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22 décembre 2010 3 22 /12 /décembre /2010 02:44

Giacomo Matteotti fut lui aussi, sinon par son âge, du moins par l’école politique dont il fit partie, un de ces pionniers. Il fut un de ceux à qui le prolétariat italien demandait de le guider pour tirer de son sein sa propre organisation économique, son propre État, son propre destin ; il fut de ceux dont dépendit la solution, la seule solution possible, de la crise italienne. Il est peut-être superflu de rappeler aujourd’hui comment, dans la pratique, la direction n’a pas été à la hauteur et comment les forces du mouvement se sont taries, en laissant la voie ouverte au triomphe éhonté de ses plus féroces ennemis, oui, il est peut-être superflu de le rappeler, si ce n’est pour mettre en lumière la contradiction interne, irrémédiable, qui pourrissait à la racine la conception politique et historique de ces premiers chefs du renouveau des ouvriers et des paysans d’Italie, et qui condamnait leur action à un insuccès tragique, effrayant. Éveiller à la vie civique, aux revendications économiques et à la lutte politique des dizaines et des centaines de milliers de paysans est une entreprise vaine si elle n’aboutit pas, après avoir éveillé ces forces, à indiquer aux masses laborieuses les moyens et les voies qui leur permettront de s’affirmer pleinement et concrètement. Les pionniers du mouvement qui a marqué l’éveil des travailleurs italiens n’ont pas su parvenir à cette conclusion-là. Au moment même où elle ébranlait les piliers d’un système économique, leur action ne prévoyait pas la création d’un système différent dans lequel les barrières du premier auraient été pour toujours dépassées et abattues. Cette action engageait une série de conquêtes et elle ne pensait pas à leur défense. Elle donnait à une classe conscience de soi et de ses propres destinées, et ne lui donnait pas l’organisation de combat sans laquelle ces destinées ne pourraient jamais se réaliser. Elle posait les prémisses d’une révolution et elle ne créait pas de mouvement révolutionnaire. Elle ébranlait les bases de l’État et croyait pouvoir éluder le problème de la création d’un État nouveau. Elle déchaînait la rébellion et ne savait pas la conduire à la victoire. Elle partait d’un désir généreux de rédemption totale et s’épuisait misérablement dans le néant d’une action sans issue, d’une politique sans perspectives, d’une révolte qui, une fois passé le premier instant de stupeur et d’égarement des adversaires, était condamnée à être étouffée dans le sang et dans la terreur d’une répression réactionnaire.

Le sacrifice héroïque de Giacomo Matteotti est pour nous l’ultime expression, la plus évidente, la plus tragique et la plus haute, de cette contradiction interne dont tout le mouvement ouvrier italien a souffert pendant des années et des années. Mais si l’impétuosité de cet éveil et les efforts tenaces du passé ont pu être vains, si l’on a pu voir avec terreur s’écrouler en trois ans l’édifice si péniblement construit pierre après pierre, ce sacrifice suprême qui résume tout l’enseignement d’un passé de douleurs et d’erreurs ne doit pas, ne peut pas rester vain ».



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