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2 septembre 2011 5 02 /09 /septembre /2011 13:08

LA RESISTANCE NATIONALE-BOLCHEVIQUE 

AU IIIe REICH

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Dans un précédent article, nous évoquions la Résistance nationale-bolchevique et nationale-révolutionnaire contre le IIIeme Reich, une terre souvent méconnue, bien qu’elle ne soit pas inconnue des historiens qu’ils soient allemands ou francophones (1). Pourtant, de nombreux travaux existent qui permettent de retracer le combat en Allemagne même de ceux qui, issus de tous les horizons, refusèrent de s’incliner devant la bête hitlérienne. Au premier plan desquels nous retrouvons les Nationaux-Bolchéviques et les Nationaux-Révolutionnaires.

 

 

PROBLEMATIQUE DE LA RESISTANCE ALLEMANDE

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La Résistance allemande contre le Nazisme, nous l’avons dit, est souvent méconnue. Elle est au centre d’un vaste débat en Allemagne même depuis cinq décennies, où les appréhensions et les a priori jouent un rôle de premier plan. Singulièrement, dans l’espace francophone, la Résistance allemande, sur laquelle il existe peu de sources francophones, est la grande parente pauvre de la recherche historique sur la deuxième guerre mondiale, quand elle n’est pas laminée par une démarche historique peu sérieuse où l’amateurisme le dispute à la mauvaise vulgarisation.

Au sein de cette recherche, le rôle des Nationaux-révolutionnaires et des Nationaux-bolcheviques allemands, qui furent dès 1932 les premiers à résister contre l’Hitlérisme et qui, comme nous le verrons, animèrent les tentatives les plus sérieuses et les plus efficaces de lutte contre le IIIeme Reich, est la plupart du temps passé sous silence. Là aussi les raisons idéologiques prédominent.

En Allemagne de l’Est, dans l’ancienne RDA, la Résistance allemande fut au contraire exaltée pour des raisons idéologiques tout aussi évidentes, l’antifascisme étant l’un des piliers du régime national-communiste de Berlin.

Alors que l’on ignorait et que l’on taxait même parfois de trahison en RFA les militants nationaux-bolcheviques de l’« Orchestre Rouge », ceux-ci furent encensés en Allemagne de l’Est. Il en alla de même pour de nombreux résistants d’origine communiste.

 

 

LES VICTIMES DE HITLER TUEES UNE SECONDE FOIS !

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Avec la disparition de la RDA, on assiste quasi officiellement à une tentative du régime bourgeois allemand de faire disparaître cet aspect de la Résistance. En Allemagne de l’Est, les monuments, les musées, le souvenir même de la Résistance antifasciste sont systématiquement depuis la réunification détruits, sournoisement éliminés (2).

La journaliste allemande Monika ZORN a consacré un livre au titre explicite à cette révision de l’Histoire : "Les victimes de Hitler tuées une seconde fois" (3). Elle y explique notamment que cette destruction du passé anti-fasciste allemand en RDA va également de pair avec une certaine forme de réhabilitation du militarisme allemand et partant du Nazisme, expliquant notamment le cas de gardiens SS des camps de concentration, qui, internés après la guerre par les Russes à Sachsenhausen et Büchenwald voient aujourd’hui leurs noms et leurs grades figurer sur des stèles de "victimes de la barbarie stalinienne" ! "On dresse maintenant des stèles à leur mémoire, en temps que victimes de la barbarie stalinienne. Parfois même avec leur grade dans la SS ! C’est oublier que c’était des nazis qui y étaient enfermés !" précise-t-elle (4). Elle dénonce aussi la planification de cette révision de l’histoire : "Au cours de nos recherches, nous avons été étonnés de cette "systématisation" dans tout le pays. On efface avec méthode la mémoire. Les petits sites commémoratifs sont purement et simplement fermés. Et dans les grands camps comme Buchenwald ou Sachsenhausen, on dénature les expositions qui existaient au temps des communistes" (5).

C’est là exactement la thématique révisionniste de l’extrême-droite partout en Europe et telle qu’on peut aussi l’entendre dans l’extrême-droite belge ou française.

Le récent débat autour d’une exposition consacrée aux crimes de guerre incontestables de la Wehrmacht pendant la dernière guerre (6) et la réaction des partis officiels allemands de droite est également significative du climat qui règne en Allemagne à ce sujet (7) (8).

 

 

DE L’OUBLI DE L’INSULTE...

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Cette volonté d’oubli de la Résistance antifasciste en Allemagne va de pair avec sa minoration dans l ’espace francophone. A quoi attribuer cette minoration ou cette méconnaissance ?

Sans doute à l’absence de pratique par les historiens francophones des langues comme l’Anglais, l’Allemande ou l’Italien, qui sont les langues principales où on trouve des sources sur ces sujets.

Cela n’excuse rien ! Ainsi dans leur "Dictionnaire des fascismes et du Nazisme" (9), BERNSTEIN et MILZA (10) écrivent à propos de la Résistance allemande au Nazisme les propos scandaleux qui suivent : "le mot de Résistance (widerstand) ne fut utilisé en Allemagne que de manière minoritaire et en pleine lutte clandestine par le groupe de la Rose Blanche" (11). C’est évidemment totalement faux. Nous avons vu dans notre précédent article que d’ailleurs les Nationaux-Bolchéviques regroupés autour d’Ernst NIEKISCH avaient animé jusqu’à leur arrestation et leur déportation en 1937 un mouvement de Résistance politique qui portait explicitement le nom de "WIDERSTAND" et cette éthique de Résistance fut partagée par de nombreux groupes nationaux-bolcheviques, nationaux-révolutionnaires et communistes.

BERSTEIN et MILZA précisent ensuite que "bien qu’il ait été repris après la guerre par analogie avec la Résistance française, le terme d’opposition conviendrait mieux puisqu’on ne retrouve pas dans la lutte allemande antinazie les caractéristiques essentielles de la Résistance européenne (lutte armée, sabotage, maquis, réseau de renseignement)" (12). Cela est tout aussi faux ! Certes, il n’y eut pas de maquis en Allemagne mais des opérations de sabotage eurent lieu dès le milieu des années 30 et jusqu’à la fin de la guerre. Une presse clandestine nombreuse, ramifiée, fut pratiquement diffusée jusqu’aux derniers jours de mai 1945.

Des réseaux de renseignements dont le plus célèbre fut l’ "Orchestre Rouge" animé à Berlin par les Nationaux-bolcheviques HARNACK et SCHULZE-BOYSEN figurent parmi les opérations de renseignement les plus efficaces qui furent menées dans l’ensemble le l’Europe pendant la dernière guerre, comme nous le verrons plus avant.

 

 

CES 700.000 ALLEMANDS QUI ONT DEFIE HITLER

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Ces historiens (mais en sont-ils vraiment ?!) sont pourtant sans excuse puisqu’il existe une véritable encyclopédie de la Résistance allemande, le livre de Gérard SANDOZ : "Ces Allemands qui ont défié Hitler" (13), évoqué dans notre précédent article et qui n’est pas indulgent pour la RFA dans sa volonté d’occulter la résistance allemande : "Quant à la R.F.A., il faut bien admettre qu’elle fait un effort extraordinaire - c’est un euphémisme - pour ne pas faire connaître aux citoyens du pays les femmes et les hommes qui ne s’étaient pas résignés à la passivité face à l’horreur. A cet égard, il est sans doute significatif que le 20 juillet, date souvenir de l’attentat de Von Stauffenberg, n’a pas fait l’objet d’une promotion "officielle". Il est vrai que les idées de la "Révolution conservatrice", c’est-à-dire celles défendues par des acteurs importants de la conjuration, n’ont pas trouvé leur reflet dans la constitution de la R.F.A. qui s’inspire elle, des concepts de la démocratie libérale. Il n’empêche, aussi bien Von Stauffenberg que Julius LEBER, pour ne mentionner que ces deux hommes courageux, encore que très différents, auraient bien mérité une reconnaissance "officielle"". SANDOZ remet clairement les choses à leurs places en ce qui concerne l’ampleur de la Résistance allemande sous le IIIème Reich que BERNSTEIN et MILZA dans leur méconnaissance scandaleuse qualifient de "non événement du XXeme siècle". Etudiant les archives de la Gestapo, la police spéciale politique créée pour détecter et mettre hors d’état de nuire les ennemis du régime, Gérard SANDOZ y découvre pour nous l’ampleur de la Résistance allemande et du prix payé par ses membres pour vivre dignement la tête haute .

"Etait-il possible de résister à ce monstre, à ce Léviathan des temps modernes ? La réponse tient en quelques chiffres significatifs puisés dans les archives de la redoutable Gestapo, organisme policier spécial créé pour détecter et "mettre hors d’état de nuire", selon ses propres termes, les ennemis du régime. Qu’y apprenons-nous ? Que de 1933 jusqu’au début de la guerre, en septembre 1939, plus de 220.000 Allemands, hommes et femmes, ont été condamnés à des peines de prison et de réclusion à l’occasion de procès politiques. Motif principal de l’accusation, selon les termes juridiques consacrés : "préparation d’actes de haute trahison". La même Gestapo note, le 10 avril 1939, qu’à cette date se trouvent incarcérées plus de 11. 000 personnes condamnées pour des délits politiques, environ 27.000 hommes et femmes également des "politiques", dont le procès est en cours d’instruction, ainsi que plus de 160.000 personnes soumises à la Schutzhaft, c’est-à-dire arbitrairement internées dans des camps. Plus significatif encore : en 1941, en pleine guerre, la Gestapo arrête plus de 11.000 personnes accusées d’avoir déployé une activité socialiste ou communiste. Selon les documents du ministère de la Justice retrouvés après la guerre, ont été exécutés 5.684 hommes et femmes en 1943 et 5.764 en 1944, dont seulement un nombre infime pour des raisons non politiques. Pour la période allant du 22 août 1940 au 20 avril 1945 il y a des indications très précises concernant 1.056 personnes qui ont été exécutées dans la seule prison de Brandenburg : 498 avaient été condamnées pour "haute trahison", les autre, 558, pour avoir essayé de "miner le moral des armées". De 1938 à 1945¸ 32.500 Allemands sont condamnés dans les camps. 300.000 Allemands condamnés pour des motifs politiques se trouvaient dans les camps de concentration à la déclaration de la guerre. C’est considérable, même en tenant compte du fait que de nombreux "suspects" ayant simplement proféré des propos "subversifs" ont dû prendre le chemin des camps et des prisons.

Il a été vérifié que, de 1933 jusqu’à la fin de la guerre, près de 700.000 Allemands sont passés par les prisons et les camps de concentration. Au cours du seul premier semestre 1944, c’est-à-dire avant l’attentat du 20 juillet, 300 000 arrestations politiques ont eu lieu dans le Riche. Rappelons aussi que parmi les membres du Reichstag, le parlement allemand, qui furent assassinés, on trouve soixante-deux socialistes, cinquante-sept députés communistes et plusieurs députés d’autres formations. 700 000 Allemands : cela n’est pas négligeable...

Et les procès "réguliers", qu’en sait-on ? A-t-on jamais entendu parler en France des procès de Dresde, de Brême, de Hanovre, de Duisburg, de Wuppertal, de Hambourg, de Berlin et d’ailleurs où, tout au long du règne nazi, des milliers de "marxistes" et autres opposants ont été condamnés à des peines allant de trois à vingt ans de réclusion ? Sait-on que pendant toute cette période, y compris pendant les années de guerre, la Gestapo a constamment saisi des tonnes de tracts et de brochures où le barbare régime nazi était dénoncé en termes véhéments ?" (14).

Lorsque l’on voit donc le traitement officiel scandaleux que la Résistance allemande au Nazisme connaît en Allemagne même, Lorsqu’on découvre les lacunes de la recherche historique dans ce domaine dans le reste de l’Europe, on comprend mieux pourquoi les Nationaux-révolutionnaires et les nationaux-bolcheviques allemands qui résistèrent sous le IIIeme Reich, le plus souvent avec une extrême efficacité sont aujourd’hui des inconnus pour le grand public.

 

 

EN ALLEMAGNE, 

 

UN NOUVEAU REGARD SUR LES ADVERSAIRES D’HITLER

 

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En Allemagne même pourtant la recherche continue. Un livre vient d’ailleurs aux de leur être entièrement consacré aux Editions Harun Verlag par Klaus WOLFFSCHLAG sous le titre "Les adversaires de droite d’Hitler" (15).

Le titre est malheureux car des hommes comme Ernst JUNGER ou Ernst NIEKISCH et ses nombreux militants qui se sacrifièrent dans la lutte antinazie, où ils laissèrent des centaines de morts et de déportés, auraient été les premiers à contester leur situation d'"hommes de droite". Nationaux-révolutionnaires, Nationaux-bolcheviques ou Nationaux-communistes, ils avaient depuis longtemps, à l’instar des HARNACK et SCHULZE-BOYSEN, dépassé les classifications politiques bourgeoises de droite et de gauche.

Le livre de WOLFFSCHLAG a néanmoins le mérite d’étudier clairement les rapports entre ce qu’une certaine école historique appelle la "Révolution conservatrice" et la Résistance antinazie. Le titre évidemment reflète les opinions politiques de l’auteur, collaborateur de l’hebdomadaire national-révolutionnaire "JUNGE FREIHEIT", l’un des organes principaux de ce qu’on appelle en Allemagne la "neue rechte". WOLFSCHLAG analyse de nombreuses figures de l’opposition nationaliste aux nazis. Il les range en plusieurs catégories, notamment les Nationaux-révolutionnaires et les "liguistes" (bündisch) que nous avons déjà évoqués dans notre précédent article. WOLFSCHLAG, qui insiste comme nous venons de le faire, sur la nécessité de rouvrir et de réactualiser un véritable débat sur la Résistance allemande sous le IIIeme Reich, plaide pour une historiographie nouvelle qui évite les systématisations globales, ignorant visiblement et malheureusement l’ouvrage de SANDOZ, exemple presque unique de probité intellectuelle, puisque tous les protagonistes de la Résistance allemande sous le IIIeme Reich y sont unis dans un même souvenir, d’où qu’ils viennent, et dans un même hommage rendu à leur sacrifice incontestable.

 

 

L’ASPECT LE PLUS SPECTACULAIRE

 

DE LA RESISTANCE ALLEMANDE

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L’aspect le plus spectaculaire de la Résistance allemande sous le IIIeme Reich fut l’organisation durable de réseaux de Résistance qui portèrent des coups redoutables à la bête hitlérienne. Il est symptomatique que l’on retrouve à la tête de ces réseaux des Nationaux-révolutionnaires ou des Nationaux-bolcheviques qui menèrent parfois jusqu’à la fin de la guerre leur combat à l’intérieur même des structures militaires, économiques et administratives du Nazisme. Au premier plan de ces réseaux figure l’ "Organisation WIDERSTAND" d’ Ernst NIEKISCH entre 1933 et 1937, ce que les Allemands appellent l’ "Organisation HARNACK - SCHULZE-BOYSEN", c’est-à-dire la branche allemande du réseau connu sous le nom d’ "Orchestre Rouge", le groupe des conjurés du 20 juillet 1944, dont l’action débute, on l’ignore le plus souvent, dès 1937, et enfin, le plus méconnu de tous, le "groupe HIELSCHER", qui de 1933 à 1945 mena un travail de sape inlassable contre le national-socialisme à l’intérieur même de ses organes de direction.

 

LE RESEAU WIDERSTAND, 1932-1937

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Nous avons vu dans notre article précédent que le premier des antifascistes allemands, l’ "adversaire le plus résolu d’Adolf Hitler", selon ses biographes, fut Ernst NIEKISCH, la figure de proue du National-Bolchévisme allemand (16).

Jusqu’à son arrestation par la Gestapo en 1937, NIEKISCH aura une action publique d’opposition radicale au IIIeme Reich, voyageant, rencontrant les adversaires du régime. NIEKISCH continuera à publier, c’est un exemple unique sous le IIIeme Reich, de nombreux livres dans le cadre de sa maison d ’édition dénommée comme sa revue "WIDERSTAND". Cette revue, jusqu’à son interdiction fin 1934, sera d’ailleurs l’un des organes d’opposition au nouveau régime les plus résolus, dans lequel s’exprimèrent avec un courage indéniable de nombreux écrivains Nationaux-révolutionnaires, notamment Friedrich-Georg JUNGER, le frère d’Ernst JÜNGER.

A cette action publique, spectaculaire et courageuse s’ajoutait la constitution d’un réseau clandestin de Résistance sous le IIIeme Reich, dont Gérard SANDOZ décrit l’action. "Voici Ernst NIEKISCH. Tout au long des années qui précèdent l’avènement du national-socialisme, cet écrivain connu est un des principaux doctrinaires de la "révolution nationale et sociale". Son cercle, Widerstand (résistance) publie dès 1926 un journal du même nom. En 1933, quelques-uns des militants groupés autour de Niekisch s’associent au mouvement hitlérien. Mais d’autres, dont Niekisch lui-même, dénoncent le caractère "inhumain" du nazisme, dénoncent sa trahison à l’égard des objectifs socialistes pourtant hautement proclamés, et sont aussitôt arrêtés. D’autres réussissent à échapper aux persécutions et forment des groupes illégaux.

Ceux-ci sont constitués par des fonctionnaires et des intellectuels, des écrivains essentiellement, et parmi eux Bruno von Salomon et Bodo Uhse. A Nuremberg, qui devient le centre de l’activité de ce groupe, Niekisch forme avec Josef Drexel et Karl Tröger, comme lui vétérans du "national-bolchevisme", un réseau qui, tout en ayant des contacts avec des militants communistes de cette ville, conserve cependant intégralement son autonomie. Son journal illégal, Widerstand, sera diffusé dans plusieurs villes du Reich par près de six cents personnes (selon les estimations de la Gestapo).

En dépit de nombreuses arrestations effectuées par les policiers de Himmler, le groupe réussit à maintenir son activité jusqu’en 1937. La Gestapo procède alors à l’arrestation de soixante-dix membres du groupe Widerstand. Niekisch, Drexel et Tröger sont parmi eux. Niekisch, condamné à la prison à perpétuité, survivra, mais plusieurs de ses camarades enfermés dans les prisons hitlériennes et les camps de concentration trouveront la mort.

L’arrestation de Niekisch et de ses amis avait été précédée par le démantèlement presque total de l’organisation La Gestapo avait, à la suite de longues recherches, vérifié l’existence de réseaux du Widerstand non seulement en Bavière (75 arrestations dans cette région), mais également à Berlin, à Hambourg et à Dortmund. Deux cents personnes, indique alors la police secrète, ont été "mises hors d’état de nuire". Dans toutes ces villes il y aura en 1937 des procès contre ces hommes qui se terminent tous par des condamnations à des peines de prison. Un inspecteur des services postaux, Horst Krummreich, membre actif du réseau, préfère se donner la mort plutôt que d’être obligé, sous la torture, de trahir des camarades.

Dans un ouvrage que l’administration de la ville de Nuremberg a récemment consacré à l’activité de ce groupe, on apprend que la plupart des militants animés par les idées de Niekisch "étaient des hommes issus de la bourgeoisie et dont quelques-uns ont eu des positions importantes dans l’industrie". Ce qui est significatif dans l’activité de ces hommes : étant des "nationaux" et toujours soucieux de souligner leur appartenance à la "communauté allemande", ils n’hésitent pas, pourtant, à l’instar de certains conjurés du 20 juillet 1944, à nouer des relations avec l’étranger. Ainsi Niekisch se rendra-t-il plusieurs fois en Suisse, en France, aux Pays-Bas et en Italie pour y prendre contact avec les milieux de l’émigration allemande, amis également avec des représentants "officieux" de ces pays. C’est que, pour certains adhérents de ce courant "national", il devient de plus en plus évident que le régime que s’est donné leur pays ne pourrait être, finalement, vaincu que grâce à une intervention étrangère. Ainsi, Karl Tröger, avec Drexel et Niekisch, l’homme le plus actif de ce groupe, se rendra plusieurs fois illégalement en Tchécoslovaquie. Grâce à l’Abwehr, le service d’espionnage et de contre-espionnage, avec lequel il a noué des contacts, il obtient la possibilité de « sonder » les milieux gouvernementaux à Prague, Tröger prendra aussi sur lui de rapporter en Allemagne de nombreux journaux clandestins où le régime nazi est dénoncé comme "la honte du XXe siècle". Lorsque Tröger paraît devant les juges nazis, le procureur détient la preuve que l’accusé a transporté et diffusé des milliers d’exemplaires de dix-sept journaux où "le Reich est calomnié de manière abominable" ". (17).

 

 

QUAND NIEKISCH ET SES MILITANTS

 

PORTAIENT LE "TRIANGLE ROUGE"

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A partir de 1937 la répression va briser le réseau de NIEKISCH qui apparaît comme la première grande organisation de Résistance au Nazisme à l’intérieur même de l’Allemagne. Emprisonnés sans jugement comme c’était courant sous le IIIeme Reich, NIEKISCH et ses amis ne seront jugés qu’en 1939 et condamnés par un jugement secret du tribunal populaire du 10 janvier 1939, qui organise la mort civile, la déportation et l’emprisonnement des principaux animateurs et militants du Réseau NIEKISCH, dont ses leaders NIEKISCH lui-même, Karl DREXEL et Karl TROGER. La famille de Niekisch, dont la femme Anna est-elle même emprisonnée et condamnée, sera recueillie et aidée par Ernst JÜNGER.

La procédure secrète et l’application des jugements secrets, qui ne furent même pas portés à la connaissance de NIEKISCH, qui les connaîtra seulement après la guerre, montrent quel pouvait être l’espace de liberté dans le IIIeme Reich, mais aussi la férocité de la répression. Les antifascistes de salon, qui aujourd’hui dénoncent le Nazisme alors que leurs prédécesseurs idéologiques n’ont pas eu ce courage, ont oublié ce que signifiait le Nazisme et n’ont pas la moindre idée de ce que signifiait vraiment le combat contre la bête hitlérienne.

Ce combat scandaleusement méconnu de NIEKISCH et de ses amis a pourtant laissé des témoins. Il existe notamment le livre de Joseph DREXEL, qui s’intitule "Voyage à Mauthausen. Le cercle de Résistance de Nuremberg", et qui a été publié en langue française à Paris en 1981, une première édition en langue allemande l’étant en 1966. Ce livre, qui contient le texte secret du jugement du tribunal "populaire" (sic) du 10 janvier 1939 contre NIEKISCH et ses amis, décrit l’attitude de "WIDERSTAND" à l’égard du Nazisme et l’activité oppositionnelle de NIEKISCH et de son réseau sous le IIIeme Reich.

 

 

APRES LES NAZIS LES LIBERAUX :

 

QUAND LA RFA PERSECUTAIT NIEKISCH

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Après la guerre, NIEKISCH sortira brisé, gravement handicapé et presque aveugle, des geôles nazies. Il participera à la naissance de la RDA et puis, déçu par certains des aspects du nouveau régime se retirera à Berlin Ouest dans une opposition hautaine au régime bourgeois de Bonn.

Tout le scandale de l’attitude de Bonn face à la Résistance allemande antinazie se reflète d’ailleurs dans le traitement inique dont Ernst NIEKISCH sera après la guerre victime de la part de la République fédérale allemande et qui n’honore guère ce régime. NIEKISCH devra en effet entamer contre les autorités de la RFA, qui prennent prétexte de ses sympathies pour l’Est une longue bataille juridique de 13 années pour obtenir que lui soit versée la pension de victime du Nazisme à laquelle il a droit. Cette procédure judiciaire obscurcira les dernières années de NIEKISCH, qui sera soutenu par DREXEL, devenu patron d’un empire de presse en Franconie (comprenant notamment les "NURENBERGER NACHRICHTEN"). En 1966, quelques mois avant sa mort, il faudra un intervention de la Commission européenne des Droits de l’Homme pour que NIEKISCH obtienne enfin 30.000 DM de réparation et la promesse d’un versement mensuel de 1.500 DM (19).

L’ Allemagne de l’Est, elle, sera moins avare de reconnaissance envers ceux qui ont combattu le Reich hitlérien. L’adjoint de NIEKISCH, DREXEL, sera ainsi fait docteur honoris causa de l’Université Humboldt de Berlin quelques jours avant sa mort en 1976 (20).

L’Allemagne fédérale, dans ce cas-ci comme dans bien d’autres, ne sort pas grandie de cette attitude envers la Résistance anti-nazie et la figure de NIEKISCH est là aussi emblématique.

 

 

L’ORGANISATION HARNACK - SCHULZE-BOYSEN, 1932-1942

 

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Le plus spectaculaire, sans aucun doute, des réseaux de Résistance au IIIeme Reich est celui que l’on connaît dans l’espace francophone sous le nom inapproprié d’ "Orchestre Rouge" et qui est connu en Allemagne sous le nom de "SCHULZE-BOYSEN-HARNACK ORGANISATION" (21). Ce réseau, sous le nom d’ "Orchestre Rouge" que lui attribuèrent les nazis eux même, a connu une incontestable popularité dans l’espace francophone par le livre que lui a consacré l’historien (?) Gilles PERRAULT sous ce même titre d’ "Orchestre Rouge" (22). Mais PERRAULT n’a pas fait une œuvre d’historien sans tache. Il a lourdement surestimé le rôle de la partie franco-belge du Réseau au détriment de l’Allemande et il a d’autre part donné un rôle bien trop important au responsable bruxellois Léopold TREPPER, agent du Komintern et des services secrets soviétiques. Aujourd’hui, alors que de nouveaux témoignages font surface, on relativise de plus en plus le rôle de TREPPER, qui, loin d’être le héros autoproclamé, fut peut-être tout simplement celui qui trahit son propre réseau (23).

L’ "Orchestre Rouge" doit pourtant sa célébrité au travail qui fut accompli par la partie allemande de ce réseau à Berlin, où elle était animée par deux Nationaux-Bolchéviques de premier plan HARNACK et SCHULZE-BOYSEN. Spécialiste de l’espionnage soviétique en Europe, Thierry WOLTON, dans son livre "Le Grand recrutement", rend justice aux deux hommes : "ce sont ces hommes et ces femmes des réseaux Schulze-Boysen et Harnack, tous antifascistes convaincus, qui ont formé le véritable "Orchestre rouge" (die Rote Kapelle) tant craint par Berlin. C’est cet "Orchestre rouge" - là que le chef de l’espionnage nazi l’amiral Canaris, accusera d’avoir coûté la vie à 200.000 soldats allemands par les seuls renseignements qu’il réussit à transmettre à Moscou". (24).

Gilles PERRAULT, dans son histoire de l' "Orchestre Rouge", évoque longuement ces deux militants en minimisant leur origine politique et en qualifiant leurs théories nationales-bolchéviques de "fumeuses" et "hasardeuses".

Au prix de quelques manipulations de l’histoire et de quelques silences savamment calculés, présentant l’activité d’HARNACK avant guerre, il évoque la fondation en 1931 du "Cercle d’études de l’économie planifiée", où se regroupent selon lui "quelques dizaines de personnalités politiques". Ce groupe, l’ "ARPLAN", est en fait créé en marge des activités de la revue "VORKAMPFER" créée par l’économiste LENZ, une des figures de proue du National-Communisme allemand des années 30-33 et a pour secrétaire Arvid HARNACK, lui-même ancien combattant des Corps-francs gagné au National-Bolchévisme (25).

PERRAULT évoque ainsi le voyage en URSS de 24 membres du cercle en 1932, où HARNACK s’engage dans une activité de renseignements au profit de l’URSS. PERRAULT évite de préciser que par exemple parmi ces visiteurs de la Russie figurait Ernst NIEKISCH, qui rencontra à cette occasion Karl RADEK, l’interlocuteur principal des Nationaux-Bolchéviques allemands au sein du Komintern dans les années 1919-1923.

Lorsque PERRAULT évoque la figure du deuxième animateur de ce réseau, Harro SCHULZE-BOYSEN il a le même laconisme en ce qui concerne l’engagement national-bolchévique de ce grand résistant allemand et oublie de préciser que la revue de SCHULZE-BOYSEN, "DER GEGNER" (L’ADVERSAIRE) fut l’un des principaux organes du National-Bolchévisme allemand avant la prise du pouvoir par les nazis (26).

Après la prise du pouvoir par Hitler, tant HARNACK que SCHULZE-BOYSEN décident de mener le combat à l’intérieur même des structures du IIIeme Reich, en liaison probable avec les services secrets soviétiques des le début.

En 1939, HARNACK est un haut fonctionnaire des plus importants du Ministère de l’économie et l’un des meilleurs connaisseurs de la production de guerre. SCHULZE-BOYSEN lui-même, qui a pourtant été arrêté et malmené par les SS en 1933 et a été relâché sous la pression de ses parents (il est le petit-neveu de l’amiral VON TIRPITZ, fondateur de la marine impériale allemande), réussit à se hisser dans les structures dirigeantes de la Luftwaffe, entrant notamment à l’Institut de recherche Hermann Göring. "Utilisant les possibilités offertes par sa nouvelle position, il collabore dès cette époque avec les services de renseignements soviétiques. Il leur transmet des informations sur les plans d’offensives franquistes en Espagne, et on s’apercevra plus tard que ces renseignements ont effectivement servi à la défense républicaine... c’est en 1936 que SCHULZE-BOYSEN forme les bases de son réseau. Il réunit six amis surs, noyau de ce qui deviendra la section berlinoise de l’Orchestre Rouge. En 1940, tout en gardant son activité à l’institut de recherche, il est affecté à la section des attachés de la Luftwaffe. Ses fonctions l’amènent à prendre connaissance des rapports secrets envoyés de toutes les ambassades allemandes par les attachés militaires de la Luftwaffe. Chargé de cours à l’Académie des Affaires Etrangères, il réunit un groupe d’étudiants dont il fait des disciples d’un dévouement absolu. Sa femme, Libertas, qui partage son engagement, travaille au ministère de la propagande du docteur GOEBBELS au service des films culturels. Quand éclate la guerre germano-soviétique, SCHULZE-BOYSEN est en position de transmettre à Moscou des informations militaires du plus haut intérêt, notamment en ce qui concerne la Luftwaffe, dont on peut dire qu’aucun de ses services n’a de secret pour lui. Sa femme et lui forment un couple connu du Tout Berlin, et leur vie mondaine les mettent en contact avec les personnalités les plus éminentes du régime" (27).

De l’action de l’ "Orchestre Rouge" son biographe pourra dire qu’elle était une "machine prodigieuse d’efficacité qui fonctionnerait au maximum de sa puissance avec un filet de carburant".

De l’aveu même des services secrets allemands l’action de SCHULZE-BOYSEN va coûter cher à la machine de guerre hitlérienne, des renseignements de valeur stratégique de première importance étant livrés au moment où à Stalingrad le IIIeme Reich est engagé dans une lutte à mort avec la Russie de STALINE : "Staline et son état-major ont alors en main deux atouts maîtres : les Services de renseignements fonctionnent à merveille à Berlin comme en Suisse. L’exploitation de leurs données est immédiate. A Moscou, on connaît le nombre des unités nazies en marche, leurs effectifs, leurs plans" (28). PERRAULT dira de SCHULZE-BOYSEN qu’il "équivaut pour l’Etat-major russe à l’appoint de plusieurs divisions".

 

 

AU COEUR DU III REICH, EN PLEINE GUERRE,

 

ILS DENONCENT LE REGIME NAZI

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Cette activité de renseignement, capitale en période de guerre, n’est pourtant pas l’activité principale de l’ "Organisation HARNACK-SCHULZE-BOYSEN" ! En effet, non-content d’organiser le réseau de renseignement sans doute le plus efficace de toute la guerre, ils dirigent également une organisation de Résistance et de propagande contre le Nazisme qui publie un journal bimensuel, le "Front Intérieur", organe de propagande destiné à la masse des ouvriers étrangers travaillant en Allemagne et qui comporte des éditions allemande, russe, polonaise, italienne, tchèque et française. Un réseau qui distribue des tracts antinazis qu’on distribue par milliers d’exemplaires aux arrêts de trams où à la nuit dans les boites aux lettres. Le réseau édite aussi des brochures longuement méditées et imprimées, envoyées dans le système nazi aux gens accessibles au raisonnement. Le titre de ces brochures : "La naissance du parti nazi", "Qui a rendu la guerre inévitable !", "Appel à la Résistance", "Pourquoi la guerre est perdue". Une de ces brochures, "Napoléon Bonaparte", décrivait le suicide de la Wehrmacht en Russie et annonçait la défaite future par des citations en référence aux ouvrages d’histoire relatifs à la défaite de la Grande Armée.

Ce n’est pas encore tout, tant l’activité d’HARNACK, de SCHULZE-BOYSEN et de leurs militants était inlassable et d’un courage indomptable et admirable. L’organisation avait également mis sur pied des filières d’évasion vers la Suisse et la Suède pour les Juifs et les évadés des camps de concentration. Lorsque le réseau est arrêté, il mettait sur pied une organisation de sabotage à l’échelon national, dont il parachevait les derniers préparatifs.

Le réseau se permet même de véritables coups d’éclat. "Il y avait eu cette nuit mémorable de 1941 où soixante d’entre eux s’étaient répandus dans les rues de Berlin pour coller sur les murs des affiches antinazies; ils étaient protégés par des officiers en uniforme, pistolet au poing; Harro SCHULZE-BOYSEN dirigeait l’opération. Il l’avait organisée pour répliquer à l’exposition de GOEBBELS "Le Paradis soviétique", qui présentait au public allemand des témoignages saisissants sur la misère du peuple russe. Le matin suivant, les Berlinois avaient lu avec stupeur la réponse de SCULZE-BOYSEN : "Le Paradis nazi : Guerre - Faim - Mensonge - Gestapo - Pour combien de temps encore ?" "(29).

Lorsqu’en 1942 la Gestapo met un terme à l‘activité du réseau par l’imprudence ou la trahison, on ne sait (pas encore!), de la branche bruxelloise et parisienne du réseau, avec HARNACK et SCHULZE-BOYSEN ce sont 118 prisonniers qui sont enfermés dans les geôles de la Gestapo à Berlin, ignoblement torturés, et ensuite pour plusieurs dizaines d’entres eux, salis par les juges nazis, condamnés à mort et exécutés.

Lorsqu’il paraîtront devant le tribunal nazi, HARNACK et SCHULZE-BOYSEN auront une attitude et un courage indomptable, faisant le procès du régime et défiant leurs juges !

Après la guerre, s’ils furent honorés à l’Est, l’Allemagne fédérale préférera oublier le réseau HARNACK-SCHULZE-BOYSEN, quand certains de ses représentants ne les accuseront pas au nom de l’anti-communisme de "trahison". Pourtant, l’histoire a déjà jugé leur sacrifice, comme le rappelle Gérard SANDOZ : " ... peut-on envisager de "trahir" son pays, même si ses dirigeants l’entraînent de volonté délibérée dans une guerre de conquête impliquant des méthodes criminelles ? Les réponses données à ces questions manquent le plus souvent de la clarté nécessaire. On évoque, à cet égard, le "soulèvement de la conscience". Mais il est vrai que ce terme, s’il est expliqué de manière nette, peut aboutir à des conclusions intéressantes et instructives pour les générations futures. Notons, toutefois, que les résistants de la gauche allemande ne posaient pas le problème dans ces termes. Pour eux, il était évident que la défaite militaire du régime nazi était, et de loin, le "moindre mal" comparé à un triomphe éventuel des armes allemandes. Enfin, en ce qui concerne la "trahison", si quelques historiens allemands ont tendance à utiliser ce terme pour disqualifier la collaboration des femmes et des hommes de l’ "Orchestre rouge" avec les services soviétiques d’espionnage, ils se montrent moins sourcilleux lorsqu’il s’agit de juger l’attitude de certains hommes du 20 juillet qui, eux aussi, étaient "en contact avec l’ennemi" ". (30).

 

 

LE GROUPE HIELSCHER, 1933-1945

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"L’Organisation HARNACK-SCHULZE-BOYSEN" ne sera pas la seule à s’infiltrer au plus haut niveau dans la machine de guerre hitlérienne pour la saper et la saboter.

L’organisation connue sous le nom de "GROUPE HIELSCHER" fera le même travail de 1933 à 1945.

Qui est son créateur Friedrich HIELSCHER ? C’est un ami d’Ernst JÜNGER, une des figures de proue de l’opposition nationale-révolutionnaire et nationale-bolchévique sous la République de Weimar. HIELSCHER dirige notamment la revue "DER VORMARSCH", après avoir combattu dans les Corps-francs et milité dans les ligues de jeunesse des milieux "bundisch" que nous avons déjà évoquées dans notre précédent article. Militant progressiste, HIELSCHER se prononce notamment alors pour l’organisation d’une Europe fédérale structurée sur base de ses régions (31).

De 1931 à janvier 1933, HIELSCHER réunit autour de la dernière revue qu’il édite "DAS REICH" (L’EMPIRE, dont le titre ne doit pas prêter à confusion avec les idées nazies, mais qui prône au contraire une vision impériale et citoyenne de la société), tous ceux avec lesquels il constituera après la prise du pouvoir par les nationaux-socialistes son propre groupe de Résistance. "Son objectif est de recruter dans les milieux sociologiques importants, l’armée, la SS, l’Administration, l’économie, l’agriculture, des hommes et des femmes prêts à résister en recueillant grâce à leur position les informations nécessaires pour aider les personnes menacées ou poursuivies, les protéger contre l’emprisonnement, avant de procéder à la phase de renversement du régime" (32).

HIELSCHER lui même travaille au service de l’ "Ahnenerbe", l’institut de recherche scientifique et universitaire de la SS où, sans avoir été membre du parti, il s’occupe d’ethnologie et d’histoire des religions.

L’action de HIELSCHER est connue grâce à un rapport écrit qu’il a rédigé lui-même, document exceptionnel, qu’il a réalisé en juillet 1945, sur le travail entrepris en souterrain contre le National-socialisme et qui figure dans le dossier 598 de la Wiener Library de Tel Aviv sous le titre "Secret help to persécute JEWS. The HIELSCHER group".

Dans ce document, HIELSCHER commence par préciser clairement son appartenance à la mouvance nationale-bolchévique et nationale-révolutionnaire : "Il existait, avant 1933, entre les nationaux-socialistes et les communistes, un certain nombre de mouvements et de groupes plus modestes, qui bouclaient, pour ainsi dire à l’arrière, le demi-cercle que décrivaient, à l’avant-scène et de la droite à la gauche, les nationaux-allemands, le Parti populaire allemand, le centre, les démocrates et la sociale-démocratie. La plupart du temps, ces petits groupes n’avaient pas de nom particulier. Leur dénominateur commun était le rejet du grand capital et de la grande propriété foncière. Il faut ici mentionner les groupes du capitaine ERHARDT, d’Ernst JÜNGER, d’Ernst NIEKISCH, de Beppo RÖMER, du capitaine STENNES, d’Otto STRASSER, d’August WINNIG, de Hans ZEHER. Notre groupe faisait lui aussi partie de cette nébuleuse. En politique intérieure, il était partisan de l’Etat fédéral et, sur le plan économique, d’un dirigisme d’Etat où existerait, sous l’autorité publique, une sous-propriété de type féodal (non-héréditaire). En politique étrangère, il considérait la République de Weimar, tout comme la Grande-Bretagne, la France et les Etats-Unis, comme un Etat capitaliste à combattre, face auquel une Allemagne libre et révolutionnaire devrait un jour ou l’autre s’allier à la Russie et aux peuples opprimés d’Asie" (33).

Lorsque la guerre éclate, le "Groupe HIELSCHER" tente tout d’abord de coordonner les divers groupes de Résistance au sein de l’armée et envisage un coup d’état contre Hitler, opération qui aboutira à la conjuration du 20 juillet 1944. Il fréquente le docteur GORDELER, l’un des organisateurs de cette mouvance avec le Comte de STAUFFENBERG. Parallèlement à ses liens avec le "Cercle de KREISAU", déjà évoqué, le "Groupe HIELSCHER" prépare son propre attentat prévu pour l’automne 1944. Seule la répression après l’attentat manqué de STAUFFENBERG empêcha la mise en exécution de ce projet.

A la fin de la guerre le "Groupe HIELSCHER" contrôle un véritable réseau de renseignement, d’entraide, qui dispose de sources de renseignement au sein même de la direction centrale de la SS, du SD et du renseignement militaire, l’Abwehr. Un réseau qui délivre passeports et laissez-passer, truque les missions et voyages officiels et finance ce travail sur le budget même des services de renseignements nazis ! Le "Groupe HIELSCHER" est notamment responsable de la fuite de nombreux juifs qui échappèrent ainsi aux camps d’extermination du IIIeme Reich. Après le 20 juillet 1944, HIELSCHER sera arrêté pour ses liens avec le Comte de STAUFFENBERG et tiré de prison par ses amis placés à la tête même des services de renseignements nazis.

Lorsque la guerre se termine, le "Groupe HIELSCHER" prépare encore un attentat contre Hitler et Himmler et est ainsi le seul groupe qui lutta en Allemagne contre la bête hitlérienne et qui survivra à la guerre. Ce groupe, dont l’action souterraine fut aussi importante que celle de l’ "Orchestre rouge", attend encore ses historiens et ses biographes.

 

 

CONTRE LES ASSASSINS DE LA MEMOIRE !

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Comme nous venons de le voir, la Résistance allemande n’a rien à envier aux autres groupes de résistance européens. Elle n’a pas démérité, bien loin de là, car ses membres risquaient encore plus que bien des autres pays européens. Ses membres déportés, torturés, assassinés dans les prisons et les camps nazis sont là pour témoigner qu’ils payèrent lourdement le prix du sang. Les militants nationaux-révolutionnaires et nationaux-bolcheviques furent parmi les premiers à s’engager. Dés 1933 et jusqu’au derniers jours de 1945, ils mirent en pratique au prix de leur vie et de leur liberté "l’éthique de Résistance" que prônait NIEKISCH. Alors que "certains" voudraient ignorer leur sacrifice, nous, leurs héritiers idéologiques, nous avons le devoir de garder leur souvenir face aux assassins de la mémoire !

Luc MICHEL,

Président du PCN.

 

NOTES ET RENVOIS

(1) cfr. Luc MICHEL, « Dès 1932, ils furent les premiers à résister à l’Hitlérisme ! La Résistance nationale-bolchevique et nationale-révolutionnaire contre le IIIe Reich », in « NATION-EUROPE », Paris et Bruxelles, n°8, Février-Avril 1997.

(2) Un exemple probant : à Ravensbrück, le plus grand camp de femmes (130.000 détenus, 90.000 victimes), une exposition est-allemande révélait les expérimentations "médicales" réalisées sur des détenues. Aujourd’hui, ces panneaux informatifs ont disparu au bénéfice d’informations générales sur la région, qui donnent l’illusion qu’il s’agissait d’un lieu de villégiature.

(3) Monika ZORN¸ « HITLERS ZWEIMAL GETÖTETE OPPER Westdeutsche Endlösung des Antifaschismus auf dem Gebiet der Ddr », Abriman Verlag, Freiburg, 1994.

(4) (5) Ibid.

(6) L’exposition itinérante sur « les crimes de la Wehrmacht » a suscité des réactions passionnées à chacune de ses escales. Partie de Hambourg en mars 1995, elle a traversé Berlin, Stuttgart, Vienne, Fribourg, Erfurt, Ratisbonne, Klagenfurt, Nuremberg, etc., avant d’arriver à Munich le 24 février 1997. C’est donc dans la capitale bavaroise que la polémique s’est développée, avec les prises de position de la droite locale.

(7) Le « COURRIER INTERNATIONAL » (Paris) du 27 mars 1997 présente ainsi ce débat : « En Allemagne comme en France, la Seconde Guerre mondiale n’en finit pas (...) IL y a aussi cette exposition itinérante sur les «Crimes de la Wehrmacht », qui, une fois arrivée à Munich, provoqua la colère de la droite locale et de certains vétérans. Comment peut-on monter ainsi « une campagne contre les Allemands » ? s’interroge l’organe de presse de la CSU, la branche bavaroise des chrétiens démocrates. A cette question Rudolf AUGSTEIN, l’émérite directeur du SPIEGEL¸ lui-même lieutenant pendant la guerre, donne une réponse sans ambiguïté : la Wehrmacht, dans les Balkans, en Pologne et en Russie, a couvert ou dirigé elle-même les opérations de police et les rafles voulues par les nazis. Par crainte de Hitler parfois, par ivresse de la puissance souvent. »

(8) Cfr. Rudolf AUGSTEIN¸ « L’exposition de Munich porte-t-elle atteinte à l’honneur du soldat allemand ? », in « DER SPIEGEL », 11 mars 1997, traduction française dans le « COURRIER INTERNATIONAL », n°334¸27 mars 1997.

(9) S. BERSTEIN et P. MILZA, « DICTIONNAIRE HISTORIQUE DES FASCISMES ET DU NAZISME », Ed. Complexe, Paris, 1992.

(10) Pierre MILZA est Professeur à l’Institut d’études politiques de Paris et Directeur du Centre d’histoire de l’Europe du Xe siècle à la Fondation nationale de sciences politiques. Spécialiste de l’Italie et du Fascisme, il est représenté comme un auteur de référence. Publications : « Français et italiens à la fin du XIXe siècle »; « Les Fascismes »; « Fascismes français, passé et présent »; « Le Nouveau Désordre mondial »; « La France du XXe siècle », « Dictionnaire historique des fascismes et du nazisme »; « Voyage en Italie »; « Le Nogent des Italiens ». Son « DICTIONNAIRE » est pourtant truffé d’erreurs, souvent grossières, qu’il serait fastidieux de reprendre ici.

(11) S. BERSTEIN et P. MILZA, « Résistance allemande au Nazisme », in « DICTIONNAIRE HISTORIQUE DES FASCISMES ET DU NAZISME », opus cit., ps 585 à 587.

(12) Ibid.

(13) Gérard SANDOZ, « CES ALLEMANDS QUI ONT DEFIE HITLER. 1933-1945 », Ed. Pygmalion/ Gérard Watelet, Paris, 1980.

(14) Ibid, ps 45 et 46.

(15) Claus WOLFSCHLAG, « HITLERS RECHTE GEGNER. Gedanken zum nationalistischen widerstand », ARUN Verlag, Engerda, 1995.

(16) Sur NIEKISCH et son action, cfr. :

- Uwe SAUERMANN, « ERNST NIEKISCH UND DER REVOLUTIONÄRE NATIONALISMUS », München, 1985;

- Friedrich KABERMANN, « WIDERSTAND UND ENTSCHEIDUNG EINES DEUTSCHEN REVOLUTIONAÄRS. LEBEN UND DENKEN VON ERNST NIEKISCH¸ Köln, 1972.

(17) Gérard SANDOZ¸ opus cit., ps 198 à 200.

(18) Joseph DREXEL¸ «DIE REISE NACH MATHAUSEN », Nürnberg, 1966.

(19) Les pièces essentielles de cette bataille juridique ont été publiées par Joseph DREXEL, « DER FALL NIELISCH. EINE DOKUMENTATION », Kiepenheuer u. Witsch, Köln-Berlin 1964.

(20) Sur le cursus de DREXEL cfr. :

Joseph E. DREXEL, « VERANTWORTUNG VOR DER GESCHICHTE. AUFSÄTZE-KOMMENTARE-GLOSSEN AUS DEN JAHREN 1929-1970 ». Nürnberger Presse, Nûrnberg, 1971;

Wilhelm Raymund BEYER (Hg.) : « RÜCKKEHR UNERWÜNSCHT. JOSEPH DREXELS « REISE NACH MAUTHAUSEN » UND DER WIDERSTANDSKREIS ERNST NIEKISCH », Stuttgart, 1978.

(21) Karl Heinz BIERNAT et Louise KRAUCHAAR » : DIE SCHULZE-BOYSEN-ORGANISATION IM ANTIFASCHISTISCHEN KAMPF », Berlin, 1972, et

Elsa BOYSEN : « HARRO SCHULZE-BOYSEN. DAS BILD EINES FREIHEITSKÄMPFERS », Düsseldorf, 1947.

(22) cfr. Anatoli GOUREVITCH¸ « UN CERTAIN MONSIEUR KENT. Le dernier témoin de l’Orchestre rouge », Grasset, Paris, 1996.

(23) En quelques années le Français Thierry WOLTON s’est imposé comme le meilleur spécialiste de l’espionnage avec ses livres « LE KGB EN FRANCE » et « LES VISITEURS DE L’OMBRE ». Pour écrire « LE GRAND RECRUTEMENT », il avait exploité les archives tant soviétiques qu’occidentales. Certaines de ses observations trouvent aujourd’hui une confirmation dans ce que vient de révéler Anatoli GOUREVITCH dans ses mémoires.

(24) Cfr. Louis DUPEUX, « « Entre Bismarck et Karl Marx » Le Vorkämpfer - Janvier 1930 - Janvier 1933 », in « NATIONAL BOLCHEVISME DANS L’ALLEMAGNE DE WEIMAR 1919 - 1933 », Librairie Honoré Champion, Paris, 1979, ps 429 à 463.

(25) Cfr. Louis DUPEUX, opus cit., « Le Gegner de Schulze-Boysen », ps 486 à 492.

(26) Gilles PERRAULT, « L’ORCHESTRE ROUGE », opus cit., ps 226 et 227.

(27) Pierre NOUAILLE, Claude GUILLAUMIN et Alain MANEVY¸ « STALINE¸ LE DERNIER DES TSARS », Ed. Fomat, Genève, 1974, p. 186.

(28) Gilles PERRAULT, opus cit., p. 296

(29) Gérard SANDOZ, opus cit., p. 228 et 229.

(30) Sur son parcours et son action, cfr :

Friedrich HIELSCHER, « FÜNFZIG JAHRE UNTER DEUTSCHEN », Rorvohlt, Hamburg, 1954,

Marcus BECKMANN¸ « Le retour des dieux. Friedrich Hielscher, essayiste politique (1926-1933) », in « NOUVELLE ECOLE », n° 48 (consacré au centenaire d’Ernst JÜNGER), Paris, 1996.

(31) Marcus BECKMANN, « Le groupe Hielscher, 1933-1945. Un travail de Sape contre le National-socialisme », in « NOUVELLE ECOLE », n° 48, Paris, 1996.

(32) Friedrich HIELSCHER, « RAPPORT SUR LE TRAVAIL SOUTERRAIN ENTREPRIS CONTRE LE NATIONAL-SOCIALISME », 25 et 26 juillet 1945, dossier n° 598 (sous le titre « Secret help tot persecuted jews (Hielscher Group) »),Wiener Library¸ tel-Aviv.

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