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18 septembre 2018 2 18 /09 /septembre /2018 13:45
Introduction


 

« Notre libéralisme, que nous appelons révolutionnaire (…), s'inspire d'une inexorable passion libertaire ; il voit dans la réalité un rapport de forces capable de produire continuellement de nouvelles aristocraties dirigeantes, pour autant que de nouvelles classes populaires puissent raviver la lutte avec leur volonté désespérée d'élévation sociale »1.


 

Dans cette citation, on retrouve non seulement les idées typiques du libéralisme, mais également en quelque sorte celle d'Antonio Gramsci, qui a beaucoup travaillé sur le rôle des intellectuels dans la société. A ce sujet, il affirmait que tous les Hommes sont des intellectuels, cependant tous n'ont pas la fonction sociale d'intellectuels.2

Piero Gobetti, fut admiré par ses professeurs. Il est une figure majeure pour le libéralisme du XXe siècle et peut être considéré comme le libéral du futur.

Piero Gobetti est né le 19 juin 1901 à Turin. Il est issu d'une famille pauvre et paysanne. Ses parents tiennent une droguerie modeste à Chieri, située à vingt kilomètres de Turin et lui inculquent les valeurs et le goût du travail en héritage.

Diplômé en droit, il étudie également la philosophie, l'Histoire et le journalisme. Piero Gobetti est un travailleur infatigable, un intellectuel et un théoricien qui fera l'analyse des personnalités italiennes de son époque, non seulement de leurs apports mais également de leurs erreurs.

Parallèlement à ses études, il lit les pensées de Luigi Einaudi, Gaetano Salvemini, Carlo Cattaneo, Benedetto Croce, mais se forme lui-même aussi en tant qu'autodidacte aux auteurs physiocrates français, ainsi qu'à la pensée de John Locke, Emmanuel Kant, Montesquieu, Taine, Herbert Spencer ; il s'inspire également de Max Weber et d'Adam Smith. Il préfère Kant à Hegel qu'il va critiquer.

Alors qu'il est étudiant, il crée à dix-sept ans la revue Energie Nove (1918-1920), puis La Rivoluzione liberale (1922-1925), qui cessera de paraître après son interdiction par le gouvernement fasciste italien de Mussolini, ainsi qu'un supplément libéral militant Il Baretti en 1924. En effet, à cette date, Piero Gobetti est prêt à entrer dans la lutte politique activement. Il sera également à l'origine d'un anti-parlement dans le but de contrer le parlement sous domination fasciste élu par des méthodes de violences lors des élections législatives de 1922.

Dans sa revue, il publiera cent cinquante ouvrages en trois ans, dont les œuvres de Luigi Sturzo, Francesco Nitti, Gaetano Salvemini, Giovanniii Amendola, Luigi Einaudi etc.

Il écrira lui-même huit ouvrages.

Piero Gobetti a étudié le Risorgimiento et le constitutionnalisme libéral dont les deux personnalités les plus marquantes sont Camillo Cavour (1810-1861) et Carlo Cattaeno (1801-1869), tous deux des admirateurs et des profonds connaisseurs de la tradition du libéralisme français et du modèle anglais. Il manque à leur projet organique, une nature libérale profonde de réforme des institutions. Gobetti analyse les défauts qui conduiront à la montée future du fascisme. Il aura manqué au Risorgimiento l'élaboration de nouvelles institutions pour en finir avec la monarchie. C'est dans cette optique que Gobetti approfondit sa théorie et étudie tous les économistes libéraux de la nation italienne, qui sont appelés « illuministes », c'est-à-dire se revendiquant : Francesco Ferrara (1810-1900), Marco Minghetti (1818-1886) qui a été Président du Conseil, Tullio Martello (1841-1918), Vilfredo Pareto (1848-1923), Francesco Papafava (1864-1912), Maffeo Pantaleoni (1857-1924), Antonio De Vitti De Marco (1858-1943), Edoardo Giretti (1864-1940), Umberto Ricci (1879-1946) et Luigi Einaudi (1874-1961). Tous ces penseurs furent des opposants au protectionnisme comme Gobetti, favorable au libre-échange. Gobetti va peaufiner un programme afin de régler le retard pris par le Mezzorgiono.

Pour tous ces économistes, dont Gobetti, la liberté politique est inséparable de la liberté économique. Liberté économique étant le prolongement de la liberté politique. Ces libertés sont les deux aspects d'une même réalité libérale. Pour eux, l'État ne devait pas être instrumentalisé au seul profit de la défense des privilèges d'une minorité. Autrement dit, ils préconisaient un rapprochement entre le peuple et les institutions.

Dans la culture libérale d'après-guerre, les libéraux italiens s'inspireront de l'héritage spirituel de Piero Gobetti, mais également de ses théories politiques en instaurant ses idées au sein même de la Constitution italienne.

Pourquoi un travail de recherche sur Piero Gobetti ?

Gobetti est un théoricien majeur du XXe siècle, qui reste peu connu en France et bien qu'il soit étudié en Italie, qu'il soit enterré à paris, au cimetière du Père Lachaise.

De rares études sur lui en France :

« Piero Gobetti, Libéralisme et révolution antifasciste, Eric Vial 2010 » et « Histoire du libéralisme en Europe », Philippe Nemo et Jean Petitot, qui analysent le libéralisme économique et politique.

Ce mémoire de recherche cherche à combler cette lacune. Il apparaît en effet essentiel d'étudier la pensée de cet auteur car la théorie juridique et politique de Gobetti et sa réflexion contemporaine sur la liberté de l'individu et la place de l'État sont venus apportés un regain à la pensée libérale.

Admiré de ses professeurs, Piero Gobetti étudia de nombreux penseurs et il réussit dans de nombreux domaines à y ajouter des éléments propres à sa pensée. Il a ainsi su renouveler la pensée du libéralisme de manière significative. Il entre dans la catégorie de l'élève qui dépasse le maître selon le concept défini par Rousseau dans son ouvrage « L'Emile ».

Pour tout son travail idéologique et son action, Piero Gobetti est perçu en Italie, comme un garant de la démocratie.

En outre, Gobetti s'est préoccupé de l'enseignement. Il a pris conscience, que pour mener à son terme sa propre « théorie des élites », l'enseignement était essentiel : il permet un renouvellement de la compétition entre les groupes sociaux et d'initier les masses aux responsabilités.

D'une perspicacité extraordinaire, il analyse le mouvement du Risorgimiento, puis de Cavour et n'hésite pas à critiquer tout en apportant des solutions pouvant contribuer au renouveau italien.

Très vite, Gobetti devient le leader des jeunes libéraux. Mussolini avait dis qu'il fallait faire taire cet opposant insignifiant. Peine perdue, Gobetti au-dessus de la mêlée est une sinon la figure la plus aboutie du libéralisme européen.

Avec les tragiques attentats en France (2015), il paraît utile et nécessaire de revenir aux fondements des idées européennes occidentales et de repenser le libéralisme, terme employé très souvent à tord et à travers.

Il convient également de trouver des exemples et des modèles contemporains, qui donneront aux générations futures des repères afin que les individus puissent s'accomplir pleinement dans leurs vies.

Il convient d'apporter un bref éclairage sur la pensée libérale en rapportant les propos de Mme Golliau.

Selon Catherine Golliau, « même s'ils sont souvent associés, le libéralisme ne peut être confondu avec le capitalisme : la loi du profit s'adapte mal aux certains principes libéraux comme la transparence du marché… Il ne peut non plus être assimilé au conservatisme, trop statique. Libérer l'Homme du despotisme, de la religion ou de l’État, quand celui-ci se montre totalitaire ou inefficace : tel a toujours été le moteur de la pensée libérale ». (Le Point, Hors-série n°12, janvier-février 2007). En effet, on doit au mouvement libéral, l'Organisation mondiale du commerce (OMC), ainsi que le principe de la séparation des pouvoirs, la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789, l'abolition de l'esclavage en 1848 sous le gouvernement de Lamartine, la liberté d'opinion et d'association, la presse libre et les syndicats (dont le socialiste Jules Guesde ne voulait pas par exemple).

De plus, qui a écrit « Le gouvernement civil est en réalité institué pour défendre les riches contre les pauvres ? » Karl Marx ? Non, Adam Smith.

Piero Gobetti paraît inclassable au sein des différents courants du mouvement libéral. Attention également à ne pas confondre la révolution libérale de Gobetti avec le socialisme libéral des frères Rosselli. En effet, la pensée de Gobetti n'entretient aucune affinité avec ce courant. Gobetti est capitaliste en matière économique.

Concernant l'influence de l'église, Piero Gobetti pensait que la laïcité était nécessaire non seulement pour mettre un terme au régime de Mussolini, mais aussi pour l'avènement de la démocratie.

Piero Gobetti est profondément laïc dans une Italie qui reste très attaché au catholicisme. Pourtant, l'article 7 de la Constitution italienne exprime le principe de laïcité propre et cher à Gobetti : « L’État et l’Église catholique sont, chacun dans son ordre, indépendants et souverains ».

De manière directe et/ou indirecte, l'influence de Piero Gobetti sur les personnalités politiques italiennes de droite comme de gauche est très importante et surtout sur l'actuelle Constitution italienne, notamment l'article 3 parce que cet article confirme que tous les citoyens ont une même dignité sociale et sont égaux devant la loi, sans distinction de sexe, de race, de langue, de religion, d'opinions politiques, de conditions personnelles et sociales ». De plus, cet article 3 souligne la volonté de l'Etat d'éliminer « les obstacles d'ordre économique et social » et donc toute entrave au « plein développement de la personne humaine » et affirme la nécessité pour tous les travailleurs de participer à l'organisation politique, économique et sociale de la République italienne.

Afin de présenter la théorie gobettienne, il faut apporter un premier éclairage en la matière.

Au sein du libéralisme économique classique (libre échange, droits de l'individu, lutte contre l'intervention de l'Etat), Piero Gobetti se rattache aux idées de Frédéric Bastiat. Il rajoute à ce libéralisme économique, une double originalité. Issu de « l'illuminisme italien », la philosophie des Lumières, il trouve ses premières inspirations chez Max Weber et Adam Smith.

Il considère le libéralisme appelé « le libérisme », à la suite de Benedetto Croce, le philosophe italien par excellence, comme étant la clef des libertés politiques et de la prospérité.

Il attribue de plus à cet élément une dimension métapolitique. Le terme métapolitique, du grec meta au-delà en grec et polis la Cité, les affaires publiques signifie « ce qui se situe au-delà des affaires publiques ». Ce terme n'est apparu qu'à la fin du XVIIIe siècle chez les philosophes allemands, français et italiens à la différence du terme métaphysique, employé depuis l'époque d'Aristote ( IVe siècle avant notre ère).

Toutefois sa signification actuelle « le domaine d'action et de réflexion qui se situe bien au-delà de la politique, tout en restant concerné et attaché par les affaires publiques, tout en cherchant à les influencer sur le long terme ».

On trouve ici l'apport de Gramsci qui fait de la guerre culturelle menée par les « intellectuels organiques », autrement dit les intellectuels issus du peuple, une des premières conditions du succès à venir, sur le long terme, de l'action politique : « La théorie gramscienne diverge fondamentalement du marxisme classique qui réduit la société civile à l'état de simple infrastructure économique. Pour elle, c'est l'ensemble de la culture, dont l'économie n'est qu'un secteur, qui est en jeu dans la lutte pour le pouvoir. La culture constitue l'infrastructure qu'il faut investir ou subvertir par des moyens intellectuels avant même de s'attaquer au pouvoir politique » (source : Marlaud. J, « Métapolitique : la conquête du pouvoir culturel. La théorie gramscienne de la métapolitique et son emploi par la Nouvelle Droite française », Interpellations, questionnements métapolitiques, 2004, Dualpha, pp. 121-139). Il faut souligner le fait que Gramsci parle de « subversion des esprits ».

Donc, Gobetti attribue une dimension métapolitique au libéralisme, qui reste valable, selon lui, pour toutes les sociétés qui sont fondées sur les valeurs de l'initiative individuelle, du mérite, du travail, des sciences et des techniques, mais également sur la responsabilité personnelle et l'héroïsme moral.

Il relie également le libéralisme à la passion des peuples pour la liberté politique, car en effet, seul le libéralisme peut les délivrer totalement de la servitude et de la tutelle qui leur sont imposés par l’État.

Afin de permettre, cette unité du libéralisme, et du « libérisme », Gobetti y intègre la théorie des élites au sens de Gaetano Mosca et de Vilfredo Pareto.

Cette nouvelle conception des élites démontre que « les classes dirigeantes productrices de progrès et de prospérité se sclérosent progressivement et dégénèrent en classes simplement dominantes ». Et que par conséquent, il est nécessaire de procéder à une relève par l'intermédiaire de la concurrence entre les groupes sociaux.

Pour cette raison, Gobetti en vient à repenser la lutte des classes comme étant le fruit d'un processus de renouvellement qui, en quelque sorte, par une sorte de « ruse de la raison » serait au service de la civilisation capitaliste. Pour lui, il serait nuisible de laisser le mouvement ouvrier embrasser le socialisme, d'une part car ce serait un frein pour le capitalisme intégral et d'autre part, parce que le messianisme révolutionnaire socialiste n'est qu'une aberration et une utopie qui nuirait à la richesse qui pourrait être apportée aux ouvriers, qui les conduirait verts le bonheur et l'épanouissement de leur personne et situation.

Ainsi, Gobetti pense que le capitalisme moderne est « indépassable » et se situe « au-dessus des classes ». Pour toutes ces raisons, il est un opposant radical au communisme et dénonce donc son prophétisme messianique révolutionnaire, qui en vient à mythifier les classes sociales et qui ne peut que conduire inévitablement qu'à des démocraties populaires totalitaires.

Selon lui, l'utopie socialiste ne peut déboucher que sur des bureaucraties étatiques, qui vont détruire l'esprit d'entreprise, même si ces luttes sont utiles : « Dans la lutte messianique de deux principes idéaux, vécus l'un comme un rêve (le mythe marxiste) et l'autre comme réalité économique et politique (le libéralisme), l'Histoire ne présente pas de solution de continuité et se sert des mythes, des convictions et des illusions pour renouveler son éternité ».3


 

En quoi le libéralisme de Gobetti se distingue-t-il des autres penseurs classiques ?

Certains libéraux classiques n'ont pas pris la mesure de la montée en puissance des revendications sociales notamment alors même que les Constitutions des Etats occidentaux résultent de traditions révolutionnaires porteuses de libertés politiques et civiles. Autrement dit, le libéralisme doit être conçu, selon Gobetti comme une révolution permanente. La révolution libérale permanente trouve son évolution et sa régénérescence dans les droits sociaux. L'idée d'une « vigueur temporelle » véhicule la notion de permanence, étudiée par Piero Gobetti et montre ainsi le lien étiré entre le renouveau de l'ordre établi et sa légitimité. Pris dans ce contexte, le libéralisme de Gobetti nécessite donc de persistants mouvements qui renouvelle « sa charge révolutionnaire » et conçu selon lui comme une perpétuelle lutte étatique.4 Cette lutte perpétuelle de l’État nécessite des exigences en droits qui sont traduits par les classes politiques et constitue au quotidien un équilibre entre les diverses opinions qui s'opposent parfois. De ce fait, les droits sociaux constituent le renouvellement du libéralisme et en même temps garantissent les acquis obtenus par la révolution libérale sur le terrain politique. Cet apport majeur dans la théorie de Gobetti démontre que les droits sociaux ne sont pas le résultat de révolutions socialistes mais bien de la révolution libérale et par conséquent du libéralisme authentique dont il est le fondateur.

Le libéralisme rénové de Gobetti, théorie inédite, procède d'une prise en compte de l'initiative populaire et de la lutte des classes, d'une affirmation de la nécessaire concurrence entre les groupes et les individus pour faire émerger de nouvelles élites issues du peuple qui s'opposent à l'establishment conservateur et bourgeois. L'avènement de ce libéralisme prôné par Piero Gobetti inclut aussi la dimension économique d'un capitalisme libéral renouvelé que Gobetti nomme « libérisme », terme inventé par lui-même pour qualifier un capitalisme qui se soucie de la justice sociale.


 

En quoi le libéralisme de Gobetti est-il une innovation ?

Quels sont les apports de sa pensée ?


 

Piero Gobetti étudie les leçons de l'Histoire italienne et européenne et démontre que le capitalisme libéral est la seule alternative au fascisme (partie I).

De plus, Gobetti préconise une nouvelle théorie, « le libéralisme authentique » (partie II).


 

1. Piero Gobetti, La Rivoluzione liberale (la Révolution libérale), 1923, repris in Les Textes fondamentaux du libéralisme, Hors-série Le Point, janvier-février 2007, p. 75.

2. Antonio Gramsci, « Problème de civilisation et de culture »

3. Piero Gobetti, La Rivoluzione liberale, 1924, Einaudi, 1995.

4. Gobetti, Piero, La Revoluzione liberale. Saggio sulla lotta politica in Italia, Torino, Einaudi Editor, 1995, p. 104 et Il liberalismo di Piero Gobetti, Torino, Centro Studi Piero Gobetti, 2007, p. 68)

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