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23 janvier 2011 7 23 /01 /janvier /2011 19:57

 

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L'anti-communisme, arme idéologique de la colonisation

Depuis le début de la colonisation, l'anticommunisme a été l'arme idéologique la plus puissante de toutes les forces anti-congolaises. Le colonisateur et l'Eglise catholique n'ont jamais permis que des écrits marxistes pén"trent dans la colonie. En recourant à des mensonges dégoûtants, les colonialistes décrivent le communisme comme l'uvre du diable. Et en 1960, ils publient des caricatures de Lumumba représenté comme diable.

En fait, l'anticommunisme constitue un écran de fumée. L'objectif véritable est celui-ci : les grands capitalistes veulent sauvegarder leurs intérêts économiques, ils veulent continuer à exploiter au maximum les richesses du Congo et la force de travail de ses ouvriers et paysans.

 

Les alliés naturels

En ce début des années soixante, comment les Etats africains qui veulent une indépendance réelle, comme le Ghana de Nkrumah et la Guinée de Sékou Touré, peuvent-ils réussir? Ils ont besoin d'alliés et d'amis pour développer rapidement leur propre économie, pour soustraire leur économie à la mainmise des puissances impérialistes. Les pays communistes sont leurs alliés naturels. Pour deux raisons.

D'abord, les pays communistes ont, eux-mêmes, terriblement souffert des agressions impérialistes. En 1917-1920, la Russie soviétique a connu l'agression de 9 pays impérialistes et elle a perdu 10 millions de mort à cause de la guerre et de la famine. Ensuite, l'agression nazie de 1941-1944 a coûté 23 millions de morts au peuple soviétique. La Chine, quant à elle, a subi la domination des colonialistes occidentaux et, au cours des années 20, 30 et 40, son sort a été pire que celui de l'Afrique! Agressée par l'impérialisme japonais, puis par l'impérialisme américain, La Chine a compté plus de 10 millions de morts.

Ensuite, les pays communistes veulent construire une économie indépendante et, pour cela, ils doivent se soustraire à la domination politique et économique de l'impérialisme. Pour progresser dans cette voie, ils ont intérêt à soutenir tous les pays qui, eux aussi, veulent se soustraire à la domination de ces mêmes impérialistes.

 

" Combattre le colonialisme et terrorisme communiste "

Voyons maintenant les choses du côté des impérialistes. Pour maintenir leur domination sur le Congo, ils doivent casser l'alliance entre le Congo et les pays africains nationalistes comme le Ghana et le Guinée. Ils doivent aussi bloquer tout rapprochement entre le Congo et les pays communistes.

C'est exactement ce qu'a fait leur principal agent, Mobutu. Celui a déclaré apr"s son coup d'Etat: "Comme la Tchécoslovaquie et l'Union soviétique, le Ghana et la Guinée distribuaient des armes dans la cité de Kinshasa ". (1) Ces accusations sont évidemment fausses mais Mobutu et ses maîtres de la CIA doivent faire croire au peuple congolais que le Ghana et la Tchécoslovaquie sont des "Etats terroristes". Et qu'ils appuient des terroristes congolais, c'est-à-dire Patrice Lumumba et ses compagnons En effet, Mobutu prétend que Maurice Mpolo et Emmanuel Nzuzi, deux collaborateurs fid"les de Lumumba, organisent "des camps de formation terroriste" et dirigent "un groupe terroriste, la Jeunesse lumumbiste, ". (2)

Mobutu, Kasavubu et Tshombé, ces agents de l'impérialisme qui exploite le Congo depuis 80 ans, font croire que ce sont le Ghana et la Chine qui veulent "conquérir et dominer" le Congo. C'est ridicule, compl"tement faux, mais cela sert à détourner l'attention des véritables exploiteurs et dominateurs qui saignent le peuple congolais à blanc !

Le crime du Ghana et de la Chine est de souhaiter la réussite de l'expérience congolaise. Le 23 juillet 1960, Théodore Bengila, l'ami de Pierre Mulele, assiste, à Beijing, à un rassemblement de 10.000 personnes qui "apportent le soutien du peuple chinois à la lutte du peuple congolais pour son indépendance " (3)

 

Ni l'Ouest, ni l'Est ?

A l'époque, tous les agents de l'impérialisme prétendent " dénoncer tout néocolonialisme d'où qu'il vienne, celui de l'Est aussi bien que celui de l'Ouest ". (4) On trouve cette même phrase dans la bouche de Malula, de Mobutu ou de Bomboko. Tous font croire à la population congolaise que l'indépendance formelle, accordée par la Belgique, signifie une indépendance réelle, totale. En réalité, cette fausse indépendance inaugure la continuation de la domination économique et politique de l'Occident par d'autres méthodes. Ceux qui sont de véritables agents de l'Ouest, crient que toute relation avec l'Est un crime. Ceux qui veulent la perpétuation de la domination impérialiste, font croire que les seuls alliées possibles d'un Congo indépendant, les pays communistes, veulent dominer et tyranniser le pays. L'anticommunisme barre la route à une politique d'alliances internationales capables de faciliter l'indépendance politique et économique. L'anticommunisme lie le Congo pieds et poings liés à ses pires exploiteurs, aux pires assassins, les impérialistes américains, français et belges. Le peuple en subira les conséquences catastrophiques pendant 37 ans.

 

1) Houart Pierre : La pénétration communiste au Congo, éd. CDI, Bruxelles, 1960,p.95; 2) ibidem, p.94-95; 3) Houart, p. 51; 4) Houart, L'Afrique aux trois visages, éd. CDI, Bruxelles, 1961,p.189.

 

Paroles célèbres de Patrice Lumumba (III)

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L'ancien pacifiste, prend les armes 

Comme tous les jeunes de sa génération, Lumumba subit le lavage de cerveaux dans les écoles coloniales. La religion est utilisée pour inculquer la soumission. L'Eglise, qui a aidé les troupes de Léopold II à conquérir le Congo par le feu et le sang, prêche la non-violence pour les Noirs. Lumumba a été éduqué dans le pacifisme et l'acceptation du colonialisme. Le génie de Lumumba s'est exprimé dans son amour des masses opprimées, dans sa soif de justice pour les pauvres et dans sa profonde honnêteté. Ces qualités lui ont permis de se débarrasser de toutes les fausses idées, inculquées par l'éducation coloniale. Lumumba a critiqué radicalement ses propres conceptions, pour devenir, pas à pas, dans le feu de la lutte, un véritable nationaliste et révolutionnaire. Il est un exemple pour la jeunesse congolaise d'aujourd'hui.

 

Oser penser, oser lutter 

A propos de l'indépendance, Lumumba disait encore ceci en 1956 : "Certains Blancs, tr"s peu recommandables, qui abusent de la crédulité des Noirs encore peu cultivés, instiguent ceux-ci à réclamer immédiatement l'indépendance. Ils vont jusqu'à insinuer que l'autonomie ne pourra être obtenue sans effusion de sang, que tous les pays occidentaux ont dû, pour obtenir leur indépendance, se battre, et que les Congolais devraient faire de même s'ils veulent se libérer des Belges. Triste mentalité! Nous devons rejeter ces idées d'où qu'elles viennent. Le Congo obtiendra son autonomie dans la dignité et non dans la barbarie. Ce serait commettre un acte de la plus grande barbarie, du banditisme que de sacrifier des vies humaines, nos membres de famille qui nous sont chers, pour la soif de l'indépendance." (Le Congo, terre d'avenir, est-il menacé?, Patrice Lumumba, pp.162-163)

 

Trois ans suffiront pour que la conception du monde de Lumumba soit profondément bouleversée. Il perce le caractère mensonger, hypocrite et intéressé de la propagande coloniale. En décembre 1958, Lumumba exprime à Accra sa solidarité avec la lutte armée en Algérie, au Cameroun, au Kenya, en Afrique du Sud, en Rhodésie, en Angola et au Mozambique.

Deux semaines après son retour d'Accra, a lieu l'insurrection du 4 janvier 1959 à Kinshasa. Trois cents Congolais sont tués par l'armée. Lumumba prend résolument la défense des pauvres qui ont osé se soulever contre le colonisateur.

Lors du congrès du MNC-L à Kisangani, le 28 octobre 1959, la gendarmerie attaque les nationalistes et tue 20 personnes. Ces jours-là, Lumumba apprend au peuple à ne pas avoir peur devant les fusils de l'ennemi.

"Marchez, n'ayez pas peur! Nous vous demandons si nous mourons demain de garder nos enfants convenablement. Nous allons mourir pour vous et nous ne le craignons pas. Les Belges sont venus avec leurs gros engins, avec des soldats armés de fusils pour nous tuer si nous disons que nous voulons obtenir notre indépendance. " " Eux, ils ont des fusils, nous, nous avons nos mains. Je vous le demande à vous: est-ce que vous avez peur? Nos mains suffiront!"

(La pensée politique de Lumumba, pp.108-111)

 

Une guerre populaire contre l'occupation belge

Quand, les jours qui suivent l'indépendance, il se voit confronté à la triple agression de l'armée belge, des gendarmes et mercenaires de Tshombé et des troupes de l'ONU, Lumumba s'engage sans hésitation dans la voie de la lutte armée patriotique.

Lumumba s'appuie principalement sur le peuple pour combattre les agresseurs et leurs laquais, Tshombé et Kalonji. Le 20 juillet 1960, il lance un appel à la radio: "Nous préférons mourir pour notre liberté plutôt que de vivre encore dans l'esclavage. Toutes les forces vives de ce pays sont mobilisées pour sauver l'honneur de la patrie et défendre courageusement son indépendance."

(La pensée politique de Lumumba, pp.252)

 

Lumumba soutient fermement la véritable guerre populaire que les paysans et les ouvriers livrent dans le Nord-Katanga contre les troupes belges et les gendarmes thsombistes. Le jeune Laurent Kabila parcourt la région, de village en village. Il est déjà un dirigeant reconnu et populaire de la résistance patriotique armée.

Un responsable de la Gécamines déclare: "Les 3.000 travailleurs obéissent tous aux mots d'ordre du Balubakat. Tout le pays est Balubakat et les gens d'ici n'ont qu'un Dieu, Lumumba."

(Katanga, enjeu du monde entier, P. Davister, Bruxelles, 1960, p.160)

 

Un sympathisant belge de Tshombé témoigne de l'ampleur des combats: "En décembre 1960, on évaluait à 7.000 environ le nombre des rebelles tués depuis le début des opérations de représailles de l'armée katangaise dans le Nord-Katanga. Normalement, il faut multiplier ce chiffre par 2, par 3, par 10. Des villages entiers ont été rasés et les armes automatiques ont fauché littéralement des rangs entiers de jeunesse." (ibidem, p.161)

 

S'appuyer sur les éléments patriotiques de l'armée

Pour lutter contre l'agression, Lumumba mobilise aussi les éléments nationalistes de l'ANC. Il concentre ses meilleures troupes en vue d'une opération contre les sécessionnistes du Katanga et du Sud-Kasaï.

Sur ordre des Américains, Mobutu arrête l'offensive victorieuse. Son homme de confiance, Francis Monheim, reconnaît: "Le colonel Mobutu donne ordre à ses troupes de revenir à Kinshasa. Lumumba convoque son chef d'état-major. 'Je suis ministre de la Défense nationale', dit-il à Mobutu, 'et je ne suis au courant de rien. Vous, vous n'êtes qu'un simple colonel et vous ordonnez le cessez-le-feu sans même consulter votre commandant en chef, le général Lundula'."

(Mobutu, l'homme seul, F. Monheim, Bruxelles, 1974, p.115)

 

Guerre révolutionnaire pour libérer le Katanga et le Kasaï

Le 5 septembre, Kasavubu fait un coup d'Etat et dissout le gouvernement Lumumba. Il exige que les soldats de l'ANC déposent les armes. Lumumba dénonce cette trahison.

"Monsieur Kasavubu accuse le Gouvernement de jeter le pays dans une guerre civile atroce, alors que le Gouvernement ne fait que défendre le pays contre l'agression brutale, déclenchée à l'égard de la République par les troupes belges. Kasavubu a demandé à l'armée nationale de cesser les luttes fratricides. Le peuple tout entier sait que les soldats congolais, voulant défendre la Patrie, n'ont fait que sauvegarder l'intégrité du territoire national. Les troupes de l'Armée Nationale ne se sont livrées à aucune lutte fratricide. Le Gouvernement et le peuple congolais leur rendent hommage pour le patriotisme et l'héroïsme avec lesquels elles ont défendu la Nation contre l'agression et contre les mouvement de sédition colportées à travers le pays par les impérialistes belges et leurs alliés. Monsieur Kasavubu demande à l'armée nationale de déposer les armes. Le Gouvernement voit dans cette déclaration l'intention de Monsieur Kasavubu de faire occuper militairement le Congo par des troupes étrangères. Il veut interdire ainsi aux troupes de l'Armée Nationale d'entrer au Katanga dans le but de libérer leurs frères opprimés et asservis par les Belges et leur homme de paille, Tshombé."

"Pour Kasavubu, le fait de vouloir intégrer le Katanga pour libérer nos frères, est une guerre atroce, parce qu'il a déjà des contacts avec Tshombé. La victoire du Gouvernement central au Katanga est une victoire sur l'impérialisme. L'Abako s'est arrangée pour dépêcher des émissaires au Katanga. Elle a constitué une délégation composée des membres de l'Abako, du Puna et du M.N.C.-Kalonji. La complicité de l'Abako est manifeste dans l'affaire Katanga."

La pensée politique de Lumumba, pp.332; Annales de la Chambre du Congo, 1960, 7 septembre, p.20)

 

Vers Kisangani pour diriger la guerre de liberation

Le 27 novembre, Lumumba quitte sa résidence pour rejoindre Kisangani et y prendre la tête des troupes loyalistes. Il pense que l'armée nationaliste peut prendre Kinshasa à partir de Kenge et Bolobo.

Lors de son passage à Mangaï, le 30 novembre, tous les hommes accourent, les armes à la main. Lumumba improvise un discours: "Frères, vos armes sont inutiles maintenant, mais prenez-en soin. Il faudra combattre pour la liberté. Les colonialistes ne veulent pas nous la donner pacifiquement, nous la conquerrons, les armes à la main."

(Patrice Lumumba et la liberté africaine, L. Volodine, Moscou, s.d., p.114)

 

L'arrivée de Lumumba à Kisangani sera le détonateur d'une guerre révolutionnaire pour libérer le Congo de toute occupation étrangère. Le commandant des troupes de l'ONU, Karl von Horn, note: "A parler franchement tout le pays aurait pu être mis à feu et à sang, si Lumumba était parvenu à Kisangani."

Le 1er décembre, les soldats de Mobutu rattrapent Lumumba et le livrent ensuite à Tshombé.

Sachant qu'il va mourir, Lumumba lance dans sa dernière lettre un ultime appel pour la lutte armée de libération: "Je sais et je sens au fond de moi-même que tôt ou tard mon peuple se débarrassera de tous les ennemis intérieurs et extérieurs, qu'il se lèvera comme un seul homme pour dire non au colonialisme dégradant et honteux et pour reprendre sa dignité sous un soleil pur."

C'est à la suite de cet appel que, trois ans plus tard, dans les premières semaines de 1964, le peuple congolais s'est levé comme un seul homme pour le combat sous la direction de Pierre Mulele et du Conseil National de Libération.

(La pensée politique de Lumumba, p. 390)

 

L'histoire d'une vie exemplaire (V)

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Une guerre de libération depuis Kisangani 

Le 9 octobre, Lumumba, qui est protégé par les soldats ghanéens de son ami Nkrumah, fait une sortie dans la Cité où il parle à plusieurs endroits devant un public enthousiaste. Bomboko est furieux et s'écrie : " L'ANC est prête à se battre contre les troupes de l'ONU pour arrêter Lumumba." Deux cents militaires de Mobutu, envoyés pour arrêter Lumumba, sont repoussés par les soldats ghanéens. (2)

Pendant un mois, Lumumba restera enfermé dans sa résidence.

Pendant cette période, c'est à Kisangani que les choses bougent. A la mi-octobre, cette ville voit se développer un combat acharné entre partisans de Lumumba et partisans de Mobutu. Le 11 octobre, Jean-Pierre Finant, président du gouvernement et proche compagnon de Lumumba, est arrêté. Il sera massacré à Bakwanga par les bandes de Kalinji. A ses côtés, Joseph Mbuyi aura les yeux arrachés et le corps percé par des coup de baïonnettes. Mais le 23 novembre, les militaires fidèles à Lumumba chassent définitivement les soldats de Mobutu de Kisangani. Gizenga, installé dans la ville depuis le 14 novembre, prépare l'arrivée de Lumumba. (3)

Vers le 17 novembre, Lumumba reçoit une lettre de Kisangani. Elle dit que les soldats de l'ANC de l'intérieur du pays lui sont très favorables. Si Lumumba arrive à Kisangani, toute la situation du Congo peut changer. Une opération militaire à partir de Kenge au Kwilu et de Bolobo au Mai Ndombe aura toutes les changes d'aboutir à la libération de Kinshasa.

Lumumba décide de partir vers l'Est. (4)

 

L'arrestation de Lumumba par Mobutu 

Dans la nuit du 27 novembre, Lumumba quitte Kinshasa en voiture. Son convoi passe par Kenge et arrive à Masi-Manimba le lendemain à 19h00.

La CIA a immédiatement mobilisé ses hommes de confiance parmi les troupes de l'ONU et celles de Mobutu. Un câble de la CIA du 28 novembre dit : " La station travaille avec le gouvernement congolais pour bloquer les routes afin d'empêcher la fuite de Lumumba." (5)

Karl von Horn a aussi contribué à "retrouver" Lumumba. Dans ses Mémoires, le commandant des troupes de l'ONU, se félicite de l'arrestation de Lumumba : "A parler franchement, tout le pays aurait été mis à feu et à sang si Lumumba était parvenu à Kisangani." (6)

Lumumba traverse le Kwilu en passant par Bulungu et Mangai. Puis, on le trouve à Brabanta, Port-Franqui, Mweka et Lodi. Dans cette dernière localité, le 1er décembre, à 23h00, Lumumba passe la rivière Sankuru en pirogue en compagnie de Pierre Mulele, de Valentin Lubuma et de Mathias Kemishanga.

Un peu plus tard, le bac arrive sur l'autre rive et un groupe de soldats mettent pied à terre. Lumumba, seul, s'avance pour discuter avec eux. Après de longues palabres, il est arrêté et conduit à Port-Franqui le 2 décembre au matin. Mulele parviendra à Kisangani.

Sur instructions de Mobutu, le chef de la Sûreté, Nendaka, ordonne à Pongo de ramener Lumumba à Kinshasa. Le soir, à 17h00, un DC 3 d'Air Congo, ramène Lumumba à Ndjili. Il est ligoté et jeté ligoté sur un camion militaire, puis conduit au camp de Binza, devant Mobutu. " Le colonel Mobutu, les bras croisés, a regardé calmement ses soldats frapper et bousculer le prisonnier et le tirer par les cheveux. " (7)

Lumumba est tabassé avec une extrême violence, les militaires lui brûlent la barbe. Au matin du 3, il est enfermé au camp Hardy de Thysville.(8)

 

Les lumumbistes contre-attaquent 

Le 7 décembre, Kasavubu se réjouit de la capture de son principal adversaire: "Je m'étonne de l'importance attachée à l'arrestation de Lumumba par un certain nombre de délégations afro-asiatiques et est-européennes; en effet, Lumumba est sous le coup d'un mandat d'arrestation depuis septembre. Il s'est rendu coupable des infractions suivantes : atteintes à la sécurité de l'Etat et organisation de bandes hostiles dans le but de porter la dévastation et le massacre."

Kasavubu y ajoute qu'à Kisangani, où règnent les lumumbistes, les gens connaissent "le terrorisme, la torture et la suppression de toute liberté individuelle." (9)

Mais, en réalité, à Kisangani le pouvoir lumumbiste se consolide et s'étend. Le 12 décembre, Gizenga déclare que Kisangani est désormais le siège du gouvernement légal et la capitale provisoire de la République." (10)

Deux semaines plus tard, les lumumbistes prennent le pouvoir à Bukavu, capitale du Kivu. Le 1er janvier 1961, Pongo, l'homme qui arrêta Lumumba, échoue lamentablement dans sa tentative d'occuper Bukavu. Il est fait prisonnier. Kashamura forme un gouvernement lumumbiste à Bukavu.

Le 9 janvier, les troupes congolaises fidèles à Lumumba et dirigées par Lundula, libèrent Manono. La lutte armée pour la libération du Katanga prend de l'ampleur.

Cette montée de la lutte révolutionnaire populaire aboutirait certainement à la victoire si Lumumba, libéré, pouvait se mettre à sa tête.

Le 13 janvier, sous l'impulsion de Mulele et des militants du PSA et du MNC-L, une mutinerie éclate à Thysville pour libérer Lumumba.

 

La CIA veut la mort de Lumumba 

La CIA comprend qu'il est urgent d'assassiner Lumumba si elle veut sauver la domination impérialiste sur le Congo.

Depuis octobre, la CIA poursuit une ligne constante : utiliser ses agents congolais pour éliminer Lumumba. Hedgman, le chef de station de la CIA à Kinshasa, câblait alors : "Station a fermement poussé leaders congolais arrêter Lumumba ; pense Lumumba continuera à être menace pour stabilité Congo jusqu'à son élimination de la scène." (11) Le 13 janvier, après la mutinerie qui faillit libérer Lumumba, Hedgman envoie un autre message au directeur de la CIA : "La combinaison des talents de Lumumba comme démagogue, sa capacité d'utilisation de groupes de propagande assureraient presque certainement Lumumba d'une victoire au parlement. Le refus de prendre des mesures radicales maintenant conduira la politique des Etats-Unis au Congo à la défaite." (12)

Nous avons ici la décision finale de la CIA pour l'élimination de Lumumba. A ce moment, la CIA est en relation permanente avec Mobutu, Kasavubu, Tshombé, Munongo, Nendaka, Kazadi, Adoula et tous ceux qui sont mêlés à la décision d'envoyer Lumumba à la boucherie de Lubumbashi.

Le 14 janvier déjà, la Sûreté de Nendaka envoie un télégramme à Lubumbashi: "Collège commissaires généraux se permet insister afin obtenir accord pour transférer Lumumba dans province du Katanga." Deux commissaires, Ferdinand Kazadi et Mukamba Jonas, sont chargés d'accompagner le prisonnier dans l'avion.

 

L'assassinat du 17 janvier 1961 

17 janvier à 16h45, trois hommes noirs, les yeux bandés et les bras ligotés derrière le dos, sortent du DC 4 qui vient d'atterrir à la Luano, Lubumbashi. Il s'agit de Lumumba, Mpolo et Okito. Ils sont immédiatement encerclés par des gendarmes katangais, encadrés par des officiers belges. Munongo assiste à la scène. Lumumba et ses deux compagnons ont été tués le même soir.

Les services de renseignement occidentaux et leurs hommes de main sont immédiatement au courant de la mort de Lumumba. Le 19 janvier déjà, des officiers congolais, assistés par le conseiller militaire de Mobutu, le colonel belge Marlière, arrivent à Lubumbashi pour discuter avec Tshombé d'un accord de coopération militaire Kinshasa-Lubumbashi et d'un commandement unique. Nendaka débarque quelques jours plus tard. Tous les défenseurs de l'impérialisme comprennent que l'annonce de la mort de Lumumba provoquera une révolution dans tout le pays. Ils veulent du temps pour se préparer à l'affronter. Ils savent que les Kasavubu, Mobutu et Bomboko à Kinshasa auront besoin de l'aide militaire des Tshombé à Lubumbashi et des Kalonji à Babwanga pour combattre le nouvel essor de la révolution populaire nationaliste.

Ce n'est que le 13 février que Munongo annonce à la presse internationale la mort de Lumumba "tué par des villageois dans un petit village près de Kolwesi." Dans le texte qu'il a lu, il y a cette phrase : "On nous accusera de les avoir assassinés. Je réponds: Prouvez-le !" (13)

 

" Nous suivrons l'exemple de Lumumba ! " 

Le lendemain, au Caire, Pierre Mulele fait une déclaration au nom du gouvernement légal : " Les patriotes congolais s'engagent aujourd'hui à suivre l'exemple de Lumumba et à combattre jusqu'à ce que la libération totale de leur pays soit réalisée sous la conduite du gouvernement légal congolais. L'assassinat de Lumumba a été préparé et exécuté par les colonialistes belges et leurs hommes de main congolais. M. Hammarskjöld figure parmi les responsables de la mort de l'ex-premier ministre congolais. Le secrétaire général de l'ONU est l'instrument de la politique de l'administration américaine. Le gouvernement de Kisangani va prendre les mesures nécessaires contre les colonialistes belges et leurs alliés et contre tous ceux directement ou indirectement responsables de la mort de Lumumba et de ses deux compagnons." (14)

 

1) Heinz et Donnay,p.36; 2) ibidem,p.38; 3) Congo, 60, II, p.997-8 et 1042; 4) Heinz et Donnay,p.17; 5) Les Complots de la CIA,p.152; 6) von Horn,p.236; 7) AP, dans Heinz et Donnay,p.64; 8) ibidem ,p.69; 9) Congo, 60, II, pp.1060-61; 10) ibidem, p.1041; 11) Les complots,p.142; 12) ibidem, p.152-153; 13) Congo 1961,p.665; 14) Courrier Africain, 13 mars 1964, p.5.

 

Les paroles célèbres de Patrice Lumumba (IV)

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Depuis le premier jour de l'indépendance, tous les " évolués " qui s'étaient vendus au colonisateur, menaient des campagnes pour détruire le gouvernement nationaliste. Souvent liés au milieux catholiques, ils avaient le plein soutien de la bourgeoisie belge et de ses différentes organisations. Ainsi, fin juillet 1960, le syndicat chrétien de Bolikango, l'UTC, publie un communiqué se plaignant de ce que "le Congo s'est engagé sur la voie de la misère." Le syndicat pro-colonialiste rend Lumumba responsable des fermetures d'usines, des augmentations de prix, de l'accroissement du chômage.

Gust Cool, le président du syndicat chrétien belge qui patronne l'UTC, déclare le 15 août 1960 : "La liberté des personnes, la liberté d'association, la liberté syndicale, sont menacées au Congo. Le problème, tel qu'il se pose aujourd'hui, le 15 août 1960, n'est plus une question de relations entre le Congo et la Belgique, mais un combat entre la liberté et la dictature." (Aktiviteitenverslag 1960, in L'argent du PSC-CVP, Ludo Martens, EPO, Anvers, p.94)

Lumumba comprend parfaitement que ces complots sont dirigés par la Belgique, qui utilise ses hommes de main, les Malula, Ileo, Bolikango, Tsombé, Kalonji, Boboliko.

 

Le peuple doit se défendre contre ses ennemis 

Lumumba déclare qu'un gouvernement patriotique doit avoir le courage de lutter contre les ennemis du peuple, contre les ennemis de l'indépendance.

"C'est le peuple qui, à travers son gouvernement central, va lutter contre la mauvaise propagande, contre les ennemis de la liberté, contre les ennemis de la patrie, contre les traîtres. On a distribué à travers la cité de Léo des milliers de tracts séditieux qui sont venus tout droit de Bruxelles. Ils ont été transportés à bord des avions Sabena, dans des caisses portant la mention 'Journaux'. Un de ces tracts dit: 'Congolais, Lumumba va vendre vos femmes à la Russie'. Un autre tract, texte en Lingala : 'J'ai fait le pacte avec le diable, tant pis pour les Congolais.' Les Belges ne peuvent plus distribuer eux-mêmes leurs tracts aujourd'hui, et ce sont des Noirs qui détruisent le Congo, pour avoir reçu 500 francs. Si c'est votre frère, votre fils qui vend notre pays, qui collabore avec l'ennemi, c'est à vous, au peuple, d'être juge, d'arrêter ce voyou, ce collaborateur, ce traître." "Nous avons décidé de réglementer la liberté de la presse. Personne ne peut affirmer que le Courrier de l'Afrique est un journal appartenant à un Congolais. Qui parmi vous ignore que le Courrier de l'Afrique est un organe du syndicat chrétien de la Belgique? Qu'il est un organe de propagande contre notre peuple ? Nous avons décidé de réglementer tous ces journaux qui sont contre la Nation. Ce sont tous ces milieux catholiques qui mènent leur propagande dans leurs journaux qui provoquent tous les malheurs que nous connaissons. Devons-nous permettre cet état de choses? Alors que l'on prend des mesures pour vous libérer, ils appellent cela de la dictature!" (La pensée, pp.311-312)

Sur le mauvais usage de la religion

"Des évêques abandonnent leur mission d'évangélisation pour s'ingérer dans les affaires de l'Etat. Les Missions abandonnent leur mission pour mener une campagne d'obstruction à l'égard de l'Etat. Jour après jour, nous nous voyons insultés à travers leur presse. Ils ont porté gravement atteinte à la sûreté de l'Etat, ils ont commis des infractions graves." (La pensée, p.289)

"Ces anti-nationaux, déjà à la solde des colonialistes, touchent l'argent des colonialistes, et avec cet argent ils écrivent des saletés. Aujourd'hui, des mouvements, soi-disant des mouvements familiaux catholiques, vont jusqu'à attaquer le gouvernement au nom des ligues, des jocistes, des groupements catholiques. Ils veulent détruire la nation congolaise, nous n'allons plus tolérer cela. C'est la séparation de l'Eglise et de l'Etat. Notre gouvernement ne va jamais s'ingérer dans les affaires de l'Eglise." (La pensée, p.290)

"Le gouvernement ne peut d'aucune façon tolérer qu'on s'immisce dans les affaires de l'Etat Nous ne regardons rien d'autre que l'intérêt du peuple, et non l'intérêt des milieux financiers ou de l'Eglise de ceci ou cela Nous ne voulons pas qu'on fasse au Congo ce qu'on fait en Belgique, la dictature de l'Eglise sur le gouvernement. Et c'est un gouvernement catholique, ce sont ces milieux catholiques qui ont, de façon systématique, durant 80 ans, retardé l'émancipation politique du Congo. Ce sont ces gens qui disaient qu'il ne fallait pas introduire la politique au Congo parce que "la politique leur permettra de voir clair." Et ce sont ces mêmes milieux catholiques et religieux qui, même récemment, pendant la campagne électorale, prêchaient contre les nationalistes."(La pensée, p.290)

"Il fallait simplement réciter le catéchisme colonial pour qu'on vous bénisse. Le fait pour un Congolais d'avoir exprimé son idée : "C'est un anti-Blanc, c'est une mauvaise religion" Interdiction ! C'est ça qu'ils veulent faire aujourd'hui pour démontrer à travers le monde que nous sommes des communistes." (La pensée, p.296)

"Nous allons procéder à la décolonisation mentale parce qu'on endoctrine faussement le peuple depuis 80 ans. Avec notre cerveau, avec nos mains, nous allons développer le Congo." (La pensée, p.300)

A propos du communisme et de l'impérialisme

"En Afrique, tout ce qui est progressiste, tout ce qui tend au progrès est qualifié de communiste, de destructeur. Il faut toujours faire des courbettes et accepter tout ce que les colonialistes vous offrent. Nous sommes simplement des hommes honnêtes et notre seul objectif a été: libérer notre pays, construire une nation libre et indépendante." (La pensée politique de Lumumba, p.272)

"On parle de communisme. Savez-vous, mes chers amis, que certains jouent le jeu des impérialistes? Pendant la campagne électorale, les missions catholiques avaient imprimé des brochures qu'elles ont distribuées partout et prêchaient même dans les églises de ne point voter Lumumba, de ne point voter Kashamura. Est-ce que le peuple les a écoutées?" (La pensée, p. 342)

"Les impérialistes disent qu'ils sont contre le communisme, qu'ils sont contre l'Union soviétique et quand nous leur demandons une aide, ils nous la refusent et préfèrent la donner à Tshombé et à tous ceux qui réalisent leurs manoeuvres Tous ces discours dans lesquels on me taxe de communiste, où l'on prétend que j'aurais l'intention de faire du Congo une Union soviétique, sont en réalité écrits par les Belges et les Français." (La pensée, pp.344-345)

"L'Union soviétique est un peuple comme toute autre nation. Les questions d'idéologie ne nous intéressent pas. Notre politique de neutralisme positif nous recommande de traiter avec toute nation qui a des intentions nobles et qui ne viendrait pas chez nous dans le but d'instaurer une autre domination." (La pensée, p.281)

"Quand nos frères luttaient partout, étaient-ce des Russes qui nous instiguaient à réclamer l'indépendance? Qui nous a exploités durant 80 ans, n'est-ce pas les impérialistes? Ils considèrent le Congo, avec ses richesses, comme leur réserve nationale." (La pensée, p.366)

"En Afrique, tous ceux qui sont progressistes, tous ceux qui sont pour le peuple et contre les impérialistes, ce sont des communistes, ce sont des agents de Moscou!!! Mais tout ce qui est en faveur des impérialistes, celui qui va chercher chaque fois l'argent, le mettre en poche pour lui et sa famille, c'est un homme exemplaire, les impérialistes le loueront, le béniront. Voilà la vérité, mes amis." (La pensée, p.367)

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