de plus en plus aux prises de décision, à l’exercice effectif du pouvoir populaire.

Les femmes du Burkina sont partout où se construit le pays, elles sont sur les chantiers : le Sourou (vallée irriguée), le reboisement, la vaccination-commando, les opérations « Villes propres », la bataille du rail, etc. Progressivement, les femmes du Burkina prennent pied et s’imposent, battant ainsi en brèche toutes les conceptions phallocratiques et passéïstes des hommes. Et il en sera ainsi jusqu’à ce que la femme au Burkina soit partout présente dans le tissu social et professionnel. Notre révolution, durant les trois ans et demi, a oeuvré à l’élimination progressive des pratiques dévalorisantes de la femme, comme la prostitution et les pratiques avoisinantes comme le vagabondage 3t la délinquance des jeunes filles, le mariage forcé, l’excision et les conditions de vie particulièrement difficiles de la femme.

En contribuant à résoudre partout le problème de l’eau, en contribuant aussi à l’installation des moulins dans les villages, en vulgarisant les foyers améliorés, en créant des garderies populaires, en pratiquant la vaccination au quotidien, en incitant à l’alimentation saine, abondante et variée, la révolution contribue sans nul doute à améliorer les conditions de vie de la femme burkinabè.

Aussi, celle-ci doit-elle s’engager davantage dans l’application des mots d’ordre anti-impérialistes, à produire et consommer burkinabè, en s’affirmant toujours comme un agent économique de premier plan, producteur comme consommateur des produits locaux.

La révolution d’août a sans doute beaucoup fait pour l’émancipation de la femme, mais cela est pourtant loin d’être satisfaisant. Il nous reste beaucoup à faire.

Pour mieux réaliser ce qu’il nous reste à faire, il nous faut d’avantage être conscients des difficultés à vaincre. Les obstacles et les difficultés sont nombreux. Et en tout premier lieu l’analphabétisme et le faible niveau de conscience politique, toutes choses accentuées encore par l’influence trop grande des forces rétrogrades dans nos sociétés arriérées.

Ces deux principaux obstacles, nous devons travailler avec persévérance à les vaincre. Car tant que les femmes n’auront pas une conscience claire de la justesse du combat politique à mener et des moyens à mettre en oeuvre, nous risquons de piétiner et finalement de régresser.

C’est pourquoi, l’Union des femmes du Burkina devra pleinement jouer le rôle qui est le sien. Les femmes de l’UFB doivent travailler à surmonter leurs propres insuffisances, à rompre avec les pratiques et le comportement qu’on a toujours dit propres aux femmes et que malheureusement nous pouvons vérifier encore chaque jour par les propos et comportements de nombreuses femmes. Il s’agit de toutes ces mesquineries comme la jalousie, l’exhibitionnisme, les critiques incessantes et gratuites, négatives et sans principes, le dénigrement des unes par les autres, le subjectivisme à fleur de peau, les rivalités, etc... Une femme révolutionnaire doit vaincre de tels comportements qui sont particulièrement accentués chez celles de la petite-bourgeoisie. Ils sont de nature à compromettre tout travail de groupe, alors même que le combat pour la libération de la femme est un travail organisé qui a besoin par conséquent de la contribution de l’ensemble des femmes.

Ensemble nous devons toujours veiller à l’accès de la femme au travail. Ce travail émancipateur et libérateur qui garantira à la femme l’indépendance économique, un plus grand rôle social et une connaissance plus juste et plus complète du monde.

Notre entendement du pouvoir économique de la femme doit se départir de la cupidité vulgaire et de la crasse avidité matérialiste qui font de certaines femmes des bourses de valeurs-spéculatrices, des coffres-forts ambulants. Il s’agit de ces femmes qui perdent toute dignité, tout contrôle et tout principe dès lors que le clinquant des bijoux se manifeste ou que le craquant des billets se fait entendre. De ces femmes, il y en a malheureusement qui conduisent des hommes aux excès d’endettement, voire de concussion, de corruption. Ces femmes sont de dangereuses boues gluantes, fétides, qui nuisent à la flamme révolutionnaire de leurs époux ou compagnons militants. De tristes cas existent où des ardeurs révolutionnaires ont été éteintes et où l’engagement du mari a été détourné de la cause du peuple par une femme égoïste et acariâtre, jalouse et envieuse.

L’éducation et l’émancipation économique, si elles ne sont pas bien comprises et utilement orientées, peuvent être sources de malheur pour la femme, donc pour la société. Recherchées comme amantes, épousées pour le meilleur, elles sont abandonnées dès que survient le pire. Le jugement répandu est impitoyable pour elles : l’intellectuelle se « place mal » et la richissime est suspecte. Toutes sont condamnées à un célibat qui ne serait pas grave s’il n’était pas l’expression même d’un ostracisme diffus de toute une société contre des personnes, victimes innocentes parce qu’elles ignorent tout de « leur crime et de leur tare », frustrées parce que chaque jour est un éteignoir à une affectivité qui se mue en acariâtrie ou en hypochondrie. Chez beaucoup de femmes le grand savoir a provoqué des déboires et la grande fortune a nourri bien des infortunes.

La solution à ces paradoxes apparents réside dans la capacité des malheureuses instruites ou riches à mettre au service de leur peuple leur grande instruction, leurs grandes richesses. Elles n’en seront que plus appréciées, voire adulées par tant et tant de personnes à qui elles auront apporté un peu de joie. Comment alors pourraient-elles se sentir seules dans ces conditions ? Comment ne pas connaître la plénitude sentimentale lorsque l’on a su faire de l’amour de soi et de l’amour pour soi, l’amour de l’autre et l’amour des autres ?

Nos femmes ne doivent pas reculer devant les combats multiformes qui conduisent une femme à s’assumer pleinement, courageusement et fièrement afin de vivre le bonheur d’être elle-même, et non pas la domestication d’elle par lui.

Aujourd’hui encore, et pour beaucoup de nos femmes, s’inscrire sous le couvert d’un homme demeure le quitus le plus sûr contre le qu’en-dira-t-on oppressant. Elles se marient sans amour et sans joie de vivre, au seul profit d’un goujat, d’un falot démarqué de la vie et des luttes du peuple. Bien souvent, des femmes exigent une indépendance sourcilleuse, réclamant en même temps d’être protégées, pire, d’être sous le protectorat colonial d’un mâle. Elles ne croient pas pouvoir vivre autrement.

Non ! il nous faut redire à nos soeurs que le mariage, s’il n’apporte rien à la société et s’il ne les rend pas heureuses, n’est pas indispensable, et doit même être évité. Au contraire, montrons-leur chaque jour les exemples de pionnières hardies et intrépides qui dans leur célibat, avec ou sans enfants, sont épanouies et radieuses pour elles, débordantes de richesses et de disponibilité pour les autres. Elles sont même enviées par les mariées malheureuses pour les sympathies qu’elles soulèvent, le bonheur qu’elles tirent de leur liberté, de leur dignité et de leur serviabilité.

Les femmes ont suffisamment fait la preuve de leurs capacités à entretenir une famille, à élever des enfants, à être en un mot responsables sans l’assujettissement tutélaire d’un homme. La société a suffisamment évolué pour que cesse le bannissement injuste de la femme sans mari. Révolutionnaires, nous devons faire en sorte que le mariage soit un choix valorisant et non pas cette loterie où l’on sait ce que l’on dépense au départ mais rien de ce que l’on va gagner. Les sentiments sont trop nobles pour tomber sous le coup du ludisme.

Une autre difficulté réside aussi sans aucun doute dans l’attitude féodale, réactionnaire et passive de nombreux hommes qui continuent de par leur comportement, à tirer en arrière. Ils n’entendent pas voir remettre en cause des dominations absolues sur la femme au foyer ou dans la société en général. Dans le combat pour l’édification de la société nouvelle qui est un combat révolutionnaire, ces hommes de par leurs pratiques, se placent du côté de la réaction et de la contre-révolution. Car la révolution ne saurait aboutir sans l’émancipation véritable des femmes.

Nous devons donc, camarades militantes, avoir clairement conscience de toutes ces difficultés pour mieux affronter les combats à venir.

La femme tout comme l’homme possède des qualités mais aussi des défauts et c’est là sans doute la preuve que la femme est l’égale de l’homme. En mettant délibérément l’accent sur les qualités de la femme, nous n’avons pas d’elle une vision idéaliste. Nous tenons simplement à mettre en relief ses qualités et ses compétences que l’homme et la société ont toujours occultées pour justifier l’exploitation et la domination de la femme.

Comment allons-nous nous organiser pour accélérer la marche en avant vers l’émancipation ?

Nos moyens sont dérisoires, mais notre ambition, elle, est grande. Notre volonté et notre conviction fermes d’aller de l’avant ne suffisent pas pour réaliser notre pari. II nous faut rassembler nos forces, toutes nos forces, les agencer, les coordonner dans le sens du succès de notre lutte. Depuis plus de deux décennies l’on a beaucoup parlé d’émancipation dans notre pays, l’on s’est beaucoup ému. II s’agit aujourd’hui d’aborder la question de l’émancipation de façon globale, en évitant les fuites des responsabilités qui ont conduit à ne pas engager toutes les forces dans la lutte et à faire de cette question centrale une question marginale, en évitant également les fuites en avant qui laisseraient loin derrière, ceux et surtout celles qui doivent tue en première ligne.

Au niveau gouvernemental, guidé par les directives du Conseil national de la révolution, un Plan d’action cohérent en faveur des femmes, impliquant l’ensemble des départements ministériels, sera mis en place afin de situer les responsabilités de chacun dans des missions à court et moyen termes. Ce plan d’action, loin d’être un catalogue de voeux pieux et autres apitoiements devra être le fil directeur de l’intensification de l’action révolutionnaire. C’est dans le feu de la lutte que les victoires importantes et décisives seront remportées.

Ce plan d’action devra être conçu par nous et pour nous. De nos larges et démocratiques débats devront sortir les audacieuses résolutions pour réaliser notre foi en la femme. Que veulent les hommes et les femmes pour les femmes ? C’est ce que nous dirons dans notre Plan d’action.

Le Plan d’action, de par l’implication de tous les départements ministériels, se démarquera résolument de l’attitude qui consiste à marginaliser la question de la femme et à déresponsabiliser des responsables qui, dans leurs actions quotidiennes, auraient dû et auraient pu contribuer de façon significative à la résolution de la question. Cette nouvelle approche multidimensionnelle de la question de la femme découle de notre analyse scientifique, de son origine, de ses causes et de son importance dans le cadre de notre projet d’une société nouvelle, débarrassée de toutes formes d’exploitation et d’oppression. II ne s’agit point ici d’implorer la condescendance de qui que ce soit en faveur de la femme. II s’agit d’exiger au nom de la révolution qui est venue pour donner et non pour prendre, que justice soit faite aux femmes.

Désormais l’action de chaque ministère, de chaque comité d’administration ministériel sera jugée en fonction des résultats atteints dans le cadre de la mise en oeuvre du Plan d’action, au-delà des résultats globaux usuels. À cet effet, les résultats statistiques comporteront nécessairement la part de l’action entreprise qui a bénéficié aux femmes ou qui les a concernées. La question de la femme devra être présente à l’esprit de tous les décideurs à tout instant, à toutes les phases de la conception, de l’exécution des actions de développement. Car concevoir un projet de développement sans la participation de la femme, c’est ne se servir que de quatre doigts, quand on en a dix. C’est donc courir à l’échec.

Au niveau des ministères chargés de l’éducation, on veillera tout particulièrement à ce que l’accès des femmes à l’éducation soit une réalité, cette réalité qui constituera un pas qualitatif vers l’émancipation. Tant il est vrai que partout où les femmes ont accès à l’éducation, la marche vers l’émancipation s’est trouvée accélérée. La sortie de la nuit de l’ignorance permet en effet aux femmes d’exprimer, et d’utiliser les armes du savoir, pour se mettre à la disposition de la société. Du Burkina Faso, devraient disparaître toutes les formes ridicules et rétrogrades qui faisaient que seule la scolarisation des garçons était perçue comme importante et rentable, alors que celle de la fille n’était qu’une prodigalité.

L’attention des parents pour les filles à l’école devra être égale à celle accordée aux garçons qui font toute leur fierté. Car, non seulement les femmes ont prouvé qu’elles étaient égales à l’homme à l’école quand elles n’étaient pas tout simplement meilleures, mais surtout elles ont droit à l’école pour apprendre et savoir, pour être libres.

Dans les futures campagnes d’alphabétisation, les taux de participation des femmes devront être relevés pour correspondre à leur importance numérique dans la population, car ce serait une trop grande injustice que de maintenir une si importante fraction de la population, la moitié de celle-ci, dans l’ignorance.

Au niveau des ministères chargés du travail et de la justice,

les textes devront s’adapter constamment à la mutation que connaît notre société depuis le 4 août 1983, afin que l’égalité en droits entre l’homme et la femme soit une réalité tangible. Le nouveau code du travail, en cours de confection et de débat devra être l’expression des aspirations profondes de notre peuple à la justice sociale et marquer une étape importante dans l’oeuvre de destruction de l’appareil néo-colonial. Un appareil de classe, qui a été façonné et modelé par les régimes réactionnaires pour pérenniser le système d’oppression des masses populaires et notamment des femmes. Comment pouvons-nous continuer d’admettre qu’à travail égal, la femme gagne moins que l’homme ? Pouvons-nous admettre le lévirat et la dot réduisant nos soeurs et nos mères au statut de biens vulgaires qui font l’objet de tractations ? II y a tant et tant de choses que les lois moyenâgeuses continuent encore d’imposer à notre peuple, aux femmes de notre peuple. C’est juste, qu’enfin, justice soit rendue.

Au niveau des ministères chargés de la culture et de la famille, un accent particulier sera mis sur l’avènement d’une mentalité nouvelle dans les rapports sociaux, en collaboration étroite avec l’Union des femmes du Burkina. La mère et l’épouse sous la révolution ont des rôles spécifiques importants à jouer dans le cadre des transformations révolutionnaires. L’éducation des enfants, la gestion correcte des budgets familiaux, la pratique de la planification familiale, la création d’une ambiance familiale, le patriotisme sont autant d’atouts importants devant contribuer efficacement à la naissance d’une morale révolutionnaire et d’un style de vie anti-impérialiste, prélude à une société nouvelle.

La femme, dans son foyer, devra mettre un soin particulier à participer à la progression de la qualité de la vie. En tant que Burkinabé, bien vivre, c’est bien se nourrir, c’est bien s’habiller avec les produits burkinabé. II s’agira d’entretenir un cadre de vie propre et agréable car l’impact de ce cadre sur les rapports entre les membres d’une même famille est très important. Un cadre de vie sale et vilain engendre des rapports de même nature. II n’y a qu’à observer les porcs pour s’en convaincre.

Et puis la transformation des mentalités serait incomplète si la femme de type nouveau devait vivre avec un homme de type ancien. Le réel complexe de supériorité des hommes sur les femmes, où est-il le plus pernicieux mais le plus déterminant si ce n’est dans le foyer où la mère, complice et coupable, organise sa progéniture d’après des règles sexistes inégalitaires ? Ce sont les femmes qui perpétuent le complexe des sexes, dès les débuts de l’éducation et de la formation du caractère.

Par ailleurs à quoi servirait notre activisme pour mobiliser le jour un militant si la nuit, le néophyte devait se retrouver aux côtés d’une femme réactionnaire démobilisatrice !

Que dire des tâches de ménage, absorbantes et abrutissantes, qui tendent à la robotisation et ne laissent aucun répit pour la réflexion !

C’est pourquoi, des actions doivent être résolument entreprises en direction des hommes et dans le sens de la mise en place, à grande échelle, d’infrastructures sociales telles que les crèches, les garderies populaires, et les cantines. Elles permettront aux femmes de participer plus facilement au débat révolutionnaire, à l’action révolutionnaire.

L’enfant qui est rejeté comme le raté de sa mère ou monopolisé comme la fierté de son père devra être une préoccupation pour toute la société et bénéficier de son attention et de son affection.

L’homme et la femme au foyer se partageront désormais toutes les tâches du foyer.

Le Plan d’action en faveur des femmes devra être un outil révolutionnaire pour la mobilisation générale de toutes les structures politiques et administratives dans le processus de libération de la femme.

Camarades militantes, je vous le répète, afin qu’il corresponde aux besoins réels des femmes, ce plan fera l’objet de débats démocratiques au niveau de toutes les structures de l’UFB.

L’UFB est une organisation révolutionnaire. À ce titre, elle est une école de démocratie populaire régie par les principes organisationnels que sont la critique et l’autocritique, le centralisme démocratique. Elle entend se démarquer des organisations où la mystification a pris le pas sur les objectifs réels. Mais cette démarcation ne sera effective et permanente que si les militantes de l’UFB engagent une lutte résolue contre les tares qui persistent encore, hélas, dans certains milieux féminins. Car il ne s’agit point de rassembler des femmes pour la galerie ou pour d’autres arrière-pensées démagogiques électoralistes ou simplement coupables.

II s’agit de rassembler des combattantes pour gagner des victoires ; il s’agit de se battre en ordre et autour des programmes d’activités arrêtés démocratiquement au sein de leurs comités dans le cadre de l’exercice bien compris de l’autonomie organisationnelle propre à chaque structure révolutionnaire. Chaque responsable UFB devra être imprégnée de son rôle, dans sa structure, afin de pouvoir être efficace dans l’action. Cela impose à l’Union des femmes du Burkina d’engager de vastes campagnes d’éducation politique et idéologique de ses responsables, pour le renforcement sur le plan organisationnel des structures de l’UFB à tous les niveaux.

Camarades militantes de l’UFB, votre union, notre union, doit participer pleinement à la lutte des classes aux côtés des masses populaires. Les millions de consciences endormies, qui se sont réveillées à l’avènement de la révolution représentent une force puissante. Nous avons choisi au Burkina Faso, le 4 août 1983, de compter sur nos propres forces, c’est-à-dire en grande partie sur la force que vous représentez, vous les femmes. Vos énergies doivent, pour être utiles, être toutes conjuguées dans le sens de la liquidation des races des exploiteurs, de la domination économique de l’impérialisme.

En tant que structure de mobilisation, l’UFB devra forger au niveau des militantes une conscience politique aiguë pour un engagement révolutionnaire total dans l’accomplissement des différentes actions entreprises par le gouvernement pour l’amélioration des conditions de la femme. Camarades de l’UFB, ce sont les transformations révolutionnaires qui vont créer les conditions favorables à votre libération. Vous êtes doublement dominées par l’impérialisme et par l’homme. En chaque homme somnole un féodal, un phallocrate qu’il faut détruire. Aussi, est-ce avec empressement que vous devez adhérer aux mots d’ordre révolutionnaires les plus avancés pour en accélérer la concrétisation et avancer encore plus vite vers l’émancipation. C’est pourquoi, le Conseil national de la révolution note avec joie votre participation intense à tous les grands chantiers nationaux et vous incite à aller encore plus loin pour un soutien toujours plus grand, à la révolution d’août qui est avant tout la vôtre.

En participant massivement aux grands chantiers, vous vous montrez d’autant plus méritantes que l’on a toujours voulu, à travers la répartition des tâches au niveau de la société, vous confiner dans des activités secondaires. Alors que votre apparente faiblesse physique n’est rien d’autre que la conséquence des normes de coquetterie et de goût que cette même société vous impose parce que vous êtes des femmes.

Chemin faisant, notre société doit se départir des conceptions féodales qui font que la femme non mariée est mise au ban de la société, sans que nous ne percevions clairement que cela est la traduction de la relation d’appropriation qui veut que chaque femme soit la propriété d’un homme. C’est ainsi que l’on méprise les filles-mères comme si elles étaient les seules responsables de leur situation, alors qu’il y a toujours un homme coupable. C’est ainsi que les femmes qui n’ont pas d’enfants, sont opprimées du fait de croyances surannées alors que cela s’explique scientifiquement et peut être vaincu par la science.

La société a par ailleurs imposé aux femmes des canons de coquetterie qui portent préjudice à son intégrité physique : l’excision, les scarifications, les taillages de dents, les perforations des lèvres et du nez. L’application de ces normes de coquetterie reste d’un intérêt douteux. Elle compromet même la capacité de la femme à procréer et sa vie affective dans le cas de l’excision. D’autres types de mutilations, pour moins dangereuses qu’elles soient, comme le perçage des oreilles et le tatouage n’en sont pas moins une expression du conditionnement de la femme, conditionnement imposé à elle par la société pour pouvoir prétendre à un mari.

Camarades militantes, vous vous soignez pour mériter un homme. Vous vous percez les oreilles, et vous vous labourez le corps pour être acceptées par des hommes. Vous vous faites mal pour que le mâle vous fasse encore plus mal !

Femmes, mes camarades de luttes, c’est à vous que je parle : vous qui êtes malheureuses en ville comme en campagne, vous qui ployez sous le poids des fardeaux divers de l’exploitation ignoble, « justifiée et expliquée » en campagne ; vous qui, en ville, êtes sensées être des femmes heureuses, mais qui êtes au fond tous les jours des femmes malheureuses,

accablées de charges, parce que, tôt levée la femme tourne en toupie devant sa garde-robe se demandant quoi porter, non pour se vêtir, non pour se couvrir contre les intempéries mais surtout, quoi porter, pour plaire aux hommes, car elle est tenue, elle est obligée de chercher à plaire aux hommes chaque jour ; vous les femmes à l’heure du repos, qui vivez la triste attitude de celle qui n’a pas droit à tous les repos, celle qui est obligée de se rationner, de s’imposer la continence et l’abstinence pour maintenir un corps conforme à la ligne que désirent les hommes ; vous le soir, avant de vous coucher, recouvertes et maquillées sous le poids de ces nombreux produits que vous détestez tant nous le savons mais qui ont pour but de cacher une ride indiscrète, malencontreuse, toujours jugée précoce, un âge qui commence à se manifester, un embonpoint qui est trop tôt venu ; Vous voilà chaque soir obligées de vous imposer une ou deux heures de rituel pour préserver un atout, mal récompensé d’ailleurs par un mari inattentif, et pour le lendemain recommencer à peine à l’aube.

Camarades militantes, hier à travers les discours, par la Direction de la mobilisation et l’organisation des femmes (DMOF) et en application du statut général des CDR, le Secrétariat général national des CDR a entrepris avec succès la mise en place des comités, des sous-sections et des sections de l’Union des femmes du Burkina.

Le Commissariat politique chargé de l’organisation et de la planification aura la mission de parachever votre pyramide organisationnelle par la mise en place du Bureau national de l’UFB. Nous n’avons pas besoin d’administration au féminin pour gérer bureaucratiquement la vie des femmes ni pour parler sporadiquement en fonctionnaire cauteleux de la vie des femmes. Nous avons besoin de celles qui se battront parce qu’elles savent que sans bataille, il n’y aura pas de destruction de l’ordre ancien et construction de l’ordre nouveau. Nous ne cherchons pas à organiser ce qui existe, mais bel et bien à le détruire, à le remplacer.

Le Bureau national de l’UFB devra être constitué de militantes convaincues et déterminées dont la disponibilité ne devra jamais faire défaut, tant l’oeuvre à entreprendre est grande. Et la lutte commence dans le foyer. Ces militantes devront avoir conscience qu’elles représentent aux yeux des masses l’image de la femme révolutionnaire émancipée, et elles devront se comporter en conséquence.

Camarades militantes, camarades militants, en changeant l’ordre classique des choses, l’expérience fait de plus en plus la preuve que seul le peuple organisé est capable d’exercer le pouvoir démocratiquement.

La justice et l’égalité qui en sont les principes de base permettent à la femme de démontrer que les sociétés ont tort de ne pas lui faire confiance au plan politique comme au plan économique. Ainsi la femme exerçant le pouvoir dont elle s’est emparée au sein du peuple est à même de réhabiliter toutes les femmes condamnées par l’histoire.

Notre révolution entreprend un changement qualitatif, profond de notre société. Ce changement doit nécessairement prendre en compte les aspirations de la femme burkinabè. La libération de la femme est une exigence du futur, et le futur, camarades, est partout porteur de révolutions. Si nous perdons le combat pour la libération de la femme, nous aurons perdu tout droit d’espérer une transformation positive supérieure de la société. Notre révolution n’aura donc plus de sens. Et c’est à ce noble combat que nous sommes tous conviés, hommes et femmes.

Que nos femmes montent alors en première ligne ! C’est essentiellement de leur capacité, de leur sagacité à lutter et de leur détermination à vaincre, que dépendra la victoire finale. Que chaque femme sache entraîner un homme pour atteindre les cimes de la plénitude. Et pour cela que chacune de nos femmes puisse dans l’immensité de ses trésors d’affection et d’amour trouver la force et le savoir-faire pour nous encourager quand nous avançons et nous redonner du dynamisme quand nous flanchons. Que chaque femme conseille un homme, que chaque femme se comporte en mère auprès de chaque homme. Vous nous avez mis au monde, vous nous avez éduqués et vous avez fait de nous des hommes.

Que chaque femme, vous nous avez guidés jusqu’au jour où nous sommes continue d’exercer et d’appliquer son rôle de mère, son rôle de guide. Que la femme se souvienne de ce qu’elle peut faire, que chaque femme se souvienne qu’elle est le centre de la terre, que chaque femme se souvienne qu’elle est dans le monde et pour le monde, que chaque femme se souvienne que la première à pleurer pour un homme, c’est une femme. On dit, et vous le retiendrez, camarades, qu’au moment de mourir, chaque homme interpelle, avec ses derniers soupirs, une femme : sa mère, sa soeur, ou sa compagne.

Les femmes ont besoin des hommes pour vaincre. Et les hommes ont besoin des victoires des femmes pour vaincre. Car, camarades femmes, aux côtés de chaque homme, il y a toujours une femme. Cette main de la femme qui a bercé le petit de l’homme, c’est cette même main qui bercera le monde entier.

Nos mères nous donnent la vie. Nos femmes mettent au monde nos enfants, les nourrissent à leurs seins, les élèvent et en font des êtres responsables.

Les femmes assurent la permanence de notre peuple, les femmes assurent le devenir de l’humanité ; les femmes assurent la continuation de notre oeuvre ; les femmes assurent la fierté de chaque homme.

Mères, soeurs, compagnes,

II n’y a point d’homme fier tant qu’il n’y a point de femme à côté de lui. Tout homme fier, tout homme fort, puise ses énergies auprès d’une femme ; la source intarissable de la virilité, c’est la féminité. La source intarissable, la clé des victoires se trouvent toujours entre les mains de la femme. C’est auprès de la femme, soeur ou compagne que chacun de nous retrouve le sursaut de l’honneur et de la dignité.

 

C’est toujours auprès d’une femme que chacun de nous retourne pour chercher et rechercher la consolation, le courage, l’inspiration pour oser repartir au combat, pour recevoir le conseil qui tempérera des témérités, une irresponsabilité présomptueuse. C’est toujours auprès d’une femme que nous redevenons des hommes, et chaque homme est un enfant pour chaque femme. Celui qui n’aime pas la femme, celui qui ne respecte pas la femme, celui qui n’honore pas la femme, a méprisé sa propre mère. Par conséquent, celui qui méprise la femme méprise et détruit le lieu focal d’où il est issu, c’est-à-dire qu’il se suicide lui-même parce qu’il estime n’avoir pas de raison d’exister, d’être sorti du sein généreux d’une femme.

Camarades, malheur à ceux qui méprisent les femmes ! Ainsi à tous les hommes d’ici et d’ailleurs, à tous les hommes de toutes conditions, de quelque case qu’ils soient, qui méprisent la femme, qui ignorent et oublient ce qu’est la femme, je dis : « Vous avez frappé un roc, vous serez écrasés ».

Camarades, aucune révolution, et à commencer par notre révolution, ne sera victorieuse tant que les femmes ne seront pas d’abord libérées. Notre lutte, notre révolution sera inachevée tant que nous comprendrons la libération comme celle essentiellement des hommes. Après la libération du prolétaire, il reste la libération de la femme. Camarades, toute femme est la mère d’un homme. Je m’en voudrais en tant qu’homme, en tant que fils, de conseiller et d’indiquer la voie à une femme. La prétention serait de vouloir conseiller sa mère. Mais nous savons aussi que l’indulgence et l’affection de la mère, c’est d’écouter son enfant, même dans les caprices de celui-ci, dans ses rêves, dans ses vanités. Et c’est ce qui me console et m’autorise à m’adresser à vous.

C’est pourquoi, Camarades, nous avons besoin de vous pour une véritable libération de nous tous. Je sais que vous trouverez toujours la force et le temps de nous aider à sauver notre société.

Camarades, il n’y a de révolution sociale véritable que lorsque la femme est libérée. Que jamais mes yeux ne voient une société, que jamais, mes pas ne me transportent dans une société où la moitié du peuple est maintenue dans le silence. J’entends le vacarme de ce silence des femmes, je pressens le grondement de leur bourrasque, je sens la furie de leur révolte. J’attends et espère l’irruption féconde de la révolution dont elles traduiront la force et la rigoureuse justesse sorties de leurs entrailles d’opprimées.

Camarades, en avant pour la conquête du futur ; Le futur est révolutionnaire ; Le futur appartient à ceux qui luttent.

La patrie ou la mort, nous vaincrons !

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11 novembre 2010 4 11 /11 /novembre /2010 00:03

3 Janvier 1986

 

Le discours suivant, a été publié par Sidwaya le 6 janvier 1986


Camarades militantes et militants de la Révolution démocratique et populaire :

C’était le 25 décembre 1985 ; l’année tirait à sa fin quand nos populations ont été bombardées. Elles ont été bombardées par des avions, elles ont été blessées, tuées par des chars et par des militaires venus de l’autre côté. Nous avons alors riposté. Face à la supériorité matérielle, à l’abondance de moyens, nous avons opposé la détermination politique et révolutionnaire, nous avons libéré le génie créateur. Nos stratèges ont écrit dans les pages de l’histoire militaire africaine des hauts-faits de guerre. Ainsi nous avons protégé notre peuple. Nous l’avons protégé parce que nous avons été agressés, parce que nous lui devons jour et nuit, la liberté et la quiétude. Nous l’avons protégé, obéissant ainsi à un devoir révolutionnaire.

La guerre n’est rien d’autre que la continuation de la politique. Leur politique a continué et s’est transformée en guerre. Notre politique a continué et s’est transformée en défense populaire généralisée. Ainsi deux politiques se sont affrontées, une politique a triomphé.

Chers camarades, je voudrais qu’en ce jour du 3 janvier 1986, nous pensions à tous ceux qui sont tombés sur le champ d’honneur Maliens et Burkinabè à tous ceux qui ont été blessés, à toutes ces familles éplorées, à tous ces deux peuples et les autres peuples d’Afrique et d’ailleurs qui ont été marqués par ces affrontements douloureux. Je voudrais que chacun de nous fasse l’effort de dominer le sentiment de haine, de rejet et d’hostilité envers le peuple malien. Je voudrais que chacun de nous gagne la victoire la plus importante : tuer en soi les germes de l’hostilité, de l’inimitié vis-à-vis de qui que ce soit. Nous avons une victoire importante à gagner : semer dans nos coeurs les germes de l’amitié vraie, celle qui résiste même aux assauts meurtriers des canons, des avions et des chars.

Cette amitié-là ne se construit que sur la base révolutionnaire de l’amour sincère envers les autres peuples. Et cela, je vous en sais capables, capable d’aimer le peuple malien et de le démontrer. Nous le démontrerons. Les frères du Mali nous ont dit dans leur discours qu’ils étaient pour l’ouverture ; nous répondons d’abord oui, mais en plus nous allons ajouter l’acte à la parole. C’est pourquoi je voudrais vous dire camarades, qu’en ce qui nous concerne, entre les peuples malien et burkinabé il n’y a jamais eu que l’amitié et l’amour.

Camarades ! êtes-vous oui ou non pour l’amitié entre nos deux peuples ? [Cris de « Oui !. »]

Alors, les masses populaires dépositaires du pouvoir au Burkina Faso ont parlé, et c’est en leur nom que je dis à la face du monde entier qu’il n’y a plus de prisonniers maliens au Burkina Faso. Les militaires maliens qui sont ici ne sont plus des prisonniers. Ce sont nos frères. Ils peuvent rentrer à Bamako, quand et comme ils veulent, en toute liberté.

Nous ne nous sommes pas battus pour faire des prisonniers, mais pour repousser l’ennemi. Nous l’avons repoussé, et tout Malien au Burkina Faso est un frère. Ainsi donc, les Maliens qui sont là sont nos frères.

A partir d’aujourd’hui des dispositions seront prises pour qu’ils vivent en toute liberté et qu’ils savourent la joie de la liberté au Burkina Faso, à Ouagadougou en particulier. Que leurs parents au Mali sachent qu’ils peuvent venir les chercher, comme ils peuvent les attendre à l’aéroport de Bamako.

Camarades, évitons de nous laisser divertir, entraîner dans des combats qui ne sont pas des combats du peuple ; évitons de nous laisser entraîner dans les préoccupations qui ne sont pas celles du peuple, dans la course folle à l’affrontement et au surarmement. Nous savons que la tentation sera grande dans certains esprits de rechercher coûte que coûte des arsenaux militaires, justifiant ainsi des actions bellicistes et trouvant souvent par là aussi des prétextes faciles et commodes pour rançonner les masses populaires ; il n’en sera pas ainsi au Burkina Faso.

Le média occidentaux, la presse impérialiste a souvent affirmé que le Burkina Faso était un pays surarmé. Vous avez souvent lu dans les journaux que notre pays a reçu des tonnes et des tonnes de matériel militaire. Fort heureusement, cette même presse s’est condamnée, s’est déjugée et a reconnu que le Burkina Faso était sous-équipé militairement. Ce n’est pas nous qui l’avons dit, ce sont eux qui l’ont écrit. C’est vrai, nous sommes sous-équipés, donc tous les propos qu’ils avaient répandus sur notre compte n’étaient que dénigrements. Aujourd’hui ils sont face à leurs propres dénigrements, face à leurs propres mensonges.

Nous savons maintenant quels sont les pays qui sont surarmés, quels sont les pays qui disposent de la ferraille militaire. Nous savons maintenant quels sont les pays qui imposent des sacrifices à leur peuple pour un développement social, politique et économique au lieu d’une militarisation à outrance.

Ces événements de 6 jours ont permis au Burkina Faso de laver la honte, de rétablir la vérité. Ils ont permis au monde entier de nous connaître sous notre vrai jour, et seuls ceux qui détestent la révolution et ils sont nombreux continueront par leurs manoeuvres à vouloir semer la confusion. Des combats nous attendent et il nous faudra les gagner.

Je voudrais souhaiter à tous pour cette année 1986 qui commence, le bonheur conformément à ce que nous formulons comme intention et aux efforts que nous sommes disposés à engager. En vous souhaitant à tous une bonne et heureuse année, je voudrais demander à chacun de se ressaisir et de considérer ce qui vient de se passer comme un épisode, certes, malheureux, mais plein d’enseignements. Je voudrais que nous analysions cela, cette expérience.

Nous savons, nous, révolutionnaires, que chaque jour qui passe est un jour d’affrontement. Nous savons que depuis le jour où c’était le 26 mars 1983 à cette même place, nous avons proclamé que « lorsque le peuple se met debout, l’impérialisme tremble », depuis ce jour, nous sommes face à face avec l’impérialisme et ses valets.

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11 novembre 2010 4 11 /11 /novembre /2010 00:02

27 Août 1986

Sidwaya du 29 août

L’honneur que nous fait aujourd’hui le leader de la révolution nicaraguayenne, de nous rendre visite au Burkina Faso est un événement d’une grande portée politique. Comme vous le savez, le Nicaragua est fort éloigné de notre pays aussi bien géographiquement qu’historiquement. Et pourtant, malgré les milliers de kilomètres qui nous séparent, malgré le handicap de la langue, malgré les différences de la culture, voici parmi nous le camarade Daniel Ortega, président de la République révolutionnaire du Nicaragua. Saluons le camarade Ortega.

Camarade président :

Permettez-moi tout d’abord, au nom du peuple burkinabè et au mien propre, de vous souhaiter la bienvenue à vous ainsi qu’à la délégation qui vous accompagne, en terre libre africaine du Burkina Faso. C’est avec un sentiment de fierté et de joie que le peuple burkinabè et moi-même vous accueillons aujourd’hui.

Camarade Ortega :

A ceux qui s’interrogeraient sur l’intérêt que le Nicaragua et le Burkina pourraient avoir en commun, je répondrais qu’au-delà des océans, au-delà des mers et des continents, nos deux pays ont le même idéal de paix, de justice et de liberté pour les peuples et entendent unir leurs forces pour défendre et sauvegarder cet idéal à un moment où l’impérialisme déploie avec arrogance ses tentacules. De plus, tout un réseau de liens et d’intérêts divers nous unit, que ce soit en tant que pays en voie de développement, à cause de notre appartenance au Groupe des 77 et des Non-alignés ou en tant que nations ayant choisi la voie de la liberté et de la dignité.

Camarade président :

Ni le Nicaragua, ni le Burkina ne peuvent se permettre d’accepter la division manichéenne qui veut que celui qui ne fait pas allégeance à l’Ouest travaille à l’Est. Nous pays Non-alignés estimons que la politique des blocs est néfaste à la paix mondiale. Nous n’acceptons d’être ni les arrière-cours des pays de l’Ouest ni les têtes de pont de l’Est. Bien que nous acceptions de coopérer aussi bien avec l’un qu’avec l’autre, nous réclamons le droit à la différence.

Mais qu’on n’attende pas de nous que nous soyons les spectateurs indifférents d’un match que se livreraient les grands, nos intérêts les plus primordiaux leur servant de ballon. Nous sommes, nous aussi, des acteurs de la vie internationale et nous avons le droit de choisir le système politique et économique le plus conforme à nos aspirations et le devoir de militer pour un monde plus juste et plus pacifique, bien que nos États ne possèdent ni grands cartels industriels ni arsenal nucléaire.

C’est pourquoi, camarade président, vous et moi, aux côtés de nos peuples, avons choisi de condamner le colonialisme, le néocolonialisme, l’apartheid, le racisme, le sionisme et toutes les formes d’agression, d’occupation, de domination et d’ingérence étrangère d’où qu’elles viennent.

Nous condamnons et luttons contre l’apartheid en Afrique du sud tout comme le sionisme en Palestine ; nous protestons contre l’agression ion au Nicaragua tout comme celle perpétrée contre la Libye et s de la Ligne de front ; nous dénonçons l’invasion de la Grenade tout comme l’occupation de la Namibie. Nous ne cesserons de le faire tant que justice ne sera pas rendue à ces peuples’.

Qu’est-ce qu’est le Nicaragua, pour nous ? Dire que c’est un pays d’Amérique ne suffit pas. Ce serait même masquer par omission impardonnable la vérité. Le Nicaragua, c’est d’abord quatre siècles de la plus rude des colonisations, cent ans de lutte de coteries pour le partage des dépouilles, cinquante ans d’une dictature cupide et sanglante. Le Nicaragua, c’est la lutte contre la domination, l’exploitation et l’oppression. C’est la lutte contre la domination étrangère ; c’est l’affrontement direct à ciel ouvert contre l’impérialisme et ses suppôts locaux.

Contre cet esclavage, il y avait, il y a, il y aura toujours ces hommes, ces femmes, ces enfants. Ils sont près de trois millions. Contre l’humiliation, il y a ces marxistes, ces intellectuels, ces paysans, ces croyants, ces non-croyants, ces bourgeois et ces riches qui aiment leur patrie. Il y a aussi les pauvres. Tous sont des companeros combattants. Ils luttent et meurent pour un même idéal, inscrivant dans le grand-livre d’histoire de l’Amérique latine, les pages les plus belles parmi les plus nobles.

Des millions d’enfants sont morts aux combats, des femmes sont tombées après avoir été torturées et violées, des combattants ont été fauchés, des prêtres ont interrompu la messe pour repousser les ennemis du peuple à l’aide de la Kalachnikov qui, alors, a craché le feu au nom de l’évangile progressiste.

Camarades, comme il est difficile d’être libre !

Chers frères du Nicaragua, nous comprenons les souffrances de votre chair, celles de votre âme. Oui, il y a des pays que la chance ne visite pas. Triste Nicaragua, si loin de Dieu et si près des Etats-Unis. Oui, dans ces conditions, il est difficile de naître et de vivre libre.

Mais les héros meurent debout. Ils ne disent jamais qu’ils meurent pour leur patrie. Ils meurent simplement. Et leur sang fertilise le sol de la révolution. Ainsi Sandino a versé son sang et la révolution sandiniste a triomphé un jour d’été 1979. Le Front sandiniste de libération nationale conduit victorieusement la lutte du peuple nicaraguayen. Et le 19 juillet 1979, Dieu est passé par le Nicaragua. Le monde entier a salué cette aube nouvelle. Les Etats-Unis aussi. Il ne suffisait pas de naître ; il fallait vivre. Qu’il est difficile de vivre libre !

Fallait-il que la fête du peuple nicaraguayen soit perturbée, assombrie par tant d’hostilités ?

On a vu avec le Nicaragua une situation explosive en Amérique latine. Les machinations commencèrent. On parla d’abord d’appel à la raison, puis ce furent des rumeurs de négociations qu’étouffèrent les menaces et les invectives, une opinion nord-américaine troublée, divisée. On dénonça le régime nicaraguayen comme marxiste-léniniste et on cria au nouveau Cuba. Ce fut la campagne de discrédit contre le Nicaragua. On le qualifia de dictature, on lui inventa des opérations de déstabilisation de ses voisins, en prétendant qu’il était manipulé de l’extérieur pour justifier la haine.

Alors se réveillèrent les Somozistes et leurs gardes, ceux que là-bas on nomme las bestias, los perros, c’est-à-dire, les bêtes, les chiens. Ils furent fortement aidés à coups de dollars. Des pays-frères et voisins les abritèrent, les entraînèrent, les équipèrent. On institutionnalisa la contre-révolution. Et voilà les contras une race nouvelle de carnassiers de la terreur.

Puis parfois, de temps en temps, l’on constata une accalmie. L’on espéra qu’elle s’éterniserait. Mais le feu continua de couver, puis se déchaîna de nouveau.

Vivre libre, espérer seulement un avenir meilleur, ce n’est pas facile quand on est Nicaraguayen. C’est pourquoi le peuple burkinabé chante avec vous ce poème, qui est né, non de son inspiration poétique mais de son engagement révolutionnaire à dire ce qu’il pense :

« Les impérialistes rôdent.

Des profondeurs de la terre embrasée,

Montent les clameurs d’un peuple décidé.

Car chaque jour est un jour de lutte.

De combats qui annoncent pour l’ennemi sa chute.

Mais qu’il est lourd le prix à payer !

Que de flots de sang, il faut chaque jour verser !

Des mères ont pleuré leurs enfants morts au front.

Des enfants ont enterré leur père à tâtons.

Dans cette obscurité des contras (contre-révolutionnaires), des bébés ont perdu leur biberon.

Ils ont empoigné la Kalachnikov à la place et se sont retrouvés garçons.

Les voiles blancs des mariées ont été tachés de sang’. Des prêtres patriotes y ont vu un signe des temps. Qu’il est difficile de vivre libre et être nicaraguayen ! Comme il est doux de mourir pour ses frères humains.

Nicaragua vaincra ! Déjà le peuple sait lire. Il écrit et se soigne, cultive ses champs et redécouvre le sourire.

La révolution triomphera ! Pour les contras : no pasardn !

Votre terre, notre terre, connaîtra grâce à notre génie la vraie manne.

À côté du Nicaragua il y aura le Burkina.

Car la révolution est invincible et le peuple régnera. Alors des profondeurs de la terre suave et embaumée Monteront les clameurs fraternelles de la symphonie achevée ».

C’est pour toutes ces raisons camarades, que j’ai l’honneur et le plaisir de vous remettre au nom du peuple burkinabè, un symbole de sa fierté à voir égard.

La patrie libre ou mourir !

La patrie ou la mort, nous vaincrons !

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11 novembre 2010 4 11 /11 /novembre /2010 00:01

4 Avril 1986

 

Chers camarades,

Chers amis invités :

Nous voilà au terme d’un dur labeur. Nous voilà au terme d’une épreuve particulière. La première du genre, durant laquelle les Comités de défense de la révolution (CDR) ont volontairement, consciemment accepté de se remettre en cause. Pendant des jours et des nuits, ils ont siégé sans désemparer dans un esprit de critique et d’auto-critique, pour examiner leur action depuis plus de deux ans et demi de révolution au Burkina Faso. Le principe en lui-même est une victoire. Victoire en ce sens que seules les révolutions acceptent de se remettre en cause, seules les révolutions acceptent de faire le point critique de leur combat ; à la différence de la réaction qui passe le temps à se faire des louanges et des éloges pour aboutir à un échec fatal. [Applaudissements]

Camarades, je voudrais tout d’abord demander à toutes les délégations étrangères qui n’ont pas pu être représentées ici, de bien vouloir comprendre et excuser cette démarche : si nous avons estimé que cette première Conférence nationale des CDR devait se dérouler pratiquement à huis clos, à savoir entre Burkinabè exclusivement, cela ne veut pas dire que nous méconnaissions l’internationalisme qui nous lie aux autres luttes. Je suis persuadé que nous bénéficierons de leur indulgence, de leur compréhension.

En effet, partout dans le monde, des messages avaient été préparés pour nous être envoyés. On voulait nous envoyer également des délégations. Nous demandons à tous les pays amis, à toutes les révolutions soeurs qui, dans la compréhension, ont bien voulu retenir l’envoi de leurs délégations, nous leur demandons de transmettre à leurs militants le salut internationaliste des Comités de défense de la révolution du Burkina Faso. [Applaudissements].

Je voudrais remercier les Pionniers qui se sont présentés, et qui ont animé de bout en bout cette Première conférence nationale.

Les Pionniers constituent pour nous l’espoir, l’espoir de demain. Ils symbolisent et représentent l’avenir dans le présent. Mais en même temps, ils indiquent à chacun de nous notre tâche quotidienne, à savoir que leur devenir, leur évolution, dépendent étroitement de notre prise de conscience, de la façon avec laquelle nous assumerons nos responsabilités face à ces jeunes révolutionnaires. Nous n’avons pas le droit, en tant que révolutionnaires, de considérer que les Pionniers doivent être tenus en marge de l’action révolutionnaire et n’être intégrés à notre action qu’une fois l’âge de 18 ans atteint.

Partout où des révolutionnaires sont concernés directement par la vie de ces Pionniers, ils devront prendre leurs responsabilités : encadrer, éduquer, conscientiser ces jeunes enfants afin qu’ils grandissent en révolutionnaires, qu’ils vivent en révolutionnaires et meurent en révolutionnaires. [Applaudissements]

Ainsi donc, comment ne pas féliciter, comment ne pas admirer ces jeunes enfants : l’orchestre la Voix des pionniers de Bobo-Dioulasso, les Petits chanteurs aux poings levés de Ouagadougou, les Petits danseurs du secteur 27 de Ouagadougou et du secteur 6 de Banfora qui se sont produits tout à l’heure !

Comment ne pas être encouragés ! Nous savons, dès lors que nous les voyons se produire, se manifester, que notre culture est en de bonnes mains. Si seulement chacun de nous, à l’âge où nous étions comme ces enfants, avait appris et la musique et la maîtrise de notre culture, aujourd’hui Mozart serait une piètre célébrité à côté de nous. Hélas, nous avons grandi avec des défauts. [Applaudissements]

Je remercie également l’Union nationale des anciens du Burkina (UNAB) pour sa participation à cette première Conférence nationale des CDR du Burkina Faso. [Applaudissements]

L’Union nationale des anciens du Burkina Faso nous apporte une contribution importante. Elle est très importante parce que, tactiquement, nous savons que si nous, nous ne mobilisons pas les anciens, nos ennemis les mobiliseront contre nous. [Applaudissements] Tous les réactionnaires, tous les contre-révolutionnaires nous invitent à laisser les anciens de côté afin qu’ils puissent les mobiliser contre nous. [Vifs applaudissements]

Eh bien ! Camarades, ne faisons point le jeu de la réaction et de la contre-révolution. Ne faisons point le jeu du populisme et au contraire, disons-nous qu’il ne doit pas y avoir au Burkina Faso un être humain quel que soit son âge qui n’ait été mobilisé. Nous en avons besoin. Et puis, il me faut quand même dire à nos chers camarades anciens que s’il est vrai que la neige sur le toit n’implique pas qu’il ne fait pas chaud à l’intérieur, il faut comprendre qu’à l’intérieur même des anciens se trouvent des tortues à double carapace. [Applaudissements]

Il se trouve à l’intérieur des anciens des hiboux au regard gluant [Applaudissements], c’est-à-dire un certain nombre de caméléons équilibristes qui pensent et estiment que, comme au jeu de dames, la révolution vient de faire une ouverture très dangereuse dont ils vont profiter pour s’installer afin de retrouver leur sport favori : les intrigues, les complots, les règlements de comptes, les dénigrements, les calculs et que sais-je encore !

Il appartient d’abord prioritairement aux anciens de démasquer et de combattre ces mauvais anciens. [Applaudissements] Si après avoir croisé le fer contre ces mauvais anciens qui, généralement, sont tenaces parce qu’ils ont le cuir dur, [Rires] les bons anciens n’ont pas réussi, qu’ils fassent appel aux CDR. Qu’ils nous accordent la permission : nous saurons ce qu’il faudra faire. N’est-ce pas, camarades, n’est-ce pas ? [Cris de « Oui 1’, applaudissements] Soyons donc vigilants.

Nous remercions également l’Union des femmes du Burkina (UFB) [Applaudissements] dont le silence à l’ouverture de la Première, conférence nationale des CDR a été particulièrement « bruyante » et remarquée. [Applaudissements]

Organisation de masses, tard venue par rapport à d’autres, elle n’est pas pour autant en marge de notre marche victorieuse et nous faisons confiance à l’UFB pour que toutes les femmes, toutes nos femmes, toute femme et toutes les femmes du monde entier soient mobilisées. La tâche est donc dure.

Je félicite le Secrétariat général national des CDR pour l’important travail d’organisation qui vient d’être accompli. [Applaudissements]

Je le félicite d’autant plus qu’il n’était pas certain que nous puissions organiser de façon aussi minutieuse et dans des délais aussi courts une réunion aussi importante.

Notre quotidien, le Sidwaya, a même, dans un écart d’impertinence, osé dire du mal du Secrétariat général national des CDR. Le Secrétariat général des CDR répondra en temps opportun à cet intrus de Sidwaya. [Applaudissements]

Eh bien ! Je félicite tous les organisateurs, tous ceux qui sont venus de toutes les provinces pour cette grande manifestation parce qu’encore une fois nous venons d’inscrire une victoire à notre actif.

Souvenez-vous, après la célébration du premier anniversaire de la Révolution démocratique et populaire le 4 août 1984, la réaction, la contre-révolution, chantant en choeur, avaient dit que nous avions dépensé des milliards et des milliards pour organiser cette fête ; tellement la Tete avait été grandiose et belle. Affolés, ces messieurs ne pouvaient pas imaginer que la capacité des révolutionnaires était de nature à pallier et même à dépasser le manque de moyens !

Depuis, ils ne parlent plus de milliards dépensés. Au contraire ; lorsqu’ils entendent que nous organisons une manifestation, ils sont pris de panique et tentent du mieux qu’ils peuvent de la saboter.

La dernière Conférence au sommet des chefs d’Etat de la Communauté économique de l’Afrique de l’Ouest (CEAO) a été un succès éclatant pour la Révolution démocratique et populaire. [Applaudissements nourris] Elle a été un succès, non pas parce qu’on nous a apporté beaucoup de moyens, mais parce que les révolutionnaires se surpassent lorsqu’on les attaque. Et nous avons été attaqués, vous le savez très bien ! [Applaudissements] Nous avons forcé l’admiration même de ceux qui ne voulaient pas venir. Mais ils sont venus malgré eux, ici même à Ouagadougou. [Applaudissements]

Le dernier Tribunal populaire de la révolution (TPR), le quinzième du genre, a été, lui aussi une consécration internationale de cette juridiction révolutionnaire. [Applaudissements] Nous avons jugé et condamné des malfrats internationaux ! [Applaudissements] Nous avons osé faire ce que beaucoup n’ont pas osé faire. Nous avons donc installé glorieusement les TPR parmi les formes de juridictions dont les peuples ont réellement besoin. Nous sommes heureux de constater que notre exemple suscite çà et là des tentatives d’imitation. [Applaudissements]

Ailleurs, on veut également juger et condamner et nous savons que partout on pourra juger, partout on pourra condamner. Mais la différence se situera toujours entre la vérité, toute la vérité que l’on osera dire et la demi-vérité que l’on sera obligé de proclamer parce que ... on est peut-être soi-même impliqué ou, en tout cas, on anime un régime réactionnaire, corrompu. [Applaudissements] Avez-vous déjà vu un chat demander un certificat de bonne moralité pour son fils ? [Rires, applaudissement] Lui-même, il est voleur. Mais, enfin, on sait que même les chats essaient de prendre des mines de personnes sérieuses.

Nous mettons en garde les imitateurs. Ils nous suivent, ils nous imitent, mais il reste un secret, un seul secret : celui qui nous permet de franchir les grands obstacles et que eux ne détiennent pas et qui précipitera leur chute. [Applaudissements]

Camarades, lorsque cette Conférence nationale des CDR a été convoquée, beaucoup de choses ont été dites ici et ailleurs. L’on a dit que ce serait l’occasion de tout dire. Par « tout dire », certains entendaient également par là que ce serait l’occasion pour eux de régler certains comptes avec certaines personnes. D’autres disaient aussi que cette Conférence nationale des CDR allait être une simple mascarade pour faire semblant de donner la parole au peuple mais, en réalité, pour empêcher que la vérité ne transparaisse. Pendant et même à l’heure où je vous parle, des participants à cette Conférence estiment que c’est plus qu’une mascarade puisqu’on ne leur a pas donné la parole !

Il y avait plus de 1 310 délégués et rien qu’en donnant 10 minutes à chaque délégué faites le calcul, les matheux ça aurait fait plus de 10 jours d’affilée à écouter rien que les interventions. Manifestement cela aurait été impossible ! On a dû donc procéder par synthèses. Mais je dois reconnaître que la synthèse des synthèses a parfois dénaturé certaines

pensées. Certains propos, certains points de vue ne s’expriment plus entièrement et convenablement dans ce qui est présenté en dernière analyse, en dernière mouture.

Ce sont, hélas là, les règles normales d’un travail qui veut s’adresser au plus grand nombre et non pas simplement se limiter à une minorité.

Mais, c’est pourquoi, d’ores et déjà, j’invite le Secrétariat général national des CDR à prendre toutes les dispositions afin que, périodiquement, par exemple par trimestre, des sessions se tiennent à travers le pays entre le Secrétariat général national des CDR et les principaux représentants des CDR. Ce qui permettra d’entendre davantage ce que pense chacun et faire en sorte que, lorsque nous serons obligés de synthétiser des pensées, nous ne soyons pas amenés à les déformer malgré nous. [Applaudissements].

Mais, l’on a pensé que cette première Conférence nationale des CDR avait été convoquée pour définitivement enterrer les CDR. C’est vrai, il y en a qui sont venus ici pour présenter leurs condoléances au Secrétariat général national des CDR. Condoléances qui, comme dans bien des cas, ne seront que des formes d’hypocrisie parce qu’en réalité, beaucoup étaient venus pour fêter la disparition de ces fameux CDR.

Pourquoi les CDR ?

Historiquement, vous savez que rien n’est plus faux que de dire que les CDR ont été créés au lendemain du 4 août 1983. Les CDR ont été créés avec les premiers coups de feu qui ont été tirés ici. Les CDR ont été créés le 4 août 1983, précisément. [Applaudissements]

Les CDR sont nés dialectiquement en même temps que la révolution au Burkina Faso. [Applaudissement] Parce que... à l’instant même où nous avons prononcé le mot révolution dans ce pays, la nécessité de la défendre s’est fait sentir et celui qui parle de révolution sans prendre les dispositions pour protéger cette révolution commet une grave erreur et méconnaît les capacités de lutte, les capacités de destruction de la réaction.

Pour notre part, nous avons invité le peuple dans la nuit du 4 août, à se constituer partout en Comités de défense de la révolution parce que nous ne nous faisions pas d’illusion : la révolution allait être attaquée. Elle l’a été, elle l’est et elle le sera. Donc, les Comités de défense de la révolution l’ont été, le sont et le seront. [Applaudissement] Rien de ce qui a été fait de positif sous la révolution n’a pu être réalisé sans les CDR.

Nous savons que nous CDR, nous ne sommes pas parfaits. Nous le savons, mais nous continuons de rechercher dans ce monde les exemples de perfection. Nous CDR, avons eu à exercer le pouvoir populaire. Sur le plan politique, sur le plan économique, sur le plan militaire, sur tous les plans de la vie nationale, à tous les niveaux de la vie des Burkinabè, nous, CDR, sommes impliqués directement. Il est donc important que nous comprenions que la marche correcte des CDR a une conséquence bénéfique et heureuse pour chacun de nous. Se détourner des CDR, c’est se faire à soi-même du tort ; à moins que l’on ne soit en mesure de quitter le Burkina Faso. Nous avons besoin des CDR et nous aurons toujours besoin des CDR quelle que soit la forme qu’un jour ils pourraient prendre.

Nous constatons qu’au Burkina Faso, lorsque certains étrangers arrivent, ils considèrent ce pays comme divisé en deux : il y a le Burkina Faso normal avec un drapeau, un hymne, des bureaux, une administration, des structures de fonctionnement, c’est-à-dire le Burkina Faso qui connaît les bonnes règles, qui porte les gants blancs, les belles cravates et que sais je encore !

Et puis, il y ale Burkina Faso des CDR. Ces CDR-là ! [Applaudissements] Et ils nous disent : comme votre pays est magnifique ! Et quel travail colossal vous avez accompli ! Malheureusement, il y a vos CDR-là ! [Applaudissements]

Mais que voulez-vous que nous fassions de nos CDR ? Que nous les menions dans des bouteilles ? Ils sont tellement nombreux que si nous les mettons dans des bouteilles, ils seront dans tous les bars ! [Applaudissements] Même des nationaux, des Burkinabè nous disent : « Ah ! Camarade président, nous sommes, en tout cas, très contents. Ce qui a été fait est magnifique, mais est-ce que vous ne pourriez pas voir du côté des CDR ; [Rires] parce que ces enfants-là... ! » J’écoute avec beaucoup d’intérêt leurs propos, leurs conseils et avec le respect dû à la barbe blanche qui parle en ces termes, avant de leur demander : en fait, entre ces CDR et moi-même, quelle est la différence d’âge ? [Applaudissements] Non ! Nous ne pouvons pas accepter de mettre les CDR de ôté. Il n’y a pas deux Burkina Faso. Il n’y a qu’un seul Burkina Faso : le B Faso des CDR. Il commence avec les CDR et finit avec les CDR. [Applaudissements] C’est pourquoi, il faut que là où il n’y a pas encore des CDR qu’ils soient rapidement constitués. Partout où se trouvent des Burkinabè, le premier réflexe doit être pour eux de constituer un Comité de défense de la révolution parce qu’ils sont et existent grâce à la révolution. Et s’ils ne le font pas, ils vont à l’encontre de la révolution et il n’y a pas de raison qu’ils bénéficient des bienfaits de la révolution.

A ce sujet, il importe que je dise que nous avons rencontré quelques difficultés dans les Organisations internationales. Les Organisations internationales, prétendant ne pas faire de la politique, refusent, s’opposent à ce que les CDR se constituent en leur sein. Eh bien, nous disons que les Burkinabè qui travaillent dans les Organisations internationales, doivent demeurer liés à la révolution par le biais des CDR. [Applaudissements] Donc il faut des CDR partout. [Applaudissements]

Bref ! Je ne citerai aucun organisme international, mais chacun s’y reconnaîtra.

Lorsque nous avons jugé les voleurs de la Communauté économique de l’Afrique de l’Ouest, ces bandits, ces truands, ces jongleurs, s’il y avait eu un seul Burkinabé de la CEAO impliqué, pensez-vous que les Comités de défense de la révolution auraient adressé une motion de félicitations à ce voleur-là ? Eh bien ! le CDR qui inspire les TPR est une garantie pour la CEAO, par exemple contre les voleurs ! C’est parce que nous avons les CDR que nous osons poursuivre les méchants, les voleurs. Ça fait longtemps qu’ils palpent les milliards. [Applaudissements]

Alors, que ce soit dit une fois pour toutes : toute organisation internationale qui nous acceptera, devra également accepter nos CDR. Bien entendu, nous respecterons les règles, les statuts de fonctionnement de ces organisations internationales. Nous ne nous organiserons en leur sein que dans les limites du possible. Il ne s’agira pas d’aller demander au Secrétaire général de l’ONU l’autorisation de tenir une assemblée générale CDR dans la maison de verre à New York ; ce qui ne serait pas très grave, du reste !

Cette Première conférence nationale des CDR doit contribuer à une plus grande cohésion, à une plus grande unanimité, à une plus grande unité organique au sein des CDR. Cela est très important.

Premier militant CDR que je suis, je n’échappe pas à l’obligation de critiquer fondamentalement, totalement nos CDR ; mais également, je n’hésite pas à leur apporter tout le soutien, tout le renforcement dont ils ont besoin pour continuer à aller de l’avant. [Applaudissements nourris] C’est pourquoi nous devons avoir le courage de nous regarder en face.

Il y a de mauvais militants CDR parmi nous ! Qu’on ne se le cache pas.

Vous savez très bien qu’au début de la révolution, très peu de gens voulaient venir dans les CDR. Mais dès lors que l’on s’est aperçu que les CDR permettaient de résoudre un certain nombre de problèmes, les vieux magouilleurs ont repris leurs vieux chemins pour se faire élire dans les CDR. [Applaudissements] On les voit, lorsqu’il s’agit de la bataille du rail2, tourner avec leur voiture ; ils se renseignent : « Est-ce que la télévision va venir ? » [Rires, applaudissements] Dès qu’ils sont sûrs que la télévision va venir glacières et bières fraîches dans la voiture ils vont là-bas et attendent. Ils tournent passent et repassent devant le cameraman qui ne semble pas comprendre. [Rires] Ils finissent par faire des signes au cameraman et à la foule : « Ah ! les gars, ça travaille... ça fait... depuis des heures que nous sommes là ! Ah oui... ! ».

Comme tous les journalistes finissent par leur demander : « Vos impressions ? » Ah ! C’est l’occasion attendue. [Applaudissements] « Oui ! très impressionné, mes impressions sont très bonnes, en tout cas, nous sommes debout comme un seul homme ! ».

Les vieux refrains, vous les connaissez ! On a chanté la même chose à la Place de la révolution précédemment Place du 3 janvier : « Debout comme un seul homme » pendant que certains allaient à gauche, d’autres allaient à droite. [Applaudissements]

Eh oui ! Ces calculateurs ont compris de quel côté souffle le vent, le vent du pouvoir et ils sont là-bas dans les CDR. On les voit également faisant tout pour se faire élire, pour être responsables.

Je veux dire quelque chose qui risque d’être une arme à double tranchant. Mais je vais le dire quand même parce que c’est la vérité.

Au niveau de la Caisse de solidarité révolutionnaire nous voyons souvent ceci : « Le camarade un tel fait don d’un dixième de son salaire pendant trois mois et demande l’anonymat ».

Eh bien ! Vous savez comment se manifeste cet anonymat ? Le bon camarade, le vaillant militant, ce grand militant, va d’abord voir son ministre de tutelle et lui dit : « Camarade ministre, je fais don d’une partie de mon salaire, mais je demande l’anonymat parce que, moi, j’aime être discret ». [Applaudissements] Il va au Secrétariat général national des CDR et il répète : « Je donne, mais je veux l’anonymat ; Je veux être discret ». Il va dans son secteur, il dit la même chose. Il écrit au Camarade président une longue lettre pour montrer que depuis la nuit historique du 4 août, lui, [Rires] tout son carnet de chèques tremble rien que pour la révolution, mais il demande l’anonymat : il signe, il met son nom, son prénom, son secteur, sa date de naissance, le nom de sa femme et de ses enfants. [Rires] Il écrit à la Camarade ministre de l’essor familial, il demande l’anonymat. Et maintenant il attend. Un Conseil de ministres annonce que ce camarade a cédé un dixième de son salaire pendant trois mois et a demandé l’anonymat. Pendant ce temps, toute la ville et, en particulier, « ses électeurs » savent qui est cet anonyme généreux.

Tout cela, ce sont des méthodes utilisées pour se faire élire.

Bien entendu, que personne ne dise qu’à partir de maintenant ce n’est plus la peine d’envoyer quelque chose à la Caisse de solidarité. Il faut continuer à alimenter cette caisse ainsi que les autres caisses qui ont besoin de beaucoup d’argent pour aider tous ceux qui critiquent les caisses et qui en profitent cependant. [Applaudissements]

Le pouvoir politique est utilisé à ce niveau pour les calculs : il y a de mauvais éléments, il faut les extraire. Ces néo féodau qui sont dans nos rangs doivent être extirpés, combattus et battus. Ils s’installent dans les secteurs, dans les villages, dans les provinces en véritables potentats. Ils sont également très dangereux : dans leur façon de faire ils sont anarchistes ; régnant et sévissant à la manière des seigneurs de guerre, ils sont fascistes.

Ce sont en dernière analyse des anarcho-fascistes. C’est une nouvelle race à laquelle nous avons à faire. [Applaudissements très nourris]

C’est à ce niveau également que les CDR, en particulier dans les services’, deviennent de véritables terreurs pour les directeurs. Il y a, à l’heure actuelle, des directeurs de service qui ne peuvent même plus signer un bordereau d’envoi tellement ils ont peur de leur CDR. [Applaudissements] Il y a des directeurs de service qui, avant de décider de la peinture qu’il faut mettre sur leur voiture, convoquent une assemblée générale ; parce que, Camarades, le peuple décidera. Ils ont peur, ils ont peur parce qu’ils ont été terrorisés. Effectivement, ils ont été maltraités, on a menacé de les suspendre, de les licencier, de les dégager et il faut reconnaître qu’il y a eu à ce niveau des règlements de comptes que nous sommes obligés de réparer aujourd’hui. [Applaudissements] Ou bien, parfois, il y a le cas de ces directeurs qui occupent des postes par la magouille. Ils font du porte-à-porte nuitamment pour être directeurs ; par conséquent, ils sont à la merci de ceux-là qui les ont nommés.

Nous avons vu, au niveau politique, des CDR lâches, qui n’osent pas prendre leurs responsabilités. Exemple, les suspensions : « Le camarade, un tel tel est suspendu pour telle ou telle faute... grave ».

Ce camarade est dans la rue, se plaint, vocifère et menace. Ceux-là mêmes qui ont proposé sa suspension viennent dire : « Ah ! tu sais, nous-mêmes, nous n’étions pas au courant ». [Applaudissements] Cette lâcheté, il faut la combattre.

Des CDR, lorsqu’ils sont menacés, courent au Secrétariat général national des CDR pour dire : « Nous sommes attaqués par un groupe de fascistes, par des populistes, par des contre-révolutionnaires, par des réactionnaires ». Non ! Il leur appartient de faire face à leurs ennemis là où ils sont. [Applaudissements] Poursuivons ! Nous sommes obligés de résoudre à Ouagadougou des problèmes qui opposent nos CDR à des contre-révolutionnaires à des milliers de kilomètres d’ici. Il s’agit là d’une mauvaise compréhension du rôle du Secrétariat général national des CDR. Certains n’hésitent pas à traverser la Méditerranée, la mer Caspienne, le Sahara même pour venir jusqu’à Ouagadougou, poser leurs problèmes. Non ! C’est là-bas, au Trocadéro ou dans le 19ème [arrondissement de Paris], que vous devez vous battre et triompher. Ce n’est pas ici ! Le combat au secteur 26 n’est pas le combat des camarades qui seraient à Leningrad ou à Bouaké [Côte d’Ivoire].

Sur le plan militaire, les CDR ont été très souvent truffés de gens incompétents.

La compétence ne se résume pas à prendre les armes et à bien les manier parce que s’il n’était que question de dextérité, d’adresse avec les fusils, il suffirait d’aller à la maison d’arrêt de Ouagadougou, on trouverait là-bas des gens très adroits. S’il n’était que question de savoir-faire, d’intelligence, il ne resterait plus qu’à demander à Moussa Ngom d’être le délégué aux affaires économiques des CDR parce que Moussa Ngom, comme vous le savez, est très fort ; son patron [Mohamed] Diawara pourrait être secrétaire général national des CDR ; [Moussa] Diakité, lui s’occuperait des questions sociales. [Applaudissements très nourris]

Bien ! Nous avons eu beaucoup d’accidents. Ces accidents ne sont pas le fait de l’insuffisance de la formation car, je tiens à le préciser tout de suite, nous n’avons pas eu plus d’accidents avec les armes chez les CDR qu’il y en a eu chez les troupes régulières ici au Burkina et à l’étranger. Chaque année, dans toutes les armées du monde, il y a des accidents qui se produisent. On n’en parle pas. Il y a des gens qui meurent : des parachutistes, des pilotes... Lorsque l’avion français est tombé à Bangui, combien de morts cela a-t-il fait ?

En tout cas, beaucoup. Alors était-ce un CDR celui-là ? Voyez-vous, les accidents, il y en a partout. Quand Challenger a explosé, des gens sont morts ! Ce sont des accidents, ça arrive, même à la NASA ! Les accidents, ça arrive partout.

Ce qu’il faut condamner plutôt, ce sont les mauvais éléments, et nous en avons dans nos rangs. Il faut les combattre, car pour s’exhiber, ils arborent tout un arsenal d’armes comme s’ils en avaient besoin, comme s’ils étaient les adjoints de Himmler. Non ! Ceux-là, il faut les mettre de côté. Les accidents proviennent bien souvent d’eux : « si tu fais ça, je te rafale ». C’est ce qu’il faut condamner et c’est ce genre de personnes dorénavant que vous devez vous employer à châtier sévèrement. Il en sera ainsi. Celui qui n’est pas sûr de lui, qu’il dépose les armes.

Militairement, nous savons également que pendant les patrouilles, certains CDR ont fait des choses exécrables, indicibles. Mais comme indicible n’est pas révolutionnaire, il faut tout dire. En effet, des CDR ont profité de la patrouille pour piller. Eh bien, nous les pourchasserons désormais comme des voleurs et nous les abattrons purement et simplement.

Que cela soit clair ! Si nous avons des armes, c’est pour défendre le peuple. Tous ceux qui volent et pillent le peuple seront abattus. Il y a eu même des cas de règlements de compte, il faut aussi le dire pendant la période du couvre-feu. C’est à dénoncer. Il y a eu des camarades qui, parce que militants CDR, responsable à la sécurité, équipés d’un gros fusil, sans être même sûrs que ça percute, se permettaient tout. A l’heure où le couvre-feu était à 19 heures, à 19 heures moins 10, ils se pointent chez la camarade et commencent à dire à leurs rivaux, aux autres candidats : « c’est l’heure bientôt ! I1 faut partir. Si vous ne partez pas on vous enferme ». Et oui ! Il y en a qui ont demandé que le couvre-feu soit toujours maintenu pour qu’ils puissent régner. Et bien, us avons levé le couvre-feu pour que nous soyons tous à égalité dans ceiomaine et ceux qui doivent échouer par leur incapacité échoueront.

 

Toujours sur le plan militaire nous avons vu des militants CDR mal habillés. Bien sûr le problème de tenues se pose. Il n’y en a pas assez, c’est vrai. Mais le peu que vous avez, vous devez le soigner. Ils sont mal vêtus, négligés, débraillés. Non ! Il faut désormais que tous les responsables CDR n’hésitent pas à déshabiller séance tenante les militants qui se présenteraient en mauvaise tenue.

Ce sont des signes extérieurs d’une incapacité à s’organiser.

Nous avons vu des CDR arrêter, enfermer, puis dire : « C’est ça, c’est le règlement, c’est la justice : on va te manoeuvrer ! » Non ! Chaque Burkinabè a droit à la protection des CDR et la permanence CDR ne doit pas être un lieu de tortionnaires mais au contraire une permanence où se retrouvent des responsables qui dirigent, qui organisent, qui mobilisent, qui éduquent et luttent en révolutionnaires. Mais il peut arriver qu’on éduque dans la fermeté, alors, il faudra de la lucidité dans la fermeté. Cependant les abus de pouvoir doivent être considérés comme étrangers à notre lutte.

Sur le plan économique et social là aussi, ils sont nombreux, très nombreux, les militants qui programment des activités de construction par exemple, mais qui sont, eux, assis à côté. Ils font travailler les masses ! Leur propre paresse transparaît au point que les masses sont, elles-mêmes-mêmes démoralisées et démobilisées. Nous devons combattre cela.

De même qu’il y a une gestion anarchique, frauduleuse, gabegique et concussionnaire des fonds qui sont confiés aux CDR, bien souvent ; c’est pourquoi il est juste que soient créées des structures de contrôle des caisses. Il faut désormais que l’on sache ce que contient la caisse, ce que l’on a fait de la caisse. Et ce n’est pas assez : beaucoup de personnes se sont enrichies sur le dos des militants en se proclamant militants CDR eux-mêmes. C’est une nouvelle catégorie de voleurs.

Ne pensez donc pas qu’au Conseil national de la révolution l’on n’a pas conscience de ces nombreuses tares, des nombreux défauts qui minent encore nos CDR. Nous en sommes conscients, nous sommes résolument engagés à combattre toutes ces pratiques négatives, néfastes à la révolution. C’est d’ailleurs l’une des motivations de cette Conférence. Le militant CDR doit toujours et partout donner le bon exemple. C’est pourquoi en saluant les petits-enfants qui se sont produits tout à l’heure, nous saluons également leurs encadreurs qui ont assuré leur production.

Mais en même temps, nous indiquons que parmi les provinces il y en a qui sont à la traîne. Il y a des Hauts-Commissaires commandants de cercle, des gouverneurs de régions, certains se croient encore à l’époque de la colonne Voulet-Chanoine’, d’autres se croient à l’époque des collectivités rurales. Tout cela est négatif. Nous devons les dénoncer et les combattre. En tant que Hauts-Commissaires, nous devons animer nos provinces sur tous les plans ; nous devons donc être énergiques et pleins d’initiatives et soutenir le nouveau et organiser sa mise en valeur.

Si nos trente provinces présentaient trente spectacles comme ceux-là, ce serait bien ! Nous serions bien et très loin. Mais ce n’est pas encore le cas.

Au niveau des services, les CDR fonctionnent encore très mal. Ils fonctionnent très mal parce que, loin de rechercher la qualité du service, loin de rechercher un accroissement quantitatif et qualitatif dans la production des biens sociaux et économiques, nos travailleurs organisés dans les Comités de défense de la révolution sont plutôt occupés à courir derrière les honneurs, à courir derrière les titres et le pouvoir. Cette boulimie du pouvoir doit être combattue. [Applaudissements] C’est ainsi que la bureaucratie risque de s’installer dans nos services, dans notre administration si nous continuons de la sorte. Parce que, pour un document donné, vingt-cinq personnes veulent signer « vu et transmis ». « Vu et transmis »... cela n’apporte absolument rien à la qualité du document, mais chacun veut être sûr qu’il a mis son petit quelque chose. [Applaudissements] Cela nous bloque parce que simplement le militant CDR responsable voudrait qu’en ville, on puisse dire : camarade ! Je vous remercie ! vraiment grâce à vous » [Rires] et quand vous ne l’avez pas remercié et que vous n’avez pas été chez lui faire des courbettes, eh bien, il retarde, il bloque votre document à souhait jusqu’à ce que vous compreniez la logique du plus fort.

Ces méthodes-là, nous n’en voulons pas, car le bureaucratisme et les bureaucrates sont les pires ennemis de notre cause et en tant que tels, nous devons les combattre sans répit avec opiniâtreté dans toutes leurs manifestations.

Nos services sont sales, mal tenus, malgré les Journées révolutionnaires, malgré les Semaines révolutionnaires, bientôt les Mois révolutionnaires, les Années révolutionnaires, et les Décennies, et les Siècles révolutionnaires nous continuerons à avoir des services mal organisés, mal tenus, tant que nous n’allons pas nous meure face à nos responsabilités en dénonçant ce qu’il faut dénoncer.

J’ai toujours cité en exemple certains services : il y en a qui sont très bien tenus, qui méritent des félicitations et chacun devra prendre exemple sur eux. Je ne voudrais pas les citer tous. Je ne voudrais pas faire de jaloux, je me contenterai simplement de citer la Présidence. [Applaudissements] C’est ce qu’il faut faire ! Comment entrer dans un bureau révolutionnaire et trouver des chaises branlantes, non pas parce qu’elles n’ont pas été achetées neuves mais parce qu’elles ont été mal utilisées.

On trouve des responsables, des cadres/sales, mal vêtus, malpropres comme leurs propres documents. [Rires] Des dactylographes paresseux, des standardistes étourdis. [Rires] Cela n’est pas digne des CDR et nous devons nous corriger. La qualité commence par l’acceptation de la vérité : regardons nos défauts, prenons-en conscience, et prenons l’engagement de nous améliorer. Mieux : en tant que révolutionnaires, nous devons toujours marquer la différence.

Il y aurait beaucoup à dire contre les anciens qui disent qu’ils sont mobilisés au sein de l’UNAB, ou qu’ils sont maintenant dans la révolution mais interdisent à leurs enfants d’aller aux réunions CDR ; contre les maris qui empêchent leurs femmes d’aller à des réunions CDR. Cela aussi doit être dénoncé. [Applaudissements] Ou qui les terrorisent !

Maintenant, nous devons passer à une organisation beaucoup plus consciente. Si aux premiers jours de la révolution, notre mobilisation était un enthousiasme, une euphorie, une fête, de plus en plus nous devons nous organiser beaucoup plus scientifiquement, beaucoup plus méthodiquement, nous corriger à chaque fois pour avancer ! Nous avons en exemple les échecs de certaines organisations de type CDR sous d’autres cieux les Comités révolutionnaires. Partout où il y a eu des échecs, c’est que la réaction a tendu victorieusement des pièges contre ces autres organisations dans certains pays. Nous devons avoir conscience de nos faiblesses.

C’est pourquoi nous devons continuellement lutter. Nous devons lutter et nous devons avoir à l’esprit que les Comités de défense de la révolution, c’est le courage, le courage politique et surtout le courage face à nos responsabilités. Nous ne sommes pas CDR simplement pour crier des slogans. Nous sommes CDR pour conscientiser, pour poser des actes, pour produire. C’est pourquoi nous devons bannir de nos manifestations les slogans creux, les slogans lassants, inutilement répétitifs et finalement irritants. On arrive à des manifestations, on vous crie 25 fois « La patrie ou la mort, nous vaincrons ! » : ça commence à être un peu trop ! [Rires] surtout quand ce n’est même pas accompagné d’une belle explication militante. C’est une répétition. Non ! Les CDR-magnétophone, de côté ! [Applaudissements] On improvise des slogans pour meubler le temps. Alors « les voleurs, à bas ! Les menteurs, à bas ! A bas ! » [Rires] Ce n’est pas bon ! Nous devons marquer la différence avec les troupes d’animation folklorique.

À certains spectacles, on trouve des scènes grossièrement montées où des camarades se livrent à des danses parfois obscènes, cela également n’est pas révolutionnaire. La révolution doit avoir sa pudeur. [Applaudissements]

Il importe que nous critiquions le manque d’organisation dans nos manifestations. Si dans certains domaines, des victoires ont été remportées, ce n’est pas le cas dans d’autres domaines. Non ! Certaines cérémonies sont lassantes et sans donner raison aux ambassadeurs qui sont souvent absents de nos cérémonies, je comprends néanmoins qu’ils ne veuillent pas venir ! Eh bien, il faut écarter, et c’est très important, les formes de louanges qui sont des expressions de réflexes mal étouffés en nous, mal éteints. Par exemple, cette chanson : « Oh CNR, Thomas Sankara qu’il soit toujours le Président », ce n’est pas bons [Applaudissements] parce que . quand on est Président, on est Président. On est Président, ou on ne l’est pas. [Applaudissements] Il faut que nous soyons clairs. Cette chanson n’est pas bonne. À ce rythme, dans un an, dans deux ans, eh bien nous allons nous retrouver dans certains festivals avec certaines troupes qui sont beaucoup plus entraînées à cela, et puis, peut-être, qui n’auront que ça à faire.

Les Comités de défense de la révolution, c’est la production ! Certes s’il faut des thèmes de mobilisation, s’il faut des slogans ? Oui ! Il faut des slogans ! S’il faut des images, des symboles de la révolution, pour comprendre ! Oui ? il en faut. Nous n’hésiterons pas ! Mais nous ne devons pas mettre la forme avant le fond, et la révolution ne se mesurera pas au nombre de slogans et au nombre de ténors, de stentors dans les cris. Ce sera à autre chose, ce sera à la production. Il faut produire, il faut produire et c’est pourquoi, je salue le mot d’ordre de : « Deux millions de tonnes de céréales ».

Notre pays produit suffisamment de quoi nous nourrir. Nous pouvons dépasser même notre production. Malheureusement, par manque d’organisation, nous sommes encore obligés de tendre la main pour demander des aides alimentaires. Ces aides alimentaires qui nous bloquent, qui inspirent, qui installent dans nos esprits cette habitude, ces réflexes de mendiant, d’assisté, nous devons les mettre de côté par notre grande production ! Il faut réussir à produire plus, produire plus parce qu’il est normal que celui qui vous donne à manger vous dicte également ses volontés.

A la fête de la Tabaski, à Pâques, à Noël, quand dans les familles, on abat les coqs, les dindons, les moutons, on le fait parce qu’on est sûr qu’on a nourri le coq, le dindon, le mouton. On peut l’abattre quand on veut. A Noël, à Pâques, à la Pentecôte ou même pendant le carême. On est libre. Celui qui ne vous a pas nourris ne peut rien exiger de vous. Or, nous sommes là, à nous faire nourrir chaque jour, chaque année et nous disons : « À bas l’impérialisme ! » Eh bien la reconnaissance du ventre est là. [Rires, applaudissements] Si dans notre expression, nous, révolutionnaires, ne voulons pas être reconnaissants, ou en tout cas, si nous voulons meurt de côté toutes les formes de domination, le ventre sera là qui, lui, risque de prendre le chemin de droite, de la réaction et de la cohabitation pacifique [Applaudissements] avec tous ceux qui nous oppriment à travers les graines de céréales déversées ici.

Ne consommons que ce que nous contrôlons ! Il y en a qui demandent ; « Mais où se trouve l’impérialisme ? » Regardez dans vos assiettes quand vous mangez : les grains de riz, de maïs, de mil importés, c’est ça l’impérialisme. N’allez pas plus loin. [Applaudissements] Donc, camarades, nous devons nous organiser pour produire ici et nous pouvons produire plus qu’il n’en faut.

On dit que c’est la sécheresse qui a fait que notre production a baissé. Le ministère de l’Agriculture est là, qui témoigne que même pendant la sécheresse, la production de coton n’a fait qu’augmenter. Pourquoi cela ? Eh bien, parce que la SOFITEX paye. Eh bien, nous allons changer de méthodes. Oui, il faut changer de méthodes. Mais la production, ne se limite pas seulement aux céréales. I1 faut produire dans tous les domaines, à l’usine, dans les bureaux et j’invite chacun à la production intellectuelle. La Conférence nationale des CDR a félicité, et elle a raison, tous ceux qui ont écrit, qui ont produit quelque chose sur le plan littéraire, artistique, et dans tous les autres domaines. C’est ça la production, nous sommes des révolutionnaires !

J’ai lu dans un télex, dans une dépêche d’agence, que lors d’un tournoi de tennis de table, le Burkina Faso a été battu par le Nigéria, par le Libéria. J’ai trouvé cela très bien. Il faut que nous soyons encore battus. Mais si nous sommes battus, c’est la faute de ceux qui ne nous ont pas organisés les années passées. Par contre, si dans les années à venir, nous sommes battus, camarades, ce sera de notre faute. [Applaudissements nourris] Il faut donc produire, produire et encore produire.

Sur le plan international, beaucoup de choses positives sont dites mais non écrites. Prenons l’exemple des Tribunaux populaires de la révolution : qui peut nous citer un livre écrit par un Burkinabè sur les TPR’. Le peu qui ait été écrit, a été écrite par des étrangers, des étudiants, des professeurs d’université, des chercheurs.... Pourtant, il y a de grands enseignements que les TPR sont en train de nous donner, que nous ferions mieux de consigner précieusement dans des livres.

Demandez à la radio-diffusion, si elle a encore l’enregistrement du 14ème TPR ? Elle vous dira que la bande, la cassette à été utilisée pour enregistrer le dernier tube de je ne sais quelle vedette.

Ce n’est pas normal. Nous n’avons pas ce réflexe de protéger notre capital intellectuel. Il faut produire davantage. Et puis après tout, nous battons le record en matière de littératures clandestines. C’est au Burkina Faso quand même qu’il y a le plus de tracts, vous le savez très bien ! Cela prouve que nous savons lire et écrire... Mamadou et Bineta’ sont devenus grands, il y a très longtemps. Ils commencent à être vieux. [Rires et applaudissements] Mais camarades, il est important que nous revenions en d’autres occasions sur ce qui n’est pas fait, sur ce qui doit se faire. L’unité, l’unité dans nos rangs ! Unité-critique-auto-critique-unité. Bannissons de nos rangs tous les louvoiements, les calculs insidieux perceptibles et imperceptibles qui se trament ; les mots d’ordre téléguidés et télécommandés. Heureusement, la Conférence nous a permis de constater que l’unité s’est renforcée. Ce qui prouve que des éléments sains de tous bords ont oeuvré consciemment, loyalement, afin que l’unité se consolide. C’est une victoire. [Applaudissements]

Camarades, je vous félicite tous pour l’effort fourni, je vous félicite surtout pour les efforts que vous avez fournis avant cette conférence.

Tout ce que nous avons réalisé au Burkina Faso, sous la révolution, nous l’avons réalisé grâce aux CDR en premier lieu. Nous avons construit des maisons, des écoles, des dispensaires, des routes, des ponts et des barrages. Nous avons fait de la production intellectuelle, artistique. Bref, nous avons marqué des points. Nous avons sur le plan économique, financier, budgétaire, réalisé des sacrifices, des efforts et chacun de nous a payé le prix qu’il fallait payer. Je sais que les retenues salariales ne plaisent à personne. Qui, en ce bas monde, est prêt à donner une partie de son salaire, sauf lorsque la nécessité le commande ?

L’univers dans lequel nous évoluons, les forces qui nous entourent ne sont pas pour favoriser un développement indépendant comme le nôtre. Au contraire, tous les pièges nous serons tendus pour que nous soyons obligés de nous prostituer afin d’avoir un semblant de développement. « Compter d’abord sur nos propres forces »7 doit cesser d’être un slogan, cela doit nous habiter. Et il faut savoir que nous avons pour principe de toujours compté sur nos propres forces. Parfois cela est dur et nous entendons çà et là des sirènes défaitistes nous chanter les louanges de l’aide. Assistance, non ! Coopération, oui ! Nous avons besoin de la coopération avec tous les peuples du monde entier, mais l’assistance qui développe en nous la mentalité d’assisté, nous n’en voulons vraiment pas. [Applaudissements]

C’est pourquoi nous avons fourni, et fournissons des efforts. Ces efforts ont été combattus, dénaturés. Il y a des gens qui ont raconté : « Oui ! Voilà avec la révolution, les salaires sont bas, le pouvoir d’achat est bas, il y a des gens qui n’ont plus que 20 francs par mois, pourquoi ? A cause du 12ème de salaire, à cause des 12 pour cent, à cause des retenues ». Quand même, camarades, c’est une insulte grossière ! Nous ne pouvons nous laisser prendre à ce piège-la. Quand quelqu’un a 20 francs par mois parce qu’on lui a retenu un 12ème de salaire, 12 pour cent de son salaire, qu’est-ce que cela veut dire ? Ceux qui ont seulement 20 francs par mois parce que nous leur avons retenu 12 pour cent, nous allons leur restituer 100 pour cent de leur salaire. Ils auront donc à la fin de mois 22,40 francs. Mathématiquement c’est ça ! Qu’on ne nous dise pas que le salaire des gens a disparu du fait de l’Effort populaire d’investissement ou des autres retenues ! Les salaires ont disparu à cause de la bière, des brochettes, du luxe insultant, des habitudes de consommation. [Applaudissements] Ceux qui roulent dans des voitures hypothéquées, ceux qui jonglent, ceux qui vont chez les marabouts pour multiplier l’argent, ce sont ceux-là i n’ont plus leur pouvoir d’achat !

Mais néanmoins, la révolution est faite pour nous et nos efforts sont là pour nous tous. C’est pourquoi d’ores et déjà, je vous annonce que nous devons nous mobiliser pour les réunions budgétaires qui se tiendront. Informer largement nos militants que ces réunions budgétaires seront toujours dans la même direction que ce qui a été fait jusque-là, et en particulier que ces réunions budgétaires auront pour but de souligner les efforts réalisés au profit du peuple. C’est pourquoi, à compter du prochain budget, eh bien, il n’y aura plus d’EPI. [Applaudissements] Je vois que vous n’êtes pas contents parce que les salaires seront rétablis. Je le sais. Mais je vous comprends. N’est-ce pas camarades ? [Cris de « Oui !a] La franchise vous a manqué. Le courage de vos opinions vous a manqué. Eh bien ! nous rétablirons ces salaires parce que les efforts que nous avons réalisés nous permettent de le faire. Nous voulons être francs envers notre peuple. Ne rien lui promettre que nous ne puissions lui donner. [Applaudissements] Il y a des pays où l’on promet des augmentations de salaires et on ne paye pas les salaires. Nous, nous vous avons promis de retenir vos salaires ; nous les avons retenus oui ou non ? [Cris de « Oui ! »] alors nous avons tenu parole ! [Applaudissements]

Ce n’est pas pareil, c’est la différence. Lorsque nous disons que nous retenons les salaires, nous les retenons, et cela peut se constater, et si parmi vous il y a un seul dont le salaire n’a pas été retenu, par erreur, qu’il se signale au ministère du Budget. [Rires] Ces efforts, le Conseil national de la révolution entend les canaliser pour un meilleur développement de notre pays. Cela est possible, cela est faisable grâce à notre cohésion, au coude à coude. Mais après cette première Conférence nationale des CDR, nous devons apprendre à combattre nos ennemis, sans peur, sans pitié, sans faiblesse, sans sensiblerie inutile ! Toutes les fois que nous nous laisserons attendrir par leurs larmes, c’est nous qui perdrons.

Moussa Ngom a versé des larmes et il a fait pleurer d’autres personnes. Mais lorsque des enfants sont morts ici, à l’hôpital, parce qu’il n’y avait pas de médicaments à 1 000 francs seulement pour les soigner, chacun a compris que 6 milliards et quelques francs, c’était 6 millions et quelque de fois qu’on aurait pu acheter des médicaments pour soigner des enfants. Les larmes de Moussa Ngom ne peuvent pas nous attendrir [Applaudissements] et si parmi vous il y a des coeurs sensibles, inutilement sensibles, sensibles aux effets de la bourgeoisie, de la réaction, de la contre-révolution, qu’ils fassent l’effort de se lever.

Camarades, je félicite tous ceux qui sont venus de loin notamment de l’Étranger, en dehors du Burkina Faso, pour participer à cette conférence. Je leur souhaite un bon retour dans les pays, où la recherche du savoir, en tout cas la recherche d’une capacité de produire davantage pour leur pays les aura conduits. Je leur souhaite de transmettre à leurs camarades qui y sont, le message du Conseil national de la révolution et les résolutions de cette première Conférence nationale des CDR à laquelle eux-mêmes ont pris part.

Je souhaite bon retour à ceux qui sont venus de nos provinces lointaines ou proches. Bon retour dans leur foyer. Bon retour dans leur province pour transmettre le message du Conseil national de la révolution et des Comités de défense de la révolution. Je leur souhaite ce bon retour en les exhortant à la prudence, pour que les accidents auxquels nous avons assisté ne se reproduisent plus, pour que ces accidents ne nous fassent pas perdre des militants, que ces accidents ne nous fassent pas perdre du matériel. Il faut profiter de l’occasion pour dire que nous, Comités de défense de la révolution, nous avons mal entretenu le matériel jusque-là. Nous avons cassé les voitures, les motopompes, les groupes électrogènes, les machines à écrire, les haut-parleurs, les micros, et même les armes. Cela n’est pas normal. Désormais, une meilleure gestion de notre matériel devra se faire comme forme de respect de notre peuple parce que ce matériel a été acquis par le peuple, il appartient au peuple, nous devons bien le garder et ceux qui cassent les voitures doivent savoir qu’ils cassent les voitures du peuple, qu’ils méprisent et insultent le peuple.

Je renouvelle mes félicitations au Secrétariat général national des Comités de défense de la révolution pour les efforts importants déployés. Le Secrétariat général national des CDR qui malgré l’adversité, l’ingratitude, le dénigrement, évolue avec efficacité. Une efficacité qui, chaque jour s’améliore. [Applaudissements] Eh bien, notre Première conférence nationale des CDR va connaître sa fin, mais elle ouvre en même temps la porte pour d’autres conférences nationales, d’autres congrès, pour un approfondissement de notre révolution, pour une radicalisation de notre révolution. Alors, je vous invite d’ores et déjà à réfléchir puissamment sur les combats futurs. Je vous invite aussi à pratiquer réellement le bon militantisme, le vrai militantisme, le militantisme conscient et conséquent.

Je déclare close la première Conférence nationale des CDR du Burkina.

La patrie ou la mort, nous vaincrons !

Je vous remercie. [Applaudissements, slogans]

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11 novembre 2010 4 11 /11 /novembre /2010 00:01

8 Novembre 1986

Le 8 novembre, 1986, à Managua, dans un meeting commémorant le vingt-cinquième anniversaire de la fondation du Front sandiniste de libération nationale du Nicaragua et le dixième anniversaire de la mort au combat de son fondateur Carlos Fonseca, Sankara prend la parole au nom des 180 délégations étrangères présentes, devant une foule de plus de 200 000 personnes. Son discours a été publié à New York dans The Militant du 28 novembre de la même année.

Je voudrais tout d’abord vous remercier pour l’accueil chaleureux qui nous a été réservé ici, à Managua. Je voudrais aussi dire toute la fierté que nous éprouvons de prendre la parole au nom de toutes les délégations étrangères.

Nous sommes venus de loin, de très loin parfois de plusieurs milliers de kilomètres. On peut se demander ce qui nous unit aux Nicaraguayens qui sont si loin de nous. Ce n’est pas la distance géographique. On peut se demander ce qui nous unit aux Nicaraguayens qui sont si différents de nous par la couleur de la peau.

Et bien, nous sommes unis par la lutte pour la liberté et le bonheur des peuples. Nous sommes unis par le même désir de justice pour les peuples. Nous sommes déterminés ensemble contre l’impérialisme et les ennemis des peuples.

Toutes les délégations ici présentes mesurent la valeur de la lutte du peuple nicaraguayen. A travers le monde nous saluons votre lutte. A travers le monde entier nous appuyons votre lutte. Votre lutte est juste. Elle est juste parce qu’elle est anti-impérialiste ; elle est juste parce qu’elle est contre les oppresseurs et les ennemis des peuples. Votre lutte est juste parce qu’elle est contre les bandits. Votre lutte est juste parce qu’elle rejoint les luttes de tous les peuples du monde entier.

Le peuple palestinien lutte pour la liberté et pour son bonheur. Le peuple namibien lutte pour son indépendance. Beaucoup d’autres peuples sont en train de lutter dans le monde pour leur liberté. En Afrique nous sommes confrontés directement au colonialisme, au néo-colonialisme et à l’impérialisme. Les fascistes, les nazis existent en Afrique du sud où ils ont créé l’apartheid contre les noirs. La lutte contre l’apartheid n’est pas seulement la lutte des noirs mais une lutte de tous les peuples qui veulent vivre libres et unis. Cette lutte est une lutte de tous les peuples du monde entier ; et, nous les Africains, nous réclamons la participation de tous [à cette lutte].

Et les peuples et les dirigeants qui ne participent pas à la lutte contre l’apartheid sont des dirigeants ingrats et traîtres. Ils sont traîtres et ingrats parce qu’ils ont oublié qu’hier les Africains ont versé leur sang pour lutter contre le nazisme au profit des peuples d’Europe et d’ailleurs. Aujourd’hui il s’agit de verser le sang contre l’apartheid et pour le bonheur d’autres peuples.

Camarades, je voudrais vous demander d’observer une minute de silence à la mémoire de Samora Machel, ce grand combattant de la liberté africaine...

Je vous remercie.

Nous disons que la lutte du peuple nicaraguayen doit être soutenue par chacun de nous à travers le monde. Nous devons soutenir le Nicaragua parce que si le Nicaragua était écrasé, ça serait une brèche créée dans le bateau des autres peuples.

C’est pourquoi nous devons lutter politiquement et diplomatiquement pour soutenir le Nicaragua. Nous devons aussi soutenir économiquement le Nicaragua. Nous devons populariser la lutte du Nicaragua à travers le monde.

Nous voulons rendre hommage ici à tous ceux qui dans le monde entier apportent leur soutien au Nicaragua. Qu’il s’agisse des pays du Groupe de Contadora ou des pays du Groupe d’appui, qu’il s’agisse des partis et des organisations, qu’il s’agisse des organisations internationales qui ont accepté de reconnaître la cause juste du Nicaragua, tous méritent d’être félicités parce que les manoeuvres de l’impérialisme pour les empêcher de soutenir les Nicaraguayens sont nombreuses et multiformes

Camarades nicaraguayens, aujourd’hui nous célébrons ensemble le vingt-cinquième anniversaire du Front sandiniste. Aujourd’hui nous saluons également la mémoire de Carlos Fonseca. La seule façon, la meilleure façon pour chacun de nous d’honorer sa mémoire, c’est de faire en sorte que chaque centimètre carré devienne un centimètre carré de la liberté et de la dignité.

C’est pourquoi il faut écraser les Contras. Les Contras sont des charognards qu’il faut écraser. Les Contras sont des chacals qui ne méritent pas le respect. Les Contras sont des gens qui ont vendu leur coeur pour recevoir l’argent impérialiste. Mais vous, vous devez résister contre les bombardiers, contre le minage de vos ports et contre le blocus économique. C’est un devoir pour chaque Nicaraguayen de repousser loin ces fantoches et marionnettes de l’impérialisme que sont les Contras.

Nous voulons vous remercier au nom du Burkina Faso révolutionnaire. Nous voulons vous remercier au nom de tous les pays progressistes et révolutionnaires qui sont présents ici. Nous voulons vous remercier, également, au nom de tous les partis frères qui sont ici.

Et nous disons avec vous :

A bas l’impérialisme !

A bas le :colonialisme !

A bas le néo-colonialisme !

A bas les exploiteurs des )peuples !

A bas les ennemis des Nicaraguayens !

Vive le Front sandiniste !

Gloire immortelle à Carlos Fonseca !

Gloire immortelle à l’amitié révolutionnaire entre les peuples !

No pasaràn !

No pasardn !

No pasarn

Muchas gracias.

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11 novembre 2010 4 11 /11 /novembre /2010 00:00

19 octobre 1986

 

Le 19 octobre 1986, l’avion qui ramène le président du Mozambique Samora Machel de Lusaka (Zambie) à sa capitale Maputo, est mystérieusement détourné de sa route et s’écrase sur le territoire de l’Afrique du Sud. Le discours de Sankara, ci-après, sur la mort de Samora Machel a été publié par l’hebdomadaire Carrefour africain du 31 octobre 1986.

 

Camarades militantes et militants, il ne s’agit pas aujourd’hui pour nous de pleurer mais d’avoir une attitude révolutionnaire face à cette situation tragique que provoque en nous la disparition de Samora Machel’. Nous ne devons pas pleurer pour e pas tomber dans le sentimentalisme. Le sentimentalisme ne sait pas interpréter la mort. Il se confond avec la vision messianique du monde, qui, attendant d’un seul homme la transformation de l’univers, provoque lamentation, découragement et abattement dès lors que cet homme vient à disparaître.

Il ne s’agit pas pour nous de pleurer non plus, pour ne pas nous confondre avec tous ces hypocrites, ces crocodiles et ces chiens qui ici et ailleurs font croire que la mort de Samora Machel provoque en eux la tristesse. Nous savons très bien qui est triste et qui se réjouit de la disparition de ce combattant. Nous ne voulons pas tomber dans cette compétition de cyniques qui décrètent par-ci par-là tant et tant de jours de deuil ; chacun essayant d’affirmer et d’afficher son abattement par des larmes que nous révolutionnaires devons interpréter à leur juste valeur.

Samora Machel est mort. En tant que révolutionnaires, cette mort doit nous édifier, nous fortifier en ce sens que les ennemis de notre révolution, les ennemis des peuples nous ont dévoilés une fois de plus une de leurs tactiques, un de leurs pièges. Nous avons découvert que l’ennemi sait abattre les combattants même quand ils sont dans les airs. Nous savons que l’ennemi peut profiter d’un moment d’inattention de notre part pour commettre ses odieux crimes.

De cette agression directe et barbare qui n’a pour seul but que de désorganiser la direction politique du Frelimo et de compromettre définitivement la lutte du peuple mozambicain mettant fin ainsi à l’espoir de tout un peuple, de plus d’un peuple, de tous les peuples tirons-en les leçons avec les frères mozambicains.

Nous disons à l’impérialisme et à tous nos ennemis que chaque fois qu’ils commettront de tels actes, ce sera autant d’enseignements qu’ils nous auront donnés, certes, pas gratuitement, mais d’une façon qui sera à la hauteur de ce que nous méritons. Hier les ennemis des peuples, les ennemis de la liberté des peuples avaient cru bien faire, avaient cru réussir [leur coup] en abattant lâchement, de façon barbare et par traîtrise,

Eduardo Mondlane’. Ils espéraient qu’ainsi, le drapeau de la lutte de libération tomberait dans la boue et que définitivement le peuple prendrait peur et renoncerait à la lutte.

Mais c’était compter sans cette détermination, sans cette volonté populaire de se libérer. C’était compter sans cette force spéciale qui existe chez les hommes et leur fait dire non malgré les balles et les pièges. C’était compter sans les combattants intrépides du Frelimo.

C’est dans ces conditions que Samora Machel a osé reprendre le drapeau que tenait Eduardo Mondlane dont nous gardons la mémoire. Immédiatement, Machel s’est imposé comme un leader, une force, une étoile qui guide et éclaire. Il a su faire profiter les autres de son internationalisme : il n’a pas combattu seulement au Mozambique ; mais aussi ailleurs et pour les autres.

Posons-nous la question aujourd’hui : qui a tué Samora Machel ? On nous parle d’enquêtes qui se mènent, d’experts qui se réuniront pour déterminer la cause de la mort de Machel. Déjà, l’Afrique du Sud, aidée par les radios impérialistes, essaie de faire passer la thèse de l’accident. On nous fait croire que des éclairs se seraient abattus sur l’avion. On nous fait croire qu’une erreur de pilotage aurait conduit l’avion là où il ne fallait pas.

Sans être pilotes ou experts en aéronautique, il y a une question que nous pouvons nous poser en toute logique : « Comment un avion volant à une si haute altitude a pu brusquement raser les arbres et se renverser, c’est-à-dire venir à moins de 200 mètres du sol ? »

On nous dit que le nombre de survivants est une preuve qu’il s’agit d’un accident et non d’un attentat. Mais, camarades, comment des passagers d’un avion, brutalement réveillés par le choc, peuvent-ils dire comment et pourquoi leur avion s’est renversé et s’est écrasé ?

Pour nous il s’agit purement et simplement de la continuation de la politique raciste des Blancs d’Afrique du Sud ; il s’agit d’une autre manifestation de l’impérialisme. Pour savoir qui a tué Samora Machel, demandons-nous qui se réjouit et qui a intérêt à ce que Machel ait été tué ? Nous trouvons côte à côte, main dans la main, d’abord les Blancs racistes d’Afrique du Sud que nous n’avons cessé de dénoncer. Nous trouvons à leurs côtés ces marionnettes, ces bandits armés du MNR, dit Mouvement national de résistance (Renamo). Résistance à quoi ? A la libération du peuple mozambicain, à la marche pour la liberté du peuple mozambicain et d’ailleurs, et à l’aide internationaliste que le Mozambique à travers le Frelimo apportait aux autres peuples.

Nous trouvons également les Jonas Savimbi’. Il doit se rendre en Europe. Nous avons protesté contre cela. Nous avons dit aux Européens, en particulier à la France que si elle a établi un visa d’entrée pour lutter contre le terrorisme, si elle recherche les terroristes, elle en a trouvé un : Jonas Savimbi. A leurs côtés nous trouvons les traîtres africains qui font transiter par chez eux des armes contre les peuples africains’. Enfin nous trouvons ces éléments qui crient ça et là paix mais déploient chaque jour leur intelligence, leurs énergies pour aider et soutenir les traîtres à la cause africaine.

Ce sont eux qui ont assassiné Samora Machel. Hélas, pour n’avoir pas apporté le soutien nécessaire à Samora Machel,nous autres Africains l’avons aussi livré à ses ennemis. En effet, lorsque, répondant à l’appel de l’Organisation de l’unité africaine, le Mozambique a rompu définitivement ses relations avec l’Afrique du Sud, qui au niveau de l’OUA l’a soutenu ? Pourtant le Mozambique, lié économiquement à l’Afrique du Sud connaissait d’énormes difficultés. Les Mozambicains ont lutté et résisté seuls contre l’Afrique du Sud. C’est pourquoi nous Africains au sein de l’OUA portons une lourde responsabilité dans la disparition de Samora Machel.

Les discours d’aujourd’hui ne seront jamais rien tant que nous n’essaierons pas dans le futur d’être plus conséquents dans nos résolutions. A Harare [au huitième Sommet du Mouvem t des pays non-alignés], le Burkina Faso a soutenu la même position. Il ne s’agit pas d’applaudir Robert Mugabe, de le présenter comme un ’gne fils du Non-alignement si quelques heures après notre départ, Afrique du Sud se mettant à bombarder le Zimbabwe, chacun de nous resterait douillettement dans sa capitale, se contentant d’envoyer des messages de soutien. Certains États nous avaient applaudi, d’autres avaient trouvé que nous allions trop loin. Aujourd’hui l’histoire nous donne raison : Quelque temps après le sommet des Non-alignés, l’Afrique du Sud a fait son sale boulot ; et nous voilà seulement dans des condamnations verbales.

C’est l’impérialisme qui organise, qui orchestre tous ces malheurs ; c’est lui qui a équipé et formé les racistes ; c’est lui qui leur a vendu des radars et des avions de chasse pour surveiller et abattre l’avion de Samora Machel. C’est également lui qui a mis des fantoches en Afrique pour lui communiquer des informations sur l’heure du décollage de l’avion et l’heure de son passage dans la zone. Et c’est encore lui qui essaie de tirer profit de la situation et qui déjà cherche à savoir qui va succéder à Samora Machel. C’est enfin lui qu’essaie de diviser les combattants mozambicains en les classant en modérés et en extrémistes.

Samora Machel était un grand ami de notre révolution, un grand soutien de notre révolution. Il le disait partout et le montrait dans ses attitudes vis-à-vis des délégations burkinabè. Nous avons été en contact avec lui pour la première fois à travers ses écrits sur la révolution. Nous avons lu et étudié les ouvrages de Machel et nous avons communié intellectuellement avec lui. La deuxième fois que nous l’avons connu, c’était à New-Delhi au sommet des Non-alignés. Il disait qu’il suivait la situation dans notre pays, mais était inquiet à cause de la volonté de domination de l’impérialisme.

Par la suite nous l’avons rencontré à Addis-Abeba deux fois. Nous avons discuté. Nous avons admiré cet homme qui n’a jamais baissé la tête, même après les accords de Nkomati dont il comprenait la portée tactique et que certains éléments opportunistes ont essayé d’exploiter contre lui en le faisant passer pour un lâche. La délégation burkinabè avait alors pris la parole pour dire que ceux qui attaquaient le Mozambique n’avaient pas droit à la parole tant qu’ils n’avaient pas pris les armes pour aller combattre en Afrique du Sud.

Nous l’avions beaucoup soutenu, mais il nous soutenait également. Au dernier sommet de l’OUA, lorsque la position burkinabè avait été attaquée par certains États, Machel avait pris la parole et dit que « s’ils n’avaient pas la reconnaissance et le courage d’applaudir le Burkina Faso, ils devaient au moins avoir honte et se taire ».

Nous nous sommes encore retrouvés chez lui à Maputo. Il nous a beaucoup aidé à comprendre la situation intérieure et extérieure extrêmement difficile dans laquelle il se trouvait. Tout le monde sait le rôle joué par Samora Machel au sein des pays de la Ligne de front.

Enfin nous l’avons retrouvé à Harare au dernier sommet des Non-alignés où nous avons eu de nombreuses conversations. Samora Machel se savait une cible de l’impérialisme. Il avait par ailleurs pris l’engagement de venir au Burkina Faso en 1987. Nous avions convenu d’échanger des délégations au niveau de nos CDR, de l’armée, de nos ministres, etc.

Tout cela doit nous servir de leçons. Nous devons nous tenir solidement, main dans la main avec les autres révolutionnaires parce que d’autres complots nous guettent, d’autres crimes sont en train d’être préparés.

Camarades, je voudrais vous inviter tous à accompagner de vos voeux la médaille, la distinction honorifique que nous conduirons au Mozambique pour décorer Samora Machel. Nous lui enverrons la plus haute distinction du Burkina Faso, de notre révolution ; parce que nous estimons que son oeuvre a contribué et contribue à l’avancée de notre révolution. Il mérite donc que nous lui décernions l’Étoile d’or du Nahouri.

En même temps je vous invite sur toute l’étendue de notre territoire à baptiser des carrefours, des immeubles, etc., du nom de Samora Machel parce qu’il l’aura mérité. Il faut que la postérité se souvienne de cet homme, de tout ce qu’il a fait pour son peuple et pour les autres peuples. Ainsi nous aurons matérialisé chez nous cette mémoire pour que d’autres hommes s’en souviennent éternellement.

Camarades, nous nous sommes réunis aujourd’hui pour réfléchir sur la disparition de Samora Machel ; demain il faudra avancer, il faudra vaincre.

La patrie ou la mort, nous vaincrons !

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11 novembre 2010 4 11 /11 /novembre /2010 00:00

17 novembre 1986

Cet échange dont un extrait filmé très fort est repris dans le film "L’Homme Intègre" de Robin Shuffield est assez célèbre pour la sincérité et la vérité avec laquelle Sankara s’adresse à Mitterrand qui a du improviser une réponse. Il a lieu alors que la droite a gagné les élections et que Chirac est redevenu premier ministre quelques mois auparavant. Il a eu lieu à Ouagagougou à l’occasion d’un diner durant la premireè visite officielle de Mitterrand au Burkina Faso.

Cet échange a aussi inspiré la pièce de théatre Mitterrand et Sankara de Jacques Jouet (voir lla présentation à l’adresse http://www.thomassankara.net/articl... et le texte à http://www.thomassankara.net/articl....)

Les animateurs du site.

 


 

 Discours de Thomas Sankara lors de la visite de François Mitterrand à Ouagadougou

Permettez-moi de m’adresser à notre illustre hôte, M. François Mitterrand, et à son épouse Madame Danielle Mitterrand.

Monsieur le président, lorsqu’il y a de cela quelques années, vous passiez par ici, ce pays s’appelait la Haute-Volta. Depuis, bien des choses ont changé et nous nous sommes proclamés Burkina Fa . C’est là tout un programme dans lequel est inscrit le code de l’honneur t de l’hospitalité. Et c’est pour cette raison que nous sommes sortis r vous souhaiter la bienvenue ici, au Burkina Faso, à l’occasion de votre brève escale à Ouagadougou.

C’est la malédiction pour celui chez qui jamais l’on ne frappe, celui chez qui jamais ne passe et ne s’arrête le voyageur assoiffé et affamé. Au contraire, et c’est notre cas, le voyageur s’est arrêté chez nous et, lorsque après la gorgée d’eau rafraîchissante, des forces sont venues, il a engagé le discours avec nous pour mieux nous connaître, pour mieux nous comprendre et emporter avec lui, chez lui, des souvenirs de chez nous.

Monsieur le président, il est difficile de dissocier l’homme d’État que vous êtes de l’homme tout court. Mais je voudrais dire avec insistance que nous accueillons ici François Mitterrand. Et c’est bien pour cette raison que chacun ici vous a témoigné, à sa manière, sa satisfaction, sa joie de saluer celui qui est venu pour voir et témoigner de sa bonne foi, de son objectivité, que quelque chose se fait quelque part sous le soleil d’Afrique, au Burkina Faso.

Le Burkina Faso est un chantier, un vaste chantier. Le temps ne nous a pas permis d’aller rendre visite et hommage à ces nombreux travailleurs ici et là, qui, chaque jour, s’entêtent à transformer le monde, à transformer un univers aride, difficile. Les victoires qu’ils viennent de remporter déjà nous permettent de dire que nous sommes loin du mythe du travail de Sisyphe. En effet, il faut mettre une pierre sur une autre, recommencer et encore recommencer. C’est dans ces conditions qu’aujourd’hui le Burkina Faso est fier d’avoir fait passer le taux de scolarisation de 10 pour cent à près de 22 pour cent, grâce à ces nombreuses écoles, à ces nombreuses classes que nous avons construites de nos mains, ici et maintenant. Nous avons pu réaliser de nombreux barrages, de nombreuses petites retenues d’eau qui, si elles ne sont pas de la taille de ces grands ouvrages dont on parle tant dans le monde, ont leurs mérites, et nous inspirent des motifs légitimes, je crois, de fierté.

C’est encore avec le courage de nos bras et la foi de nos coeurs que nous avons construit dans chaque village du Burkina Faso un poste de santé primaire. C’est avec détermination que nous avons vacciné des millions et des millions d’enfants de ce pays et des pays voisins. La liste serait longue, mais, hélas, elle ne suffirait pas à représenter un pas, un seul pas de notre programme vaste et ambitieux. C’est donc dire que la route est longue et très longue.

Monsieur François Mitterrand, venant au Burkina Faso, ce sont ces réalités que nous souhaitons que vous puissiez connaître. C’est cela que nous souhaitons que vous puissiez rapporter en France, et ailleurs. Dans le tumulte des luttes, dans la cacophonie des agressions, il est utile que des témoignages justes, sains et appropriés disent ce qui est. Et en vous choisissant comme interprète et porte-parole, nous voulons également souligner les combats constants qui ont animé votre carrière politique, votre vie tout court. Ces combats-là, nous les connaissons et ils nous inspirent également nous autres du Burkina Faso.

Vous aimez à parler, avec parfois entêtement dans certains milieux réfractaires, du droit des peuples. Vous aimez à parler, avec une lucidité que nous avons appréciée, de la dette. Vous aimez à parler également de la coopération, du Tiers Monde. C’est bien. Lorsque nous avons appris que Monsieur François Mitterrand allait fouler le sol du Burkina Faso, nous nous sommes dit que si le raisonnement nous écartait de l’élégance des propos, le sens du noble combat je veux parler des joutes oratoires saurait nous rapprocher, tant nous apprécions ceux chez qui le discours s’éloigne du négoce, des tractations, des combines et des magouilles.

Au Berri (province française), je crois, votre nom Mitterrand signifie terrain moyen ou peut-être mesureur de grains ? Dans tous les cas : homme de bon sens. Bon sens proche de ces hommes qui sont liés à la terre, la terre qui ne ment jamais. Qu’il s’agisse du grain, qu’il s’agisse du terrain, nous pensons que la constante est que vous resterez vous-même lié au terroir. C’est pourquoi, parlant du droit des peuples, thème qui vous est cher, nous disons que nous avons écouté, apprécié les appels que vous avez lancés et que vous avez répétés après mai 81.

Nous suivons et apprécions aussi chaque jour, les actes comme ils sont posés. La France est engagée avec les autres peuples du monde dans la lutte pour la paix et c’est pourquoi, à l’heure où nous nous rencontrons aujourd’hui, il convient de rappeler que d’autres, ailleurs, ignorent, et pour combien de temps, cette paix.

Il s’agit d’abord des Palestiniens. Les Palestiniens, des hommes et des femmes qui errent de part en part, bohémiens du sionisme. Ces hommes et ces femmes qui sont contraints de chercher refuge, ces hommes et ces femmes pour qui la nuit est une succession de cauchemars et le jour, une avalanche d’obus.

La paix c’est aussi le Nicaragua. Vous-même, dans un de vos discours, disiez avec force le soutien que vous apportiez au Nicaragua contre les minages de son port, contre toutes les actions qui sont dirigées, de l’extérieur, contre les Nicaraguayens. Vous-même, dans vos nombreux entretiens avec le commandant Ortega, avez eu à plaindre ce peuple qui n’en finit pas de souffrir et qui n’en finit pas de subir des actions de barbares qui ne sont pas venus de très loin, parce qu’ils sont Nicaraguayens, mais qui sont fortement appuyés par d’autres.

La paix, c’est aussi l’Iran et l’Irak. Combats fratricides complexes, incompréhensibles ; où l’on ne sait plus qui est dans quel camp, tant les imbrications sont nombreuses. Mais où l’on peut retenir simplement que ces armes dont les cliquetis signifient la mort chantent aussi la tristesse pour les femmes, les enfants, les vieillards, ces armes-là, sont fournies chaque jour par ceux qui se nourrissent du sang des autres, par ceux qui jubilent lorsque le fer tue et que le feu brûle.

La paix dans le monde, c’est également cette région tourmentée du Sud de l’Afrique. Comme si par un sort quelconque on y avait concentré des éléments incompatibles dans un cafouillage et dans des affrontements qui chaque jour se multiplient et s’agrandissent. Il n’y a pas longtemps, nous avons été consternés par la mort de Samora Machel. En même temps, nous y avons vu un message, une indication : la nécessité de lutter contre un ordre barbare, inique, rétrograde ; de lutter contre un ordre que les peuples civilisés et nous comptons la France parmi ces peuples-là ont le devoir de combattre pied à pied, qu’il s’agisse de sanctions économiques, qu’il s’agisse de mesures politiques et diplomatiques, qu’il s’agisse également de combats militaires directs et ouverts contre le racisme, l’apartheid en Afrique du Sud.

C’est dans ce contexte, Monsieur François Mitterrand, que nous n’avons pas compris comment des bandits, comme Jonas Savimbi, des tueurs comme Pieter Botha, ont eu le droit de parcourir la France si belle et si propre. Ils l’ont tachée de leurs mains et de leurs pieds couverts de sang. Et tous ceux qui leur ont permis de poser ces actes en porteront l’entière responsabilité ici et ailleurs, aujourd’hui et toujours.

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Nous savons que de nombreux débats ont été engagés autour de cette question, et nous connaissons les positions des uns et des autres. Mais enfin, pour nous la tristesse est immense. Ces hommes-là n’ont pas le droit de parler de compatriotes morts pour la paix parce qu’ils ne connaissent pas la paix. Ceux qui sont morts pour la paix sont en train de reposer en paix et ensemble chaque jour nous faisons en sorte que leur mémoire se perpétue grâce aux actes que nous essayons chacun de poser dans ce sens-là.

La paix dans le monde c’est aussi la République arabe sahraouie démocratique, où et nous ne comprenons pas un peuple, le peuple ahraoui, n’a toujours pas pu, n’a toujours pas trouvé comment s’autodéterminer, parce que des oppositions fortement soutenues, appuyées, s’intercalent, s’interposent. la paix c’est, également dans cette région, la Libye bombardée, des maisons détruites mais surtout un carnage inutile qui n’aura même pas permis à leurs auteurs d’aboutir, d’arriver à leurs fins, tout en privant ceux-là de leurs plus proches parents, de leurs amis, et de leurs réalisations.

La paix c’est aussi le Tchad. Le Tchad, pour lequel les constructions et les destructions se succèdent. Le Tchad pour lequel les opérations, les expéditions aussi se succèdent. Le Tchad ne trouvera jamais la paix, le bonheur et le développement par conséquent, tant que les Tchadiens eux-mêmes n’auront pas eu le loisir de se choisir une voie, et un chemin de construction nationale.

Pour toutes ces « zones de tempêtes », et pour bien d’autres, je crois, Monsieur le président, que vos efforts ne peuvent qu’être d’un puissant secours, en raison de l’importance de votre pays ; en raison aussi de l’implication directe ou indirecte, de votre pays dans ces zones-là. Je voudrais vous assurer que pour notre part, au Burkina Faso, nous sommes tout à fait disposés à tendre la main, à prêter notre concours à qui nous le demandera, pour peu que le combat que nous devons mener soit un combat qui nous rappelle la France de 1789. C’est pour cette raison que je voudrais vous dire que le Burkina Faso est prêt à signer avec la France un accord de défense, pour permettre à toutes ces armes que vous possédez de venir stationner ici, afin de continuer là-bas à Prétoria où la paix nous réclame.

Monsieur le président, je voudrais continuer à m’adresser à l’homme. Vous parlez beaucoup, souvent, de la dette, du développement de nos pays, des difficultés que nous rencontrons dans des forums internationaux comme la rencontre des Grands (les "7 pays industrialisés") à Tokyo. Vous y auriez défendu notre cause, nous vous en savons gré. Nous vous demandons de continuer à le faire, parce que, aujourd’hui, nous sommes victimes des erreurs, des inconséquences des autres.

L’on veut nous faire payer doublement des actes pour lesquels nous n’avons pas été engagés. Notre responsabilité n’a été nullement engagée dans ces prêts, ces endettements d’hier. Ils nous ont été conseillés et octroyés dans des conditions que nous ne connaissons plus. Sauf qu’aujourd’hui, nous devons subir et subir. Mais pour nous, ces questions ne se résoudront jamais par des incantations, des jérémiades, des supplications et des discours.

Au contraire, ces détours risquent d’avoir la lourde conséquence d’endormir la conscience des peuples qui doivent lutter pour s’affranchir de cette domination, de ces formes de domination. Vous-même avez écrit quelque part dans les nombreuses pages que vous avez offertes à la littérature française que tout prisonnier aspire à la liberté, que seul le combat libère.

Ensemble, organisons-nous et barrons la route à l’exploitation, ensemble organisons-nous, vous de là-bas et nous d’ici, contre ces temples de l’argent. Aucun autel, aucune croyance, aucun livre saint ni le Coran ni la Bible ni les autres, n’ont jamais pu réconcilier le riche et le pauvre, l’exploitateur et l’exploité. Et si Jésus lui-même a dû prendre le fouet pour les chasser de son temple, c’est bien parce qu’ils n’entendent que ce langage.

Monsieur le président, parlant de la coopération entre la France et le Tiers Monde, mais principalement entre la France et le Burkina Faso, je voudrais vous dire que nous accueillons à bras ouverts tous ceux qui, passant par ici, acceptent de venir contribuer avec nous à la réussite de ce vaste chantier qu’est le Burkina Faso.

En ce sens, la France sera toujours la bienvenue chez nous. Elle sera toujours la bienvenue dans des formes qu’il nous convient d’imaginer plus souples et qui rapprocheront davantage Français et Burkinabè. Nous ne demandons pas une aide qui éloignerait les Burkinabè des Français, ci serait une condamnation face à l’Histoire. Nous ne demandons pas, comme cela a été le cas déjà, que des autoançaises viennent s’acoquiner avec des autorités burkinabè, africaines, et que seulement quelques années plus tard, l’opinion française, à travers sa presse se répande en condamnations de ce qui s’appelait aide, mais qui n’était que calvaire, supplice pour les peuples

Il y a quelque temps, une certaine idée était née en France, que l’on nommait le cartiérisme. Le cartiérisme, hélas, a pu s’imposer à cause aussi de l’incapacité d’Africains qui n’ont pas su valoriser la coopération entre la France et les pays africains.

C’est donc dire que les torts sont partagés. Dans notre « Chant de la victoire » notre hymne national ceux-là, qui portent l’entière responsabilité ici, en Afrique, nous les appelons les valets locaux. Parce que soumis à un maître, ils exécutaient ici sans comprendre des actes, des ordres qui allaient contre leur peuple.

Monsieur le président, vous avez écrit quelque part qu’à l’heure actuelle, l’aide de la France baisse. Et que, hélas, ajoutiez-vous, cette aide évolue au gré des ambitions politiques de la France et comble de malheur « pour le comble », pardon, avez-vous dit et souligné ce sont les capitalistes qui en profitent. Eh bien, nous croyons que cela est également juste. Vous l’auriez écrit, je crois, dans cet ouvrage ma part de vérité. Cette parcelle de vérité est une vérité. Ce sont effectivement les capitalistes qui en profitent, et nous sommes prêts pour qu’ensemble nous luttions contre eux.

Monsieur le président, nous avons hâte de vous entendre, de vous entendre nous dire ce que vous retenez de ces quelques heures passées au Burkina Faso. De vous entendre aussi nous dire ce que signifie ce périple qui finit ici au Burkina Faso. En six jours vous aurez parcouru une bonne partie de l’Afrique ; le septième jour, vous vous reposerez.

Nous voulons avoir une pensée pour tous ceux qui, en France, oeuvrent sincèrement pour rapprocher des peuples lointains comme ces peuples d’Afrique, comme ce peuple du Burkina Faso, avec ce peuple français, courageux et aux grandes valeurs. Nous voulons penser, nous voulons adresser nos pensées à tous ceux qui, là-bas, sont chaque jour meurtris dans leur chair, dans leur âme, parce que çà et là un Noir, un Étranger, en France, aura été victime d’une action barbare sans égard pour sa dignité d’homme.

Nous savons qu’en France beaucoup de Français souffrent de voir cela. Vous avez, vous-même dit clairement ce que vous pensiez de certaines décisions récentes, comme ces expulsions de nos frères maliens’. Nous sommes blessés qu’ils aient été expulsés et nous vous sommes reconnaissants de n’avoir pas cautionné de telles décisions, de tels actes révolus.

Les immigrés en France, s’ils y sont pour leur bonheur, comme tout homme en quête d’horizons, de rivages meilleurs, ils aident et construisent également la France pour les Français. Une France qui, comme toujours, a accueilli sur son sol les combattants de la liberté de tous les pays.

Ici, au Burkina Faso, des Français luttent de façon sérieuse aux côtés des Burkinabè, bien souvent dans des Organisations non gouvernementales. Bien que toutes ces Organisations non gouvernementales, il faut le dire, ne représentent pas pour nous des institutions fréquentables certaines sont purement et simplement des officines condamnables il y en a de grand mérite. Et celles-là nous permettent de mieux connaître la France, de mieux connaître les Français. Nous pensons également à ceux-là. Nous pensons aussi à tous ceux qui comptent sur une action conjuguée, pour un monde meilleur.

Chaque année, de façon rituelle, et avec la précision d’un métronome, vous allez à Solutré’. Vous y allez de façon constante, et l’observation de ces actes répétitifs nous enseigne qu’il faut prendre « le grand vent de l’effort, la halte de l’amitié et l’unité de l’esprit ». Cela aussi, c’est vous qui l’avez écrit. Je vous l’emprunte. Nous espérons que vous emporterez avec vous, en France, ce sentiment de l’amitié et que votre halte à Ouagadougou aura été une halte de l’amitié.

C’est pour cela que je voudrais vous demander, Monsieur le président, Madame, Messieurs, de lever nos verres pour boire à l’amitié entre le peuple français et le peuple du Burkina Faso. Boire à l’amitié et à l’union de luttes contre ceux qui, ici, en France et ailleurs, nous exploitent et nous oppriment. Pour le triomphe de causes justes, pour le triomphe d’une liberté plus grande, pour le triomphe d’un plus grand bonheur.

La patrie ou la mort, nous vaincrons ! Merci.

 


 

La réponse de François MItterrand

Monsier le Président, Madame, Mesdames et Messieurs

Je saisirai au vol les derniers propos du Président SANKARA qui me demandait la raison principale de mon voyage en BURKINA FASO. Je répondrai d’emblée : nous sommes venus ici par amitié pour ce peuple ; nous sommes venus ici par fidélité à l’histoire ; nous sommes venus ici par intérêt pour ce qui s’y déroule.

Rien ne peut remplacer cette observation directe et personnelle ; et je serai loin de regretter notre passage sinon pour estimer qu’il était trop rapide. Ce que nous aurons vu et entendu fera partie des choses fortes que nous retirerons de ce voyage dans quatre pays d’Afrique, Guinée, Togo, Mali, Burkina Faso.

Je vais d’abord, Monsieur le Président, Madame, vous remercier des conditions dans lesquelles, depuis ce matin, vous nous avez reçus, vous, les habitants de OUAGADOUGOU, d’autres encore qui se pressaient le long des avenues pour célébrer, non pas tant le Président de la République Française, que la France et son peuple.

Vous avez posé ce soir un certain nombre d’interrogations ou d’affirmations qui touchent à la politique internationale. Je me permettrai de faire connaître mon point de vue, méthodiquement : politique internationale directement autour du problème de la paix, politique internationale autour de cet autre problème fondamental, qui n’est pas indépendant de la paix, et qui s’appelle le développement.

Les problèmes de la paix ! ... il est difficile d’échapper aux passions, aux entraînements des passions et parfois même aux excès de sa propre logique : je m’en méfie en tout cas pour moi-même. Mais il est quelques principes simples auxquels on peut toujours se reporter. Et parmi ceux qui commandent les décisions de la France dans ses choix internationaux, l’un se distingue tout aussitôt et qui s’appelle, vous l’avez dit vous-même, "le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes". C’est par rapport à cette règle, à cet instrument, de mesure, que nous distinguons ce qu’il convient de faire de ce qu’il convient d’éviter.

Ce n’est pas toujours aisé. Il est parfois très difficile de se placer dans l’esprit de ceux qui s’engagent dans des guerres, de ceux qui veulent dominer ou de ceux qui veulent se défendre. Les situations historiques sont rarement aussi claires, et l’on se trouve souvent devant un mélange fondé par des conflits séculaires, ce qui fait que parfois, on ne sait plus où se trouve le droit.

Alors, allons vers des choses simples : le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Vous avez cité un certain nombre de ces conflits. Il en est d’autres, mais ceux que vous avez cités s’imposent à l’esprit.

Quand nous voulons défendre le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et que nous parlons de l’Asie, en Asie, qu’est-ce que nous recherchons ? Vous avez parlé des Palestiniens : le problème est très complexe, souvent plus complexe qu’ailleurs puisque deux peuples réclament la même terre, au nom de deux histoires, au nom de croyances dans un Dieu et dans un autre, au nom de revendications historiques qui se contredisent et se complètent.

Mais puisque j’ai parlé de choses simples, observons que ce droit a été bâti au travers de ce dernier demi-siècle par des institutions internationales que nous reconnaissons et auxquelles nous appartenons. Le droit d’Israël à exister derrière des frontières sûres et reconnues - c’est l’expression retenue par les Nations Unies - a été tranché au lendemain de la deuxième guerre mondiale. La plupart des pays du monde l’ont aussitôt accepté. La France n’a pas été la première puisque le premier arrivé pour cette reconnaissance, cela a été, vous le savez, l’Union Soviétique. On peut donc estimer qu’il y a eu consentement général, sauf, bien entendu, de la part des pays directement intéressés dans le Proche Orient et le Moyen Orient, un consentement général pour garantir l’existence d’Israël.

Tout aussitôt. en raison du conflit sans cesse renaissant dans cette région du monde, d’autres règles ont été définies qui ont reconnu au peuple palestinien les droits à une patrie et le droit de s’organiser sur une terre selon leurs propres lois.

J’ai dit la difficulté que supposait ce raisonnement. La France a cependant toujours voté, aux Nations Unies, les résolutions qui ont reconnu aux Palestiniens la terre, le droit à la patrie, le droit des décisions souveraines sur la terre de leur patrie.

Des guerres se sont déroulées. La France a maintenu sa position et a constamment refusé que le seul droit de conquête puisse être le fondement définitif du droit. Je répète, il ne faut pas dissimuler la difficulté : l’histoire n’est faite que de passions brûlantes, et sans vouloir faire la

leçon à personne, ce que je vous dis là, M. le Président et vous, Mesdames et Messieurs, je l’ai dit à la tribune de la KNESSET, devant les députés du peuple d’Israël. J’ai dit à la fois que les Palestiniens avaient le droit à leur patrie et qu’ils avaient le droit de fonder des structures étatiques - j’ai ajouté que si l’O.L.P. ne s’identifiait pas a l’ensemble des forces, elle s’identifiait à la force combattante puisqu’elle avait rassemblé en son sein la plupart des fractions disposée à combattre.

Je n’ai aucune peine à le répéter, parce que c’est le fond de ma pensée. Elle n’a pas changé. Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes doit conduire, dans cette région, à une ligne de partage très difficile à dessiner sur la carte, dès lors que l’on reconnaît à Israël le droit d’exister et aux Palestiniens le droit de fonder leur propre patrie.

C’est vrai que ce peuple, chassé de partout, représente aujourd’hui une errance proprement intolérable. La France, en diverses occasions – fameuses je crois, notamment au Liban - est le pays du monde qui s’est préoccupé le plus du sort de ces éternels émigrants : à Beyrouth, une première fois, 4000 Palestiniens ont été épargnés de la mort par nos soins ; une deuxième fois à Tripoli (Tripoli du Liban) , nous avons sauvé, en compagnie de la Grèce, 4000 Palestiniens victimes de combats fratricides. Et nous avons des relations avec l’O.L.P. qui dispose d’une permanence à Paris depuis déjà de longues années, avant même que je ne fusse moi-même Président de la République.

Voilà un problème compliqué, mais que l’on peut résoudre dans son esprit, avec droiture, de façon simple : le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

Mais ce raisonnement s’applique à toute terre disputée. Pour l’Irak et l’Iran, ne nous faisons pas historien : on peut, en effet, disputer du point de savoir qui véritablement a déclenché cette guerre. Mais, nous savons bien que nous nous trouvons à l’une des frontières du monde, que déjà dans l’histoire d’avant l’histoire se trouvaient là des peuples qui avaient exactement fixé leurs limites sur le Chott El Aram. Entre ces deux mondes si puissants, si vivants, qui ont occupé, qui occupent encore une telle place dans l’histoire, l’affrontement guerrier s’est substitué à l’affrontement pacifique qui avait souvent prévalu.

Il serait très important que l’ensemble des pays du monde se concerte, pour donner conseil - conseils amicaux – aux deux pays belligérants pour qu’ils acceptent, au moins, de vivre de chaque côté de cette frontière historique, millénaire, sans prétendre exercer je ne sais quel droit sur la possession d’autrui. Si cela était consenti, nous serions déjà en grand progrès : chacun de ces peuples disposerait de lui-même, sur sa terre.

On pourrait appliquer exactement le même raisonnement - mais cela nous mènerait très loin dans les explications historiques - au Cambodge et à l’Afghanistan. Ce sont des peuples qui ont le droit, comme les autres, de disposer d’eux-mêmes : Si nous n’avons jamais accepté le génocide qui s’est produit au Cambodge et qui a été à l’origine des désastres qu’il connaît aujourd’hui, il n’en reste pas moins qu’aucun autre pays n’est en droit de se charger lui-même de régler les comptes et de déterminer que sa présence, étrangère, sera le seul garant de l’ordre.

De la même façon, on sait bien qu’au cours de ces dernières décennies l’influence de l’Union Soviétique s’exerçait en Afghanistan. On s’est même étonné que cette influence s’exerçant, elle ait été contrainte, finalement, à intervenir militairement alors que s’étaient successivement affrontés les responsables politiques qui s’étaient inscrits dans le cadre de l’influence soviétique. Mais la limite est atteinte. C’est à ce peuple de se prononcer et je fais confiance au Secrétaire Général des Nations Unies, à M. PEREZ DE CUELLAR qui fut naguère comme Secrétaire Général Adjoint, chargé d’un rapport sur le problème de l’Afghanistan, de proposer les mesures qui devraient permettre à un peuple libéré de toute occupation, de décider lui-même par le suffrage universel, de ce qu’il entend faire de lui-même.

Ce n’est qu’un conseil que je lui donne : lui seul peut décider d’aller vers la neutralité qui lui permettrait d’échapper à la politique des blocs.

Je prendrai le même raisonnement pour l’Amérique Centrale. Vous avez raison de rappeler que l’ai toujours protesté contre les interventions étrangères. Dès ma première rencontre avec le Président REAGAN - au sommet d’OTTAWA - j’avais développé une thèse selon laquelle il ne me paraissait pas acceptable que, dans le cadre de l’Alliance Atlantique, d’autres pussent se substituer aux peuples d’Amérique Latine pour décider de leur destin. J’ai donc reçu à diverses reprises - et j’agirai de même à l’avenir - le Président ORTEGA qui représentait et qui représente encore ce peuple.

Cela est dit, cela est clair. Les pays d’Amérique Latine se sont organisés dans deux groupes qui se sont rejoints : le groupe de CONTADORA et le groupe de LIMA. L’un et l’autre estiment que les pays d’Amérique Latine doivent cesser d’être là pour des ambitions et des intrigues extérieures : nous approuvons les définitions de ces deux groupes. Nous avons considéré que la ligne au-dessous de laquelle nous ne pourrions agir c’est celle définie par les peuples d’Amérique Latine eux-mêmes. Notre position reste donc logique avec elle-même.

Le même raisonnement s’appliquerait pour l’Afrique. Vous avez cité le cas le plus typique, le plus évident et le plus dramatique, celui de l’Afrique Australe. Avant d’aborder le problème de l’Apartheid, examinons le cas de la Namibie. La Namibie a le droit d’être, le droit d’exister en tant qu’Etat ; et le peuple namibien a tout autant que ses voisins, le droit de s’affirmer. La France a fait partie du Groupe des Cinq, chargé de rechercher les moyens d’équilibrer les chances, de donner en tout cas ses chances à ce peuple. Le Gouvernement de la France ne s’est jamais départi de cette attitude, et il s’est même éloigné de ce Groupe des Cinq, dès qu’il s’est aperçu que ses partenaires n’étaient pas désireux d’aboutir.

Nous considérons que les populations de Namibie doivent être mises en mesure, par leur propre force et par la compréhension des Etats étrangers, de se gérer elles-mêmes en cessant d’être simplement un jouet dans les mains de plus forts qu’eux aujourd’hui : je veux dire de leurs voisins d’Afrique du Sud.

Quant à l’Afrique du Sud elle-même, elle a un grand peuple. Ce peuple est composé d’une forte majorité de noirs et d’une minorité active et vaillante, mais souvent intolérante, de blancs. Il faut que ce pays s’organise lui-même, pour que le droit de chacun soit reconnu. Il faut que ce droit ne puisse être confondu à aucun moment avec le droit, soit de la majorité ethnique, soit de la minorité. C’est en ce sens que la France refuse l’apartheid et le condamne absolument, sans avoir besoin de hausser la voix, sans excès de langage, mais avec une fermeté de pensée qui entraîne la fermeté d’action : au sommet européen de La Haye, la France a maintenu le cap, et douze pays sur douze ont finalement voté des sanctions, en dépit des réticences de quelques grands pays, réticences que vous connaissez et que je n’ai pas à analyser ici.

L’Afrique du Sud a un comportement humainement intolérable, politiquement insupportable et finalement fort imprudent pour la population minoritaire qui exerce l’essentiel du pouvoir. L’apartheid doit être condamné, et il n’y a pas besoin de toute une série d’épithètes pour prononcer cette condamnation : l’apartheid est inacceptable et doit être combattu. Dans toutes les assemblées, la France devra continuer à refuser ce manquement catégorique, non seulement aux droits des peuples à disposer d’eux-mêmes, mais simplement aux droits de l’homme.

Là où il semble que nous nous séparions, c’est lorsque vous condamnez le passage en France de M. BOTHA et celui de M. SAWIMBI. Mais, M. le Président, je tiens à vous le dire : la France est un pays ouvert ! Qui que ce soit au monde, sauf s’il est coupable de crimes de droit commun, en dehors de toute appréciation politique, s’il veut venir en France, il peut y venir !

Le problème essentiel ne se situe pas là. Le problème essentiel se pose lorsque les personnalités étrangères qui viennent sur le sol de France demandent qu’il leur soit réservé un accueil officiel, un accueil reconnaissant ce qu’ils sont et la politique qu’ils font. Nous nous sommes toujours refusés à cela.

M. BOTHA était déjà venu en France en 1983 ; le problème s’était déjà posé. Je n’ai pas jugé utile de refuser à M. BOTHA d’aller s’incliner dans un cimetière où reposent des soldats sud-africains tombés au côté de nos propres combattants, pour la liberté de notre propre pays. Je ne me suis pas senti le droit de refuser à un homme de s’incliner devant le souvenir des siens. Mais, la reconnaissance de ces faits s’adresse aux morts sud-africains, pas à M. BOTHA. Je n’aurais pas compris qu’on lui fermât la frontière : si on s’engageait sur ce terrain M. le Président, - croyez-moi - si l’on se mettait à interpréter les sentiments et les politiques des uns et des autres, à élaborer des critères sélectifs, on tomberait très rapidement dans des définitions a priori qui ne seraient pas heureuses pour les relations internationales.

Il faut donc distinguer les démarches privées - celle de M. BOTHA – des démarches publiques - précisément celles que le Gouvernement français a refusées à M. BOTHA. Soyons justes, tout simplement.

Le problème de M. SAWIMBI est d’une nature différente. Il est angolais, il lutte en Angola contre le Gouvernement légitime, reconnu par l’ensemble des Nations. Et là se trouve la jonction avec les problèmes de l’Afrique du Sud : il s’appuie sur la force de l’Afrique du Sud pour soutenir sa révolte.

Voilà je crois, posée en termes honnêtes, la position de M. SAWIMBI. Mais ce n’est pas avec M. SAWIMBI que nous avons reconnu l’Etat d’Angola : c’est avec le Gouvernement angolais ! Le Président DOS SANTOS est d’ailleurs convié à se rendre en France : il m’a fait dire, il y a 48 heures, qu’il s’y rendrait au début de l’année prochaine et qu’il s’y serait déjà rendu s’il n’était pas allé s’incliner, comme beaucoup d’autres, devant le cercueil de SAMORA MACHEL, à MAPUTO. Ce n’est donc pas M. SAWIMBI qui a été invité à venir à Paris, c’est M. DOS SANTOS, le représentant du pouvoir régulier. Il ne faut pas confondre ! Il est venu en France ? Oui ; invité par une institution internationale.

Et c’est là qu’intervient une autre analyse. Si un pays qui dispose sur son sol de la présence d’institutions internationales - et il y en a beaucoup sur le sol de la France, en particulier le Parlement Européen à Strasbourg et l’UNESCO à Paris - se met dans la situation d’avoir à contrôler les invitations de ces institutions, ou à organiser un tri parmi les personnalités qui s’y rendent, invitées ou pas, vous voyez le danger : il ne va plus y avoir aucune institution internationale, nulle part. Ou alors, il faudrait être en mesure de décréter que seul un pays neutre, totalement neutre, et qui serait par définition un petit pays, serait le seul à voir s’édifier sur son sol les immeubles des sociétés internationales. Prenez le cas, par exemple de l’O.N.U. qui se trouve à NEW YORK : si les Américains - ils ont dû essayer de le faire quelquefois – se mettaient désormais en mesure de dire "celui-ci viendra, celui-là ne viendra pas", que resterait-il de l’Organisation des Nations Unies ? des lambeaux, des décombres... Il y a longtemps que le système aurait sauté !

Ou alors, les Nations Unies auraient dit : "changeons de place, retournons à Genève ! ou allons à HELSINKI ! ou "partons encore un peu plus loin !"... Que sais-je encore ?... Je ne suis pas ici en train de choisir le lieu où il faudrait se rendre... Je dis simplement que l’Organisation des Nations Unies se serait déjà brisée sur cette prétention des Etats-Unis d’Amérique à décider qui pourrait se rendre à l’O.N.U. et qui ne pourrait pas s’y rendre.

C’est exactement la même chose pour nous : nous n’avons strictement rien à voir dans le choix des invitations ou des invitations supposées, d’ailleurs, puisque finalement l’invitation a été repoussée par la majorité des parlementaires européens. Et Strasbourg, c’est en France ; et quand on est en France, à Strasbourg, on peut prendre le train, ou l’avion, et aller ailleurs. La France n’a pas du tout l’intention d’exercer, à l’égard de quiconque, une sorte de droit de regard sur ses occupations, sur ses voyages, sur ces déplacements.

Là où je suis intervenu - vous avez bien voulu rappeler mes propos - c’est qu’à un moment donné, M. SAWIMBI a eu un contact avec des personnalités qui remplissent des fonctions officielles. Il y avait deux cas : soit les personnalités qui remplissent des fonctions officielles n’appartenaient pas à l’exécutif, et il n’y a pas de ma part, à avoir de droit de regard sur leurs actes ; soit elles appartiennent à l’exécutif, et elles n’étaient pas spécialement qualifiées pour accepter cette visite.

Voilà ; mon observation s’arrête là.

Mais elle ne revient pas sur le droit accordé à tous visiteurs "à titre privé" d’exercer les activités de son choix. La France a été digne en refusant toute estampille officielle au voyage de M. BOTHA, et l’exécutif, dans son ensemble, a agi. de même avec M. SAWIMBI. Et dans la mesure où, de temps à autre, il y a manquement, je suis le premier à le déplorer. Je me trouve donc très à l’aise, ce soir à OUAGADOUGOU, pour répondre à vos questions pressantes.

Continuons : les conflits en Afrique sont malheureusement nombreux. Vous avez parlé de la R.A.S.D., c’est-à-dire de la lutte du Polisario pour le droit du Sahara Occidental à  l’autodétermination, pour le droit de ce peuple -, comme les autres peuples d’Afrique, à disposer de lui-même. Notre position, reconnue, est celle-ci : il appartient aux populations du Sahara Occidental de se déterminer elles-mêmes ; c’est-à-dire de voter, par le moyen d’un référendum, pour savoir quel est le statut de leur préférence. Bien entendu, cela doit s’exercer sous contrôle international. Nous avons proposé l’Organisation de l’Unité Africaine à laquelle vous appartenez, ou bien l’Organisation des Nations Unies à laquelle vous appartenez aussi.  Que les deux antagonistes choisissent ! Nous n’avons pas à leur imposer d’organisation internationale. Aujourd’hui, il semble que la préférence soit donnée à l’Organisation des Nations Unies. Celle-ci arbitrera, où plutôt, elle aura à veiller au contrôle de la régularité de ce choix. Car les chiffres cités de part et d’autre sont assez fantaisistes et il est donc normal qu’un contrôle se fasse comme dans chacun de nos pays : lorsqu’il y a élection, on vérifie l’identité des électeurs. C’est tout simple.

Cette ligne de conduite que je viens de définir s’applique à chacun des cas, avec une complexité évidente dans le Proche-Orient, et avec une clarté limpide partout ailleurs, dans tous les autres cas que j’ai cités.

Au Tchad, le problème se pose de la même façon : les Tchadiens se font battre et il y a des étrangers. Quels étrangers ? Des Français et des Libyens.

Les Libyens et les Français se sont entendus, il y a quelques années, pour se retirer, l’un et l’autre, et laisser les Tchadiens disposer de leur terre. L’un de ces deux pays a respecté sa parole, et s’est retiré ; l’autre ne l’a pas fait et il est resté : c’est la Libye. Cela aurait pu conduire à un conflit. Sagement je crois, la France a estimé, à la demande du Gouvernement légitime reconnu par les institutions internationales, qu’il fallait donner un coup d’arrêt et s’organiser pour qu’il soit impossible aux pays étrangers de s’emparer et de conquérir le  Tchad.

Aujourd’hui, il semble que l’évolution de ce conflit conduise la plupart des forces reconnues et antagonistes du Tchad à se réconcilier. Ce qui avait un aspect réel de guerre civile (les deux camps se faisaient soutenir par des pays étrangers) tend à devenir une guerre des Tchadiens contre une occupation étrangère. A partir de là, le droit est simple. Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes exigerait le départ de toute armée étrangère et d’abord de l’armée qui ne s’est pas inclinée devant le contrat qui engage sa propre parole : c’est-à-dire l’armée libyenne.

Je puis vous garantir que l’armée française n’attend que l’occasion de rentrer chez elle, d’autant plus qu’elle n’a aucune intention, aucune ambition et qu’elle considère que le Tchad, c’est le Tchad. La France n’a d’ailleurs pas d’accord de défense, pas de traité d’alliance avec le Tchad.

C’est dire à quel point sa décision est libre. Que l’on m’entende bien ! La France ne demande qu’à retirer ses forces, mais à la condition que les Tchadiens puissent déterminer eux-mêmes leur sort et administrer leur territoire pour aboutir, le plus vite possible, à une détermination par le peuple lui-même.

Le Président SANKARA m’a conduit à vous parler de sujets sérieux qui dépassent les simples réponses de politesse, de courtoisie ou d’amitié ; il a posé des problèmes politiques très sérieux, très réels et je l’en remercie ; après tout, le fait qu’il ait procédé ainsi me permet de le faire moi-même sans risquer d’être désobligeant en quoi que ce soit.

Le principe qui nous anime peut apporter une solution à chacun de ces conflits :

. Au Tchad, que la Libye s’en aille.

. En Afrique Australe, que la Namibie devienne indépendante.

.En Afrique du Sud, que le droit des personnes permette à ce peuple d’exercer, dans sa globalité, ses droits à se déterminer lui-même.

. Au Sahara Occidental, que la population, vérifiée par les Nations Unies, vote, se détermine et dise ce qu’elle veut être.

Que le Gouvernement de Phnom Penh se retire et qu’il laisse l’ensemble des forces cambodgiennes débattre entre elles de ce qui leur convient.

Que les populations afghanes soient consultées.

Qu’Israël se soumette à des voies internationales pour reconnaître aux Palestiniens le droit d’exister sur une terre qui soit la leur.

Que le droit d’Israël soit reconnu et garanti.

Que le Nicaragua s’administre, et qu’il ne soit pas obligé d’acquérir des armes, de chercher des soutiens extérieurs, de s’engager dans le dommageable conflit Est/Ouest.

Vous le savez bien, monsieur le Président, partout où un conflit régional dure et se perpétue, la décision finale échappe à ceux qui combattent dans les deux camps et finit par appartenir aux plus puissants, c’est-à-dire aux deux camps qui se partagent l’Est et l’ouest. Personnellement, je trouve que c’est dommageable ; et je ne souhaite pas que, pour survivre, l’Afrique soit prise dans ce dilemme : être obligée de choisir le camp américain ou le camp soviétique. Elle choisira, je pense, le camp africain.

Je vous donne très franchement et très librement la ligne de conduite qui m’anime. Mais il est un point qu’il faudrait ajouter. Vous avez parlé de la paix - et vous avec eu raison - et donc vous avez parlé de guerre : la dialectique l’imposait. Mais il est une autre guerre, c’est celle du terrorisme... Le terrorisme vise des innocents ; il doit être mis hors la loi ; il exige une discipline internationale parce qu’il cherche - c’est le mot même, c’est sa définition - à inspirer la terreur. Pas simplement la terreur à ceux qu’il veut combattre directement, mais la terreur à tout un peuple qui, vivant dans l’angoisse pense-t-on - s’inclinera. Un peuple qui pourrait se soumettre à cette poignée d’illuminés fanatiques, de criminels, cela n’est pas pensable.

Je dis "cela n’arrive pas, cela n’arrivera pas" ; mais, pendant ce temps-là, le crime continu. Ce soir encore, au moment où je descendais pour vous rencontrer, Monsieur le Président, j’apprenais que le terrorisme venait, de nouveau d’exercer son crime à Paris, en frappant une personnalité qui n’est aucunement mêlée à la politique et dont les remarquables qualités humaines et professionnelles en faisaient l’un des Français situé, selon moi, au premier rang de ceux qui méritaient estime et affection.

Quiconque soutient le terrorisme - organisation ou Etat - doit être frappé du désaveu universel, doit être considéré avec mépris, doit être sanctionné et doit être puni.

Vous savez bien que le terrorisme est contagieux, que si l’on marque, ici, une faiblesse, il se sentira fort ailleurs ; et que la maladie mortelle s’étendra au reste de l’humanité.

Mais revenons-en au principe d’autodétermination des peuples. C’est lui qui m’a inspiré lorsque, jeune responsable comme vous l’êtes aujourd’hui, j’ai abordé les problèmes de l’Afrique. Je devais avoir à peu près l’âge que vous avez et les hasards de la vie m’avaient permis de m’occuper du destin d’une partie de l’Afrique de l’époque coloniale. Je crois avoir compris - je n’ai pas été le seul - qu’il fallait que ces peuples puissent se déterminer eux-mêmes si l’on voulait assurer l’harmonie future et répondre aux principes du droit que je viens d’évoquer. C’est alors qu’a commencé la grande aventure... Elle a commencé avec la Côte-d’Ivoire, vous le savez ; elle a commencé également avec l’ancienne Haute-Volta et avec le Mali que l’on appelait, à l’époque, le Soudan. Avec des hommes au nom fameux : Houphouet-Boigny, Ouezzin Coulibaly, Mamadou Konate, avec Lamine Gueye, avec Senghor ; avec d’autres encore, mais je ne vais pas m’étendre plus qu’il ne le faut. C’était un combat du même ordre, exactement du même ordre. C’était des peuples qui voulaient vivre, des peuples qui voulaient affirmer leur dignité. Et vous en avez trouvé un magnifique symbole, Monsieur le Président et vous Mesdames et Messieurs des équipes dirigeantes du Burkina-Faso, en choisissant pour votre patrie ce nom qui veut dire : le pays des hommes libres, des hommes dignes, le pays des hommes d’honneur.

On ne peut pas affirmer sa dignité si l’on ne vit pas dans l’honneur, dans le respect des autres et dans le respect de soi-même. Je voulais dire la même chose lorsque j’ai dit à mes amis du Rassemblement Démocratique Africain des années 1945 à 1950 : "mais allez-y. Vous êtes Africains, vous êtes dans vos pays, à l’intérieur de limites que vous désirez maintenir - les anciennes limites coloniales - pour éviter les luttes ethniques ; allez-y, vous êtes maîtres de votre destin". Et c’est ce qui s’est produit.

Et ce qui nous permet de débattre amicalement de choses sérieuses, sans sortir des limites, en essayant de bâtir une oeuvre pacifique.

Le même raisonnement, voyez-vous, doit s’appliquer au développement. L’aide de la France, M. le Président, ne baisse pas, elle augmente. Il ne faut pas qu’il y ait de contresens. Vous savez que les institutions internationales avaient recommandé aux grands pays industriels d’aider au développement par une contribution de 0,7 % de leur revenu national brut. La France est le seul grand pays industriel qui ait aligné ses actes sur ses engagements. Partant de très bas, elle est passée de 0,3 % à 0,7 % en l’espace de quelques budgets. C’est très difficile, cela représente des milliards ; mais nous avons décidé d’y parvenir en l’espace de quelques années. Nous avons maintenant dépassé 0,5 et nous arriverons, en peu de temps, au fameux 0,7 % que nous avons promis.

Nous avons fait la même promesse à l’égard des Pays les Moins Avancés qui ont une organisation particulière, vous le savez, et qui ont droit à une contribution également particulière. Pour eux les Nations Unies avaient préconisé une contribution de 0,15 % du Produit National Brut. La France avait dit qu’elle atteindrait cela en 1985, mais c’était déjà fait en 1984.

Et nous continuons. Et seuls deux pays d’importance moyenne comme la Suède et les Pays-Bas ont observé un mouvement comparable au nôtre. Les autres grands pays ne l’ont pas fait, bien que la Communauté Européenne, contribue d’une façon très utile à un certain nombre d’actes internationaux dont le plus fameux est Lomé III qui apporte, je crois, à l’Afrique, au Pacifique, et aux Caraïbes des contributions utiles.

L’aide de la France ne baisse donc pas. Elle s’accroît ; le budget de cette année voit cette progression continuer. Je ne me fais pas spécialement l’avocat de la politique intérieure du gouvernement mais il faut être juste : trois budgets se sont accrus et, parmi eux, celui de la

Coopération et les crédits du Fonds d’Aide à la Coopération ont été augmentés de 50 %.

Quant au débat sur le capitalisme, vous me contraignez, mon cher Président, à reprendre une explication qui pourrait paraître un peu fastidieuse à cette heure-ci, et en ces lieux. Mais le problème est celui de la nature même du "pacte colonial" que je dénonce et que j’ai toujours dénoncé. Le "pacte colonial", cela consiste à laisser des pays, comme ceux d’Afrique, se spécialiser dans la vente de leurs matières premières et de transformer ces matières premières dans d’autres pays. Vous savez très bien que la richesse se trouve dans la valeur ajoutée !... Votre valeur brute, c’était vos matières premières : le bois de vos forêts, l’or, le diamant, le charbon, le manganèse, le nickel de votre sous-sol ; le cas échéant le pétrole ; c’était le cuir, la peau de vos bêtes, votre élevage. Et toutes ces matières premières étaient traitées, transformées ailleurs. Je ne m’esquive pas devant la responsabilité historique de mon pays : c’est à Marseille ou à Bordeaux que se trouvaient les grandes industries de transformation. Regardez, c’est à Marseille qu’était naguère traitée la bauxite de Guinée, et heureusement, c’est en Guinée même que sont installées, aujourd’hui, certaines usines de transformation.

Cette évolution s’est donc faite lentement, péniblement, au milieu de grandes injustices et de grands déchirements que j’ai toujours dénoncés et que je continuerai de dénoncer. Chaque fois que vous voyez le pacte colonial s’exercer, alors il faut protester. Ceux qui gagnent, ce sont les capitalistes. Pour employer un langage concret, ce sont les propriétaires des grandes industries qui profitent de la valeur ajoutée. Et la crise qui vous a tellement frappé, les spéculations sur les prix de vos matières premières, les coalitions d’intérêt capitalistes, ont fait que vous n’avez pas été en mesure de vous équiper.

Mais ce n’est pas la politique de la France ! La politique de la France est de respecter vos décisions : les équipements, les investissements que vous voulez faire au Burkina-Faso, cela dépend de vous ! C’est vous qui le décidez ! Nous n’avons pas à vous dire : "ne faites pas ceci", ou "faites autre chose". Nous avons simplement à vous dire : "nous pouvons vous donner un coup de main, si vous nous le demandez". C’est un raisonnement complètement différent.

L’Afrique a été pillée. J’ai parlé des matières premières. J’aurais dû parler des hommes. Pendant des siècles, on vous a exploités humainement : on a volé vos hommes, vos femmes, vos enfants. On s’est servi de vous.

Je comprends votre refus, votre révolte et j’épouse votre combat. Vous avez raison de refuser d’être un continent sacrifié. Le moment est venu où vous devez vous-mêmes développer vos économies à partir de ces biens et avec vos hommes. Et le devoir des pays qui ont profité abusivement du travail africain, c’est de restituer à l’Afrique une part de ce qui a été pris au travers des siècles derniers. C’est pourquoi les pays industriels dits avancés ont à l’égard des peuples africains le devoir d’apporter des "contributions volontaires", capables de rendre quoi que ce soit, et qu’il s’essoufflerait lui-même. C’est aussi l’intérêt des pays riches, des pays industriels, d’aider au développement des pays qui le sont moins ; c’est dans leur intérêt parce qu’ils sont tous en train de se neutraliser au point de fabriquer les mêmes produits et d’essayer d’équilibrer leur commerce extérieur : finalement on ne pourra plus rien vendre, à personne, alors qu’il y a plus de 2 milliards de consommateurs qui pourraient être des producteurs et des transformateurs. C’est une folie ! C’est se retourner contre soi-même ! ou alors, c’est que le goût de la domination est imbécile ! ceux qui ont le goût de la domination immédiate ne

perçoivent pas qu’à travers du temps qui passera, cela se retournera contre eux qui se sont servi abusivement de leurs forces.

M. le Président, Mesdames et Messieurs, dites-vous bien que la France vient solennellement dire au Burkina-Faso - comme je l’ai dit dans les autres pays - qu’elle est là, qu’elle est prête, qu’il faut discuter avec elle.

J’ai employé une expression commune, mais elle exprime bien ce que je veux dire : "donner un coup de main". Nous sommes tous des hommes, sur la même terre. Certains ont été avantagés par les conditions climatiques et par le déroulement de l’histoire. Mais finalement, nous sommes sur une petite planète, le développement des moyens de transport nous amène à nous fréquenter de plus en plus, les cultures se mêlent et s’assimilent : nous devons nous donner un coup de main. "vous avez besoin de cela ? moi je l’ai". "Vous, vous ne l’avez pas ? eh bien ! faites le donc".

Certes, la France a des moyens limités. Elle est elle-même soumise à l’inflation, elle a un commerce extérieur qui n’est pas aussi bénéficiaire qu’il le faudrait, elle a des industries parfois en retard par rapport à ses grandes concurrentes ; bref, elle est aussi obligée de défendre les intérêts de son peuple.

Mais, tout ce que vous avez dit du développement, M. le Président, je l’épouse. C’est notre premier devoir. J’ai dit et je répète que l’humanité est menacée par le terrorisme contre elle-même, par des guerres à l’infini, par la bombe atomique ; mais elle est encore plus menacée par le fossé qui s’élargit entre les pays du nord et les pays du sud.

J’ai parlé de bombe atomique : ne serait-il pas raisonnable de consacrer une part de ces armements sophistiqués pour le développement ? C’est la proposition que j’ai faite à l’Organisation des Nations Unies en 1983 ; et mon prédécesseur, M. Giscard d’Estaing avait fait une proposition du même ordre, quelques années plus tôt. Cette proposition est reprise par d’autres hommes politiques, en France, aujourd’hui ; et elle est écoutée avec intérêt par quelques autres grandes puissances.

Voilà, je vous explique les choses simplement ; un peu longuement peut être, mais je ne pouvais pas, moi, écouter le Président Sankara, faire un petit compliment aimable, puis rentrer me coucher et dormir.

C’est un homme un peu dérangeant, le Président Sankara ! C’est vrai, il vous titille, il pose des questions... Avec lui, il n’est pas facile de dormir en paix : il ne vous laisse pas la conscience tranquille ! Moi, là-dessus, je suis comme lui. Il faut qu’il sache que je suis comme lui, avec 35 ans de plus. Il dit ce qu’il pense, je le dis aussi. Et je trouve que dans certains jugements, il a le tranchant d’une belle jeunesse et le mérite d’un Chef d’Etat totalement dévoué a son peuple. J’admire ses qualités qui sont grandes, mais il tranche trop ; à mon avis, il va plus loin qu’il ne faut. Qu’il me permette de lui parler au nom de mon expérience.

Cela dit, s’il n’était pas comme il est, chef d’un Etat jeune, entouré d’hommes jeunes, avec des idées neuves, s’il n’était pas comme cela à 37 ans, dans quel état serait-il à 70 ! ... Je l’encourage, mais pas trop.

Ce que j’ai pu apercevoir du Burkina-Faso me montre des équipes désireuses de bien faire, qui ont l’amour de leur pays, qui ont l’amour de l’Histoire et qui veulent pétrir une nouvelle période de l’Afrique.

Ils ont eu de grands anciens qui ont fait les indépendances, il y a 30 ans. Mais 30 ans, c’est une génération qui s’en va... la nouvelle génération a d’autres besoins et doit répondre à d’autres besoins. Le devoir change de forme. Et je comprends très bien un pays comme celui-ci où l’on voit cette jeunesse s’affirmer et tout décider. Elle est parfois tentée de penser que les définitions idéologiques ou intellectuelles peuvent remplir les besoins de la réalité mais elle a beaucoup d’intelligence des choses et un tel désir de bien faire que je la respecte.

Je respecte tout à fait ce qui se passe ici. Non seulement je le respecte mais je souhaite l’aider. Si on me demande ce que je n’ai pas, je ne le donnerai pas !... Mais si je peux donner ou faire donner une partie de ce que nous avons, si c’est juste et raisonnable pour vous aider à réussir, je le ferai.

Et je n’ai pas à me mêler de votre politique intérieure : si j’étais ce soir devant un autre Chef d’Etat que le Président SANKARA, devant une autre équipe, s’il n’y avait pas eu de révolution, je n’aurai sans doute pas eu à répondre à toutes les questions qu’il m’a posées, mais la disposition de la France à l’aider serait la même ! Retenez bien ce que je vous dis : ce n’est pas parce qu’il y a une équipe jeune, dérangeante, quelquefois un peu insolente, au verbe libre, ce n’est pas parce qu’elle est là que nous devons faire moins et nous retirer sur la pointe des pieds. C’est parce qu’elle est là que nous devons nous parler les yeux dans les yeux, et dire

 : "nous vous estimons, vous représentez un

e chance pour votre peuple. Qu’est-ce qu’on peut faire pour que cela marche ?".

C’est le langage que je veux tenir pour conclure. Qu’est-ce que l’on peut faire pour que cela marche ? Vous avez besoin de nous, eh bien ! Vous nous le direz. Vous n’avez pas besoin de nous ? Eh bien ! dans ce cas là, on s’en passera.

Vous avez des étrangers sur votre sol, des Français et d’autres qui sont là pour vous aider. Parfois ils vous embarrassent un peu... ils n’ont pas forcément des objectifs qui vous plaisent toujours. Mais il y en a beaucoup d’autres, des hommes et des femmes de dévouement - j’en ai rencontré aujourd’hui à la Résidence de France - des jeunes gens d’une très grande netteté dans leur conviction, désireux de servir, qui aiment le peuple burkinabé et qui sont désintéressés. Ils ne demandent rien en échange. Peut-être se donnent-ils à eux-mêmes la récompense que l’on éprouve toujours quand on a apporté un peu d’amour et de dévouement aux autres.

Il ne faut pas décider de ce que moi je dis, mais, pour le reste, vous pouvez décider. C’est vous qui décidez chez vous ; et puis j’espère que vous viendrez un jour à Paris pour continuer à développer ce qui vous paraît bon pour votre pays. Bien entendu, a Paris, vous déciderez pour le Burkina Faso... Parce que pour Paris, c’est moi... enfin, je dis moi, mais il n’y a pas que moi : c’est l’ensemble de ceux que le peuple français a choisi.

Vous nous avez donné beaucoup ce soir. Vous nous avez apporté votre musique, vos danses, votre gaieté, votre culture, votre présence, votre amitié. J’ai trouvé beaucoup d’agrément à être avec vous, sous ce beau ciel, autour de cette table. Nous avons discuté comme vous devez le faire, j’imagine, Monsieur le Président, dans vos bureaux politiques... on discute, ici ! Quand vous parlez, les autres se taisent ? Non ? Quand les autres parlent, vous vous taisez, vous ? Non, hein... Eh bien, moi je fais comme vous ! ... Si l’on peut, devant le peuple Burkinabé, faire clairement, honnêtement et amicalement des remarques, des compliments et des reproches, c’est déjà la preuve d’une bonne entente. Moi, je ne me froisse jamais des propos qui pourraient me heurter dès lors qu’ils proviennent d’un esprit que je sens ouvert et bienveillant à mon égard. Si la discussion s’arrêtait avant d’avoir commencé, alors nous tomberions dans un système de pensée très dangereux.

Voilà, j’en ai fini avec ce discours qui n’en est pas un. J’en avais écrit un autre, il est là... il n’a rien à voir avec celui-là... D’ailleurs, celui que j’ai écrit était beaucoup plus ennuyeux mais il avait l’avantage d’être très court...

Soyons sérieux. Vous m’avez donné l’occasion de m’exprimer. En vous quittant, demain après-midi, je me dirai qu’il existe un peuple vaillant et très riche d’histoire ; ce peuple a été le siège de grands empires, il a fourni des hommes vaillants, courageux et forts ; il en a même fourni à la France : vous avez des frères, des pères qui sont morts dans les rangs de l’armée française ; un peuple qui ne connaît pas de limites à son propre dévouement, un peuple qui aime sa Patrie et qui, tout en étant un vieux peuple, se met, tout d’un coup, à avoir des idées neuves.

De quoi se plaindre ? Il faut que les idées neuves s’accordent à la force vitale de l’Histoire, il ne faut pas que l’Histoire se fige dans des concepts périmés. A vous de faire la synthèse. Et je sens que vous y êtes prêts, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, je sens que vous êtes prêts à cette grande synthèse qui pourrait faire alors, de votre expérience historique, une expérience qui marquera pour longtemps une nouvelle forme d’existence pour le peuple Burkinabé. C’est ce que je vous souhaite en tout cas.

Je ne veux pas me mêler de politique intérieure ; il doit y avoir des débats ici, comme il y en a ailleurs. Je n’interviens pas sinon pour dire que je suis heureux de pouvoir reconnaître la volonté, le désir de servir, le désir d’être utile qui habite votre Président. Il a la force de la jeunesse et il aura, un jour ou l’autre, toute la sagesse de l’âge mûr.

Mais c’est bien commencé, c’est très bien commencé. C’est le seul jugement personnel que je me permettrai de faire en tant qu’ancien.

Je sais qu’en Afrique on respecte beaucoup les anciens ; alors, en tant qu’ancien, je luis dis : votre chance est grande, celle de votre pays ne l’est pas moins. Vous avez à lutter contre des forces énormes, les forces de la nature souvent hostiles, les forces d’un sol qui résiste à son

épanouissement. Vous avez à faire que l’intelligence des hommes se rende maîtresse de la matière ; vous avez à vous défendre contre les ambitions, les pressions et les détournements. Votre tâche est très lourde, et je m’en voudrais de la compliquer aussi peu que ce fût.

C’est donc sur des paroles d’espoir et d’encouragement pour ce peuple dont vous êtes les interprètes que je terminerai mon propos en disant :

Vive le Burkina Faso ! Vive la France !

Je lève mon verre - c’est une tradition qui nous est commune - je lève mon verre à la santé des personnes, à la santé du Président SANKARA et de Madame SANKARA, à la santé des êtres qui leur sont chers, à la santé des enfants, à la santé de celles et de ceux qui participent à ce dîner. Mais je lève aussi mon verre à la santé du peuple tout entier qui, au delà de cette enceinte, représente tout ce qui mobilise vos efforts et vos volontés : à la santé du peuple Burkinabé.

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10 novembre 2010 3 10 /11 /novembre /2010 23:59

11 Septembre 1985

Revenant d’une session extraordinaire du Conseil de l’entente à Yamoussoukro le 11 septembre 1985 alors qu’une certaine tension est déjà perceptible entre le Mali et le Burkina Sankara rend compte de la réunion lors d’un grand meeting. Le texte ci-dessous est tiré du Sidwaya du 13 septembre.

 Camarades,

 Nous avions à répondre à l’impérialisme international, nous avions à répondre à ses valets locaux. Dès lors que nous nous sommes mis debout, ils ont commencé à trembler. [Applaudissements] Il n’y a donc pas de discours à faire ; il y a simplement à dire et à rappeler qu’à l’heure où nous parlons, les radios impérialistes sont toutes branchées sur Ouagadougou. [Applaudissements]

Nous savons que dans les officines impérialistes on essaiera de décortiquer les propos tenus ici et surtout l’on essaiera de savoir jusqu’où le peuple burkinabè réussira à repousser l’ennemi. Et moi, je vous dis que nous repousserons l’ennemi jusqu’à ce que nous l’ayons noyé dans les océans. [Applaudissements]

Nous savons qu’à l’heure actuelle, l’on essaie de fomenter contre notre peuple des complots de tout genre et notamment l’on essaie de faire résonner à nos frontières des bruits de bottes. On essaie de créer, de déclencher contre notre peuple burkinabè une guerre injuste, multiforme. On essaie d’opposer le peuple burkinabè à d’autres peuples, on essaie de manipuler ceux qui sont manipulables. Mais nous gardons pour nous la sérénité, le calme et la tranquillité de ceux qui ont confiance en leur force, de ceux qui savent que la limite de leur combat sera dictée non pas par l’ennemi mais par eux.

Je veux dire que lorsque le peuple burkinabè aura décidé de marcher, seul le Burkina Faso, seul le peuple burkinabè pourra décider de la ligne où nous allons nous arrêter. [Applaudissements]

En votre nom à tous, je lance un avertissement très ferme contre ceux qui sont en train de confondre le Burkina Faso avec la Haute-Volta. [Applaudissements] Je lance un avertissement ferme contre tous ceux qui se hasarderaient à porter atteinte à la tranquillité de quelque Burkinabé que ce soit, à l’intérieur du pays comme à l’extérieur. [Applaudissements]

Nous n’avons pas besoin pour notre part de faire appel à des troupes étrangères, à des conseillers étrangers. Tout à l’heure le camarade commandant en chef [Jean-Baptiste Lingani] vous a tenu un langage précis, un langage de combat. Il vous a expliqué que vous constituez les détachements d’assaut qui prendront les citadelles à partir desquelles certains valets sont en train de conspirer contre nous. Eh bien, je vais compléter son intervention en vous disant que même si nous ne disposons pas d’armes suffisantes parce que nous sommes si nombreux, eh bien, c’est moi qui vous le dis, ces armes, nous irons les prendre chez l’ennemi. [Applaudissements] Donc, tous les équipements, l’arsenal de guerre et de mort dont ils sont en train de se doter actuellement constituent notre propre dotation ! [Applaudissements]

Camarades, il est évident qu’une manifestation comme celle-ci n’est pas du goût de tout le monde. Mais je voudrais surtout insister sur l’amitié et le devoir internationalistes qui doivent nous habiter en permanence. Le combat du peuple burkinabé n’est point un combat chauvin. Notre combat ne sera point un combat de nationalisme étriqué et limité. Notre combat est celui des peuples qui tous aspirent à la paix et à la liberté. C’est pourquoi nous ne devons cesser de voir chez les peuples qui nous entourent leurs qualités et leurs aspirations légitimes à la paix une paix juste à la dignité et à une indépendance réelle.

Naturellement, il leur appartient d’assumer leur devoir historique. Il leur appartient de se débarrasser de toutes les vipères qui infestent leurs lieux, de tous ces monstres qui les empêchent d’être heureux.

Nous avons pris chez nous nos responsabilités. Il appartient aux autres peuples—à leur jeunesse, à leurs forces patriotiques et démocratiques, à leurs civils, à leurs militaires, à leurs hommes, à leurs femmes de prendre leurs responsabilités.

Nous voulons construire un Conseil de l’entente, un Conseil révolutionnaire de l’entente. [Applaudissements] Et nous nous battrons jusqu’à la dernière énergie pour que notre point de vue juste soit celui qui triomphe. Et nous pouvons compter sur les peuples du Bénin, du Niger, du Togo, de la Côte d’Ivoire ; parce que nous savons que ces peuples ont besoin de liberté, de dignité, de paix et de sécurité ; parce que nous savons que ces peuples ont compris que seule la révolution leur permettra de se débarrasser de tous ceux qui, de l’intérieur de leur pays comme de l’extérieur, s’opposent à la réalisation de ce noble objectif.

C’est pourquoi nous disons qu’aujourd’hui c’est le Conseil de l’entente ; demain, grâce au peuple togolais, grâce au peuple béninois, grâce au peuple nigérien, grâce au peuple ivoirien et avec le peuple burkinabé, avec ou sans la volonté de qui que ce soit, la révolution s’installera. [Applaudissements] La révolution est déjà en marche.

Nous sommes bien informés sur leurs complots, leurs tentatives de division, d’opposition, leurs tentatives d’assassinat. Nous comprenons là que ces réactionnaires patentés ignorent, confondent la marche d’un peuple et l’évolution d’un individu.

C’est pourquoi nous disons que tout comme nous avions déclaré à d’autres époques s’en prendre à tel ou tel dirigeant ne suffira jamais pour mettre un terme à la révolution. C’est pourquoi nous disons que leurs complots ne pourront jamais mettre un terme à la révolution. La révolution est bel et bien en marche et elle gagnera. Elle libérera tous les peuples.

Parce que nous avons parlé de sécurité à Yamoussoukro, il est normal que nous cherchions les voies et les moyens pour la réalisation concrète de cette sécurité. Cette sécurité ne se fera jamais, elle ne s’obtiendra jamais tant que la révolution n’aura pas libéré les peuples.

Notre combat ne se limitera pas au Conseil de l’entente. Les autres peuples qui sont à notre frontière sont, eux aussi des peuples qui ont besoin de révolution. Je ne parle, bien entendu, entendu pas du cas du Ghana, mais je veux parler du Mali. [Applaudissements, acclamations]

La République soeur du Mali peut comprendre, doit comprendre, que son bonheur sera notre bonheur, son malheur sera notre malheur. Les soucis du peuple malien sont les soucis du peuple burkinabé ; les préoccupations du peuple malien sont les préoccupations du peuple burkinabé. La révolution du peuple burkinabé est à la disposition du peuple malien qui en a besoin. [Applaudissements] Parce que seule la révolution lui permettra de lutter contre la faim, la soif, la maladie, l’ignorance, et surtout de lutter contre les forces de domination néocoloniales et impérialistes. Seule la révolution lui permettra de se libérer.

La révolution ne saurait être le monopole d’aucun peuple. Nous avons le devoir de constater que tous les peuples aspirent à la révolution. Et les peuples sont en marche, donc la révolution avance. Nous saluons donc les combats légitimes, quotidiens que tous ces peuples mènent et nous saurons être au Rendez-vous avec eux pour célébrer les jours heureux où ils auront mis à terre tous leurs ennemis, intérieurs et extérieurs. [Applaudissements]

Bien entendu, et il faut le répéter et insister, il leur appartient de prendre leur responsabilité historique pour leur libération. Il n’est point question qu’ils attendent de la part de quelque peuple que ce soit, de la part de quelque messie que ce soit la force salvatrice. Ce serait une erreur, une erreur grossière, une erreur monumentale, une erreur contre-révolutionnaire.

Le Conseil révolutionnaire de l’entente sera-t-il ou ne sera-t-il pas ? [Cris de « Il sera ! »] La sécurité de notre peuple dépend de chaque militant. La sécurité de notre peuple dépend de chaque combattant à l’intérieur comme à l’extérieur et il faut en appeler à nos militants qui sont à l’Étranger pour qu’ils redoublent de vigilance, d’ardeur pour démasquer ces complots qui se trament ; pour qu’ils nous signalent les repères de la vermine afin que, grâce à nos lance-flammes invincibles nous les brûlions à jamais, nous déversions le feu pour calciner nos ennemis, les réduire en poudre. [Applaudissements]

Ce soir nous avions simplement à réaffirmer ce dont nous sommes convaincus en permanence, nous avions à réaffirmer la mobilisation du peuple burkinabè, sa détermination. Nous avions aussi à dire et redire avec force que nous sommes solidaires de nos voisins. Ce soir même, en votre nom à tous, j’enverrai un message à Félix Houphouët-Boigny [Applaudissements], un message à Eyadéma, un message à Seyni Kountché, un message à Moussa Traoré, un message à Mathieu Kérékou et un à Rawlings’, [Applaudissements] pour leur dire que vous affirmez votre solidarité avec leur peuple, pour leur dire que tous les combats justes de leur peuple seront nos combats. [Applaudissements] J’espère que ces messages seront lus dans leur capitale.

Dans tous les cas, nous écrirons ces messages parce que ce sont des messages d’amitié de l’amitié qui n’a point besoin d’un accord juridique. [Applaudissements] Nous leur dirons également que nous pensions que déjà le Conseil de l’entente constitue en lui-même un cadre juridique et moral pour la défense permanente de nos différents intérêts. Nous ne pensons pas qu’il fallait ajouter au Conseil de l’entente d’autres documents, d’autres dispositions juridiques.

Que faisait-on donc depuis 1958 ? Que faisait-on donc depuis la création du Conseil de l’entente si c’est seulement en 1985 qu’il faut des accords ? Cela est inquiétant.

Camarades, je vous remercie. Je vous remercie d’être venus nombreux, très nombreux, d’avoir démontré que la mobilisation est permanente, que l’enthousiasme est permanent, que le combat chez nous sera un combat victorieux.

Camarades !

Vive le peuple ghanéen ! Vive le peuple béninois ! Vive le peuple ivoirien ! Vive le peuple nigérien ! Vive le peuple togolais !

Vive le peuple malien ! Révolution pour tous ! Révolution pour tous ! Révolution pour tous les peuples !

La patrie ou la mort, nous vaincrons !

La patrie ou la mort, nous vaincrons !

Je vous remercie.

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