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3 juin 2012 7 03 /06 /juin /2012 02:20

Comment marche VRAIMENT la finance capitaliste et la bourse.
La façon dont on profite du public.
L'incompétence OU la duplicité des analystes financiers.
A travers l'exemple de Facebook en Bourse.
A LIRE !!!

 

Facebook, fiasco? Non, banco!

LikeLa mousse est un peu retombée après la méga-introduction en bourse (IPO) du géant Facebook, il y a deux semaines. De nombreuses raisons font qu'il s'agissait d'un événement majeur: la jeunesse de la société, son large public (900 millions d'inscrits), les interrogations sur son business model et surtout la valorisation de la société, 100 milliards de dollars. Cela ressemblait un peu à une resucée, en plus gros, de la fameuse bulle Internet. Mais le mot qui est revenu le plus souvent est «fiasco». En effet, l'action a fortement chuté peu après l'introduction. Un article du Figaro relève par exemple que «Mark Zuckerberg, emblématique cofondateur de Facebook, aurait des raisons d'avoir la gueule de bois. Pas tant à cause de son mariage que de l'introduction en Bourse ratée de Facebook. Après une chute humiliante de 11 % lundi, son second jour de cotation, le titre lâchait encore 7 % à l'ouverture mardi». Mais qu'y a-t-il d'humiliant pour Zuckerberg et sa société? Rien, bien au contraire. C'est une formidable opération pour Facebook. Les médias, eux, indexent la réussite d'une IPO sur son aspect cosmétique: la courbe du cours de l'action. Sauf que dans le cas présent, l'entreprise a plutôt gagné au détriment des actionnaires. D'habitude, on déplore la situation inverse! Prenons donc le temps d'analyser sereinement et factuellement qui a gagné et qui a perdu lors de cette IPO.

Un jeu à somme nulle 

Faisons tout d'abord un petit rappel. La société a été introduite en bourse au cours de 38$. Voici l'évolution sur deux semaines (jusqu'à jeudi soir).

ScreenHunter_02 Jun. 01 08.59
Soit une chute de 22%.

Quelle incidence cela a-t-il ? Pour cela, il faut revenir sur le mécanisme d'introduction en bourse et celui de la bourse en général (en simplifiant sinon il faudrait écrire un livre). Et rappeler qu'il s'agit d'un jeu à somme nulle où s'échange du cash contre des actions autour de trois acteurs: l'entreprise elle-même, les actionnaires internes (fondateurs ou investisseurs ayant misé sur la société avant l'entrée en bourse) et les actionnaires externes. Il ne peut pas y avoir que des gagnants à ce jeu puisqu'il s'agit d'un milieu "fermé". Tout le monde peut sembler l'être quand le cours de bourse est haut mais après tout il s'agit d'une richesse "virtuelle".

Une société, disons Facebook, va "ouvrir son capital" pour une introduction en bourse (IPO). Cela veut dire qu'elle va créer des actions nouvelles (augmentation de capital) et parfois aussi vendre des actions existantes qui vont ensuite être cotées en bourse. Ainsi, une part de son capital (moins de 20%) va être mise sur le marché. On appelle cette part le "flottant". Si l'action en bourse vaut 20€ et que la société possède 1 millions d'actions, cela valorise la société à 20 M€. Mais si seuls 20% des actions sont en bourse (200.000), la valeur du flottant ne sera "que" de 4 M€. L'introduction en bourse va se faire en deux temps: une vente hors marché puis la mise sur le marché. La vente hors marché consiste à vendre tout le flottant à des investisseurs institutionnels et des particuliers. C'est le rôle des "banques introductrices" (Morgan Stanley notamment dans le cas de Facebook) de rechercher des investisseurs institutionnels pour acheter de grands blocs d'actions. Le PDG doit également faire des road show pour présenter la société et surtout sa vision du futur. Enfin, la société doit publier de façon la plus transparente les informations la concernant auprès des autorités de marché (la SEC aux USA qui les met à la disposition du public).

A quel prix l'action va-t-elle être vendue? C'est le rôle du banquier de faire l'évaluation et de "tâter le terrain". S'il s'avère que la demande est très forte, la banque et la société vont relever le prix et éventuellement vendre plus d'actions. C'est donc une forme d'enchères informelles orchestrées par les banquiers introducteurs dont le but est de fixer le prix le plus haut possible pour leur client (et dans leur propre intérêt via des commissions - 67,8 M$ pour Morgan Stanley). C'est ce qu'a très bien fait Morgan Stanley, qui a aussi été accusé à tort d'avoir raté cette introduction. Peut être trop bien fait en franchissant la ligne jaune, nous le verrons. 

L'entreprise bat les actionnaires

Une fois les actions dans les mains des premiers acheteurs, l'ouverture se fait (avec le rituel de la cloche qui a été sonnée par Mark Zuckerberg himself) et les échanges sur le titre peuvent commencer. Dans le cas de Facebook, c'est 16 Mds$ qui étaient rentrés dans le tiroir-caisse de la société avant ces échanges. Quoiqu'il arrive après l'introduction, cette somme est acquise à Facebook que le cours monte ou baisse! Il a baissé de 38$ à 30$. Cela veut dire que les investisseurs de la première heure ont perdu s'ils ont vendu à 35$ par exemple. Ou sont en situation de perdre (si ça ne remonte pas) s'ils ont gardé les actions. Si la société avait mis sur le marché ses actions à 30$, la situation aurait été neutre pour les investisseurs mais Facebook n'aurait levé "que" 12,6 Mds€ soit 3,4 Md$ de moins! Et à 20$, tous les médias auraient salué la superbe performance de l'action mais Facebook n'aurait ramassé que 8 Mds$. Est-ce que le fait d'être salué par les médias vaut de faire une croix sur 8 Mds$? Ce montant pourra permettre à Facebook de se développer, d'encaisser des pertes, de faire des rachats. La société a donc gagné sur un enthousiasme un peu trop exubérant des investisseurs, sur l'effet rareté et "hype" de Facebook. Morgan Stanley dit d'ailleurs que les investisseurs ont été naïfs d'attendre une très forte hausse à court terme. Par ailleurs, les politiques et les médias ne cessent de fustiger la toute-puissance des actionnaires sur les entreprises. Pour une fois que c'est l'inverse, n'y a-t-il pas lieu de s'en réjouir? Alors c'est vrai que décevoir les investisseurs est toujours dangereux si l'on a à faire appel à eux par la suite. Mais avec la montagne de cash qu'a ramassé Facebook, ce ne devrait pas être le cas de si tôt, et la société aura eu le temps de décevoir pour de bon ou de convaincre ...

Bien entendu, nous avons aussi eu droit aux "milliards partis en fumée", figure imposée médiatique. Si une société possédant 1.000.000 d'actions est côtée 100€, elle est valorisée à 100 M€. Il suffit d'une transaction de 100 actions à 95€ pour que la nouvelle valorisation soit de 95 M€. 5M€ sont-ils pour autant partis en fumée? Absolument pas puisqu'encore une fois, la bourse est un jeu à somme nulle. La valeur virtuelle possédée par les actionnaires a baissé de 5 M€. Mais elle est bien virtuelle car si tous les actionnaires voulaient vendre en même temps, le cours s'effondrerait et ils seraient bien loin de retrouver leurs 95 M€.

Le gang des sweats à capuche

On a aussi entendu que cette introduction "boostée" servait à permettre à des bandes de Californiens en sweats à capuche (l'uniforme de Mark Zuckerberg) à prendre une retraite dorée. Ce n'est pas si évident. Il est courant que les fondateurs aient un "lockup" lors d'une introduction en bourse, c'est-à-dire une interdiction de vendre tout ou partie de leurs actions avant quelques semaines ou quelques mois. Si les actionnaires comprennent que les fondateurs aient envie de convertir leur brio en espèces sonnantes et trébuchantes, le fait qu'ils ne restent pas (en tant qu'actionnaires) dans le bateau est un mauvais signe. Et on trouve effectivement bien un lockup dans le prospectus d'introduction de Facebook: 

Echéancier avec les périodes de lockup     Nombre d'actions et actionnaires concernés

Date Available for Sale into Public Market

  

Number of Shares of Common Stock

91 days after the date of this prospectus

   268,113,248 shares held by the selling stockholders other than Mr. Zuckerberg
   

151 to 180 days after the date of this prospectus

   approximately 137 million shares underlying net- settled Pre-2011 RSUs held by our directors and then current employees and approximately 55 million outstanding shares and approximately 55 million shares subject to stock options held by then current employees other than Mr. Zuckerberg
   

181 days after the date of this prospectus

   1,222,849,097 outstanding shares and approximately 18 million shares underlying other net-settled Pre-2011 RSUs
   

211 days after the date of this prospectus

   123,746,921 shares held by the selling stockholders other than Mr. Zuckerberg
   

366 days after the date of this prospectus

   47,315,862 shares held by Mail.ru Group Limited and DST Global Limited and their respective affiliates

 

Curieusement, il ne semble pas concerner Mark Zuckerberg («Other than Mark Zuckerberg»). De plus, il est écrit la chose suivante: «Mark Zuckerberg, our founder, Chairman, and CEO, will offer and sell 30,200,000 shares in our initial public offering.» Donc, non seulement Mark Zuckerman n'avait apparemment pas de lock-up mais il a vendu 30 millions d'actions lors de l'introduction soit un montant cash de... 1,15 milliards de dollars. Et le Figaro (et bien d'autres) parlaient de gueule de bois après l'IPO? Je dirais plutôt qu'il pouvait reprendre une coupe de champagne lors de son mariage. Si ces 30 millions d'actions avaient été vendues au cours actuel (30$), il aurait encaissé 242 M$ de moins !

Reste qu'avec la déception des investisseurs, une vraie frénésie judiciaire semble se préparer contre Facebook et Morgan Stanley pour des raisons plus ou moins fondées. La critique la plus justifiée semble concerner la transparence. On peut faire rêver les investisseurs, les faire saliver, fantasmer mais il faut leur dire la vérité. Or, il semblerait que Morgan Stanley ait révisé à la baisse les prévisions de revenus juste avant l'IPO mais n'a procédé qu'à une information "sélective", alors que la règle boursière veut que la transparence et l'égalité de traitement soient respectés. A suivre ...

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