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29 mars 2012 4 29 /03 /mars /2012 23:35

BiENTÔT
Bientôt
je n'aurai pas que dansé
bientôt
je n'aurai pas que chanté
bientôt
je n'aurai pas que frotté
bientôt
je n'aurai pas que trempé
bientôt
je n'aurai pas que dansé
chanté
frotté
trempé
frotté
trempé
frotté
chanté
dansé
        Bientôt

Léon Gontran DAMAS
(pigments, éditions Présence Africaine)

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29 mars 2012 4 29 /03 /mars /2012 23:34

HOQUET
Pour Vashti, et Mercer Cook

Et j'ai beau avaler sept gorgées d'eau
trois à quatre fois par vingt-quatre heures
me revient mon enfance
dans un hoquet
secouant mon instinct
tel le flic le voyou
Désastre
parlez-moi du désastre
parlez-m'en
Ma mère voulant d'un fils très bonnes manières à table
Les mains sur la table
le pain ne se coupe pas
le pain se rompt
le pain ne se gaspille pas
le pain de Dieu
le pain de la sueur du front de votre Père
le pain du pain
Un os se mange avec mesure et discrétion
un estomac doit être sociable
et tout estomac sociable
se passe de rots
une fourchette n'est pas un cure-dents
défense de se moucher
au su
au vu de tout le monde
et puis tenez-vous droit
un nez bien élevé
ne balaye pas l'assiette
Et puis et puis
et puis au nom du Père
                       du Fils
                       du Saint-Esprit
à la fin de chaque repas
        Et puis et puis
        et puis désastre
parlez-moi du désastre
parlez-m'en
Ma mère voulant d'un fils mémorandum
Si votre leçon d'histoire n'est pas sue
vous n'irez pas à la messe
dimanche
avec vos effets des dimanches
Cet enfant sera la honte de notre nom
cet enfant sera notre nom de Dieu
Taisez-vous
Vous ai-je ou non dit qu'il vous fallait parler français
le français de France
le français du Français
le français français
Désastre
parlez-moi du désastre
parlez-m'en
Ma mère voulant d'un fils
fils de sa mère
Vous n'avez pas salué voisine
encore vos chaussures de sales
et que je vous y reprenne dans la rue
sur l'herbe ou la Savane
à l'ombre du Monument aux Morts
à jouer
à vous ébattre avec Untel
avec Untel qui n'a pas reçu le baptême
Désastre
parlez-moi du désastre
parlez-m'en
Ma mère voulant d'un fils très do
        très ré
        très mi
        très fa
        très sol
        très la
        très si
        très do
        ré-mi-fa
        sol-la-si
        do
Il m'est revenu que vous n'étiez encore pas
à votre leçon de vi-o-lon
Un banjo
vous dîtes un banjo
comment dîtes-vous
un banjo
vous dîtes bien
un banjo
Non monsieur
        vous saurez qu'on ne souffre chez nous
ni ban
ni jo
ni gui
ni tare
les mulâtres ne font pas ça
laissez donc ça aux nègres

Léon Gontran DAMAS
(pigments, éditions Présence Africaine)

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29 mars 2012 4 29 /03 /mars /2012 23:32

BLANCHi
Pour Christiane et Alioune Diop

 Se peut-il donc qu'ils osent
me traiter de blanchi
alors que tout en moi
aspire à n'être que nègre
autant que mon Afrique
qu'ils ont cambriolée
Blanchi
Abominable injure
qu'ils me paieront fort cher
quand mon Afrique
qu'ils ont cambriolée
voudra la paix la paix rien que
la paix
Blanchi
Ma haine grossit en marge
de leur scélératesse
en marge
des coups de fusil
en marge
des coups de roulis
des négriers
des cargaisons fétides de l'esclavage cruel
Blanchi
Ma haine grossi en marge
de la culture
en marge
des théories
en marge des bavardages
dont on a cru devoir me bourrer au berceau
alors que tout en moi aspire à n'être que nègre
autant que mon Afrique qu'ils ont cambriolée

Léon Gontran DAMAS
(pigments, éditions Présence Africaine)

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29 mars 2012 4 29 /03 /mars /2012 23:31

SOLDE
Pour Aimé Césaire

 J'ai l'impression d'être ridicule
dans leurs souliers
dans leur smoking
dans leur plastron
dans leur faux-col
dans leur monocle
dans leur melon
J'ai l'impression d'être ridicule
avec mes orteils qui ne sont pas faits
pour transpirer du matin jusqu'au soir qui déshabille
avec l'emmaillotage qui m'affaiblit les membres
et enlève à mon corps sa beauté de cache-sexe
J'ai l'impression d'être ridicule
avec mon cou en cheminée d'usine
avec ces maux de tête qui cessent
chaque fois que je salue quelqu'un
J'ai l'impression d'être ridicule
dans leurs salons
dans leurs manières
dans leurs courbettes
dans leurs multiples besoins de singeries
J'ai l'impression d'être ridicule
avec tout ce qu'ils racontent
jusqu'à ce qu'ils vous servent l'après-midi
un peu d'eau chaude
et des gâteaux enrhumés
J'ai l'impression d'être ridicule
avec les théories qu'ils assaisonnent
au goût de leurs besoins
de leurs passions
de leurs instincts ouverts la nuit
en forme de pallaisson
J'ai l'impression d'être ridicule
parmi eux complice
parmi eux souteneur
parmi eux égorgeur
les mains effroyablement rouges
du sang de leur ci-vi-li-sa-tion

Léon Gontran DAMAS
(pigments, éditions Présence Africaine)

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29 mars 2012 4 29 /03 /mars /2012 23:28

PAREiLLE A LA LÉGENDE
Des cheveux que je lisse
que je relisse
qui reluisent
maintenant qu'il m'en coûte
des les avoir crépus
Dans une longue carapace de laine
mon cou s'engouffre
la main s'énerve
et mes orteils se rappellent
la chaude exhalaison des mornes
Et mon être frigorifié
Et becs de gaz
qui rendent plus tristes
ces nuits au bout desquelles
occidentalement
avance mon ombre
pareille à ma légende
d'homme singe

Léon Gontran DAMAS
(pigments, éditions Présence Africaine)

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29 mars 2012 4 29 /03 /mars /2012 23:27

LiMBÉ
Pour Robert Romain

 Rendez-les moi mes poupées noires
qu'elles dissipent
l'image des catins blêmes
marchands d'amour qui s'en vont viennent
sur le boulevard de mon ennui
Rendez-les moi mes poupées noires
qu'elles dissipent
l'image sempiternelle
l'image hallucinante
des fantoches empilés féssus
dont le vent porte au nez
la misère miséricorde
Donnez-moi l'illusion que je n'aurai plus à contenter
le besoin étale
de miséricordes ronflant
sous l'inconscient dédain du monde
Rendez-les moi mes poupées noires
que je joue avec elles
les jeux naïfs de mon instinct
resté à l'ombre de ses lois
recouvrés mon courage
mon audace
redevenu moi-même
nouveau moi-même
de ce que Hier j'étais
hier
    sans complexité
                            hier
quand est venue l'heure du déracinement
Le sauront-ils jamais cette rancune de mon coeur
A l'oeil de ma méfiance ouvert trop tard
ils ont cambriolé l'espace qui était le mien
la coutume
les jours
la vie
la chanson
le rythme
l'effort
le sentier
l'eau
la case
la terre enfumée grise
la sagesse
les mots
les palabres
les vieux
la cadence
les mains
la mesure
les mains
le piétinement
le sol
Rendez-les moi mes poupées noires
    mes poupées noires
    poupées noires
    noires
            noires

Léon Gontran DAMAS
(pigments, éditions Présence Africaine)

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29 mars 2012 4 29 /03 /mars /2012 23:26

NOUS LES GUEUX
nous les peu
nous les rien
nous les chiens
nous les maigres
nous les Nègres

Nous à qui n'appartient
guère plus même
cette odeur blême
des tristes jours anciens

Nous les gueux
nous les peu
nous les riens
nous les chiens
nous les maigres
nous les Nègres

Qu'attendons-nous
les gueux
les peu
les rien
les chiens
les maigres
les nègres
pour jouer aux fous
pisser un coup
tout à l'envi
contre la vie
stupide et bête
qui nous est faite
à nous les gueux
à nous les peu
à nous les rien
à nous les chiens
à nous les maigres
à nous les nègres

Léon Gontran DAMAS
(extrait BLACK-LABEL, p. 50-51, Gallimard)

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29 mars 2012 4 29 /03 /mars /2012 23:24

DÉSiR D'ENFANT MALADE
d'avoir été trop tôt sevré du lait pur
de la seule vraie tendresse
j'aurais donné
une pleine vie d'homme
pour te sentir
te sentir près
près de moi
de moi seul
seul
toujours près
de moi seul
toujours belle
comme tu sais
tu sais si bien
l'être toujours
après avoir pleuré

Léon Gontran DAMAS
(NÉVRALGiES, p. 38, Présence Africaine)

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29 mars 2012 4 29 /03 /mars /2012 23:21

 

Dans le cadre de l’année de commémoration de la naissance de Léon-Gontran Damas, le Service Régional de l’Inventaire du Patrimoine Culturel organise une conférence sur Léon-Gontran Damas
 
Jeudi 29 mars 2012
à 19h00
à la Cité Administrative Régionale
(Salle d’Assemblée Plénière)
 
 
Cette conférence, présentée par M. Kristen Sarge, se focalisera sur une période particulière de la vie de Léon-Gontran Damas : son retour en Guyane, entre 1934 et 1938, après 10 années d’absence.
 
Ce sera l’occasion de découvrir en quoi ce retour, qui s’est notamment effectué dans le cadre d’une mission ethnologique pour le compte du Musée du Trocadéro (Paris), sera décisif pour le poète, le journaliste, et l’homme politique que fut Léon-Gontran Damas.
http://www.cr-guyane.fr/agenda/2012-03-29
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29 mars 2012 4 29 /03 /mars /2012 23:19

OBSESSiON

Un goût de sang me vient
un goût de sang me monte
m'irrite le nez
la gorge
les yeux

Un goût de sang me vient
un goût de sang m'emplit
le nez
la gorge
les yeux

Un goût de sang me vient
âcrement vertical
pareil
à l'obsession païenne
des encensoirs

(Léon Gontran DAMAS, pigments, Présence africaine, 1962)

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