Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
18 septembre 2018 2 18 /09 /septembre /2018 13:41

Section 3) L'apport de la Réforme (protestante) à la pensée libérale

 

Est-ce le point de vue de Max Weber ? Quel est l'apport de Piero Gobetti ?

 

Selon Piero Gobetti, le protestantisme est indissociable du pluralisme dans tous les domaines.

S'il est influencé par Max Weber sur l'apport du protestantisme et de la Réforme, Gobetti va aller plus loin encore.

La faiblesse du mouvement du Risorgimiento et libéral dans son ensemble s'explique par l'absence d'une réforme protestante.

Pour Piero Gobetti, il est dommageable que le Risorgimiento ne se soit pas inspiré du protestantisme afin de façonner l'idéologie libérale. Il pense que la réussite du Risorgimiento aurait été un rempart contre l'avènement de Benito Mussolini et du parti fasciste.

Ainsi, le libéralisme italien en prenant sa source et ses fondements sur le protestantisme libérale qui a également été analysé par Weber aurait parachevé l'accession du libéralisme : « Le protestantisme en Italie doit se battre contre l'économie parasitaire et l'unanimité petite-bourgeoise, et il doit chercher chez les ouvriers éduqués pour la libre lutte et pour la morale du travail, les cadres de l'hérésie et de la révolution démocratique. De cette façon, il ne sera pas une idéologie d'importation, mais le mythe authentique d'une Italie qui aura appris la dignité, le mythe de citoyens capables de se sacrifier à la vie de la nation parce que capables de se gouverner sans dictateurs et sans théocratie ».1

Piero Gobetti, en fervent admirateur de Max Weber, reproche en fait à la bourgeoisie italienne de son époque, de ne pas être assez capitaliste. Pour Piero Gobetti, le libéralisme doit être une révolution authentique puisque « l'esprit de la démocratie protestante s'identifie à la morale libérale du capitalisme et à la passion libertaire des masses ».

En effet, à l'« esprit de la démocratie protestante » et de « la morale libérale du capitalisme » de Max Weber, Piero Gobetti va y rajouter la « passion des masses pour la liberté .

Pour Max Weber, le développement du capitalisme est favorisé par l'ascétisme calviniste car ce dernier renoue avec la conception vers le « salut des pauvres » (contrastant notamment avec le sola fide prôné par les luthériens). En résumé, selon la pensée calviniste, tout individu ne doit pas profiter de sa propre richesse, mais bien au contraire, la réinvestir dans l'entreprise. En définitive, cela trouve cette traduction fondamentale par le développement et l'avènement d'un « capitaliste naturel ».

Gobetti en vient à critiquer la bourgeoisie non webérienne. Selon lui, la bureaucratie est mauvaise, en ce sens où elle n'est aucunement weberienne. Pour lui, « les classes bourgeoises manquent de conscience capitaliste et libériste ».2

Animé par la pensée de Max Weber et de son libéralisme protestant calqué en grande partie sur le modèle allemand, il pense que les classes bourgeoises manifestent une « psychologie primitive, de corsaires et de spéculateurs esclavagistes ».3

Cela s'explique par le fait qu'elle ne protège que ses acquis sans tenir compte de ses devoirs.

Piero Gobetti défend la conception d'un État libéral clairement et radicalement laïc, en s'appuyant sur une économie libérale anticollectiviste fondée sur l'initiative individuelle, mais dont l'initiative entrepreneuriale puisse pouvoir venir de toutes les classes sociales. Ainsi, il lance un appel à l'instauration d'un État, dont la morale libérale serait fondée sur l'autonomie, ainsi que sur l'éducation à la responsabilité. Cet État garantit, selon lui, la liberté individuelle, mais également la compétition en toute liberté des sujets collectifs « pour empêcher que l'État libéral ne se transforme en son contraire ». De ce fait, il faut donc « favoriser l'initiative populaire à travers la libre compétition entre groupes, associations, mouvements et partis ».

Piero Gobetti est l'héritier des Lumières, qui est appelé « illuminisme » en Italie, et il est opposé à l'idéalisme hégélien qui n'a fait en réalité que déboucher sur le communisme par l'intermédiaire de ses interprétations matérialistes.

Piero Gobetti est un défenseur intégral du capitalisme. Il entre ainsi dans la lignée des « humanistes européens ». Sa défense du capitalisme et d'industriels trouvent sa définition concrète dans le modèle d'Henry Ford et de Giovanni Agnelli.

Gobetti croit, coûte que coûte, à une « civilisation industrielle de la production » fondée sur le travail représentée au sein des démocraties anglo-saxonnes, ainsi que sur la propriété, la responsabilité personnelle, l'initiative individuelle et l'autonomie.

Gobetti s'inscrit politiquement dans la continuité de Montesquieu et de Benjamin Constant et de la pensée libérale des Lumières notamment concernant la notion de liberté qu'il oppose à l'arbitraire de l’État, conforte les idées de libertés, de sécurité et de respect des droits personnels.

Il réalise en fin de compte l'alliance entre les principes du libéralisme en matière économique avec les droits fondamentaux en y ajoutant encore la justice sociale, la démocratie participative et la participation des masses. Piero Gobetti élargit les idées libérales tout en prônant un capitalisme absolu qui permettra pour lui, une meilleure productivité et l'épanouissement des masses ouvrières. Gobetti a analysé également la pensée de Calvin pour y ajouter sa touche personnelle toujours dans le but de renforcer le libéralisme politique et le capitalisme économique dont les bases ont été posées par le protestantisme libéral. Ainsi, il écrit : « L'esprit de la démocratie protestante s'identifie à la morale libérale du capitalisme et à la passion libertaire des masses ».4

Piero Gobetti place l'individu au centre de ses préoccupations et nettement plus clairement que la notion définie par la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen (DDHC) de 1789. En effet, il est favorable à l'épanouissement de l'individu par l'accumulation de deux libertés concomitantes : la liberté politique et la liberté économique. L'individu se transcende par le travail, l'accomplissement de soi (dont la rotation de l'emploi ou bottom up est un des mécanismes essentiels dans ce but), et par l'éducation (via les sélection des élites, le renouvellement des aristocraties dirigeantes et l'élévation sociale). Pour toutes ses raisons et en tant que capitaliste, il rejette l'utopie socialiste qui ne conduit qu'à la misère et à l'utopie. Pour lui l'égalité sociale ne peut être totalement effective Il se base sur les libertés : la liberté d'entreprendre, la liberté d'épanouissement par le travail etc. En bref, il préconise un partenariat entre les entrepreneurs et les salariés (ouvriers).

Gobetti vise, sans utopie ni aucune exaltation ni romantisme, « l'idéal d'une classe ouvrière aristocratique » et appelle les Républiques modernes à participer à ce processus de formation des élites, et ce, au nom et au titre d'un libéralisme métapolitique qui fonctionnera en une civilisation universelle et qui sera de ce fait compatible avec toutes les cultures. Sa lucidité est tout à fait exemplaire.

 

Norberto Bobbio, qui fera lui, une sorte de synthèse entre la pensée de Gobetti et de Gramsci, en tant qu'héritier légitime de son aîné, natif comme lui de Turin, évoquera sa conception de l'égalité qui est très nettement influencée par son modèle.

1. Piero GOBETTI, « Notre Protestantisme » ; traduit par Michel Arnaudi, in Les temps modernes, n° 13-24 septembre 1947, pp. 276-278.

2. page 738, Histoire du libéralisme en Europe de Philippe Némo et Jean Petitot et p. 147 de La Révolution libérale, Piero Gobetti, nouvelle édition traduite.

3. page 738, Histoire du libéralisme en Europe de Philippe Némo et Jean Petitot et p. 43 de La Révolution libérale, Piero Gobetti, nouvelle édition traduite.

4. page 712, Histoire du libéralisme en Europe de Philippe Némo et Jean Petitot.

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : "LE CRI DU PEUPLE" : Stéphane Parédé : "L'AVOCAT DES PAUVRES ET DES OPPRIME-E-S"
  • Contact

Recherche

Liens